Visionnaire pour les uns, affligeant pour les autres… Le rapport du laboratoire d'idées Terra Nova, intitulé «Réinventer l'abondance pour une politique des consommations», est une attaque en règle de la surconsommation. En publiant cette somme de 166 pages samedi 15 septembre, en pleine Conférence environnementale organisée par le gouvernement, la fondation proche du PS présente un inventaire à la Prévert de 85 propositions.
Son postulat: «Une politique de la consommation conséquente doit prendre acte non seulement de la volonté de consommer mieux, mais aussi de la nécessité de consommer moins.» Rien de bien nouveau. En janvier 2011, un précédent rapport du Centre d'analyse stratégique (CAS), «Pour une consommation durable», abordait déjà l'essentiel du sujet en 25 recommandations (voir Stratégies n°1628).
«On parle de tout dans ce document. Pêle-mêle, l'énergie, la santé, le commerce – équitable ou non– le crédit, l'automobile, la publicité, les achats publics, l'écologie… apparaissent comme autant de terrains sur lesquels Terra Nova propose d'agir. Tiens, ils ont oublié la télé-réalité et les films porno?», ironise Vincent Leclabart, administrateur à l'AACC (Association des agences-conseils en communication) et président de l'agence Australie, qui publie chaque année avec Ipsos l'étude Publicité & Société.
La publicité en tout cas n'a pas été oubliée, 20% des propositions du rapport lui sont consacrées. Pour Terra Nova, «la publicité ne doit plus tant déclencher l'achat que fonder la confiance. Elle ne pourra opérer cette transition qu'en étant moins intrusive, en jouant moins sur l'impulsion, le symbolique, le rêve compensatoire.» Pour Laurent Terrisse, président de l'agence Limite et cofondateur de l'Association pour une communication plus responsable, «beaucoup des propositions de Terra Nova rejoignent celles de notre association. Créer la confiance est certes un préalable à toute communication, mais l'alternative à “inciter à acheter” est plutôt de rendre davantage désirable la consommation responsable.»
L'objectif affiché de Terra Nova est de «démocratiser, responsabiliser et “verdir” la publicité» (régulation publicitaire, limitation de l'affichage, interdiction de la publicité télévisée s'adressant aux mineurs). Une position qui fait bondir Gérard Noël, vice-président et directeur général de l'Union des annonceurs (UDA): «L'objet de ces mesures, en tout les cas leur résultat, est d'empêcher d'établir le lien de communication et de confiance nécessaire entre les entreprises, les citoyens et les consommateurs.»
Affichage et autorégulation dans le collimateur
Si la remise en question est générale, l'affichage – «publicité imposée à tous et non ciblée» selon Terra Nova – est singulièrement en ligne de mire du rapport. «Nous sortons d'un long processus d'élaboration d'une nouvelle législation sur la publicité extérieure, il serait risqué de modifier à nouveau les textes et de créer une instabilité juridique», prévient Stéphane Dottelonde, président de l'Union de la publicité extérieure (UPE).
Autre cible directe du rapport: l'autorégulation. «Terra Nova propose de remplacer l'actuelle Autorité de régulation professionnelle de la publicité [ARPP] par un Conseil supérieur de la publicité sur le modèle de l'ASA britannique [Advertising Standards Authority]. Or, l'ASA est exactement comparable à l'ARPP», pointe Stéphane Martin, directeur général de l'ARPP. Et ajoute que «la communication responsable n'est pas de tenter de remplacer les professionnels par l'Etat systématiquement – qui n'a plus les moyens –, mais de faire collaborer, avec des règles transparentes et exigeantes, les diverses parties prenantes».
Sans surprise, le rapport de Terra Nova ne fait guère l'unanimité, bien qu'il se fasse l'écho d'une opinion de plus en plus partagée (voir page 11). Les professionnels de la communication devront toutefois tenir compte du pouvoir d'influence de ce laboratoire d'idées qui vient de se voir distinguer à la fois par ses pairs et par les journalistes lors des derniers Trophées des think tanks français organisés par l'Observatoire des think tanks et l'agence de RP Burson-Marsteller I&E.
