Régions
La capitale européenne mise sur une communication locale ciblée ou de grandes manifestations pour afficher son dynamisme et gagner en attractivité.

Une jeune femme et une enfant décoiffées, un homme aux cheveux hirsutes... Strasbourg débute l'année 2013 avec des visuels signés «Ma ville a quelque chose en plus». Les créatifs de l'agence VO, Benjamin Voituriez et Stéphane Obringer, illustrent ainsi une agglomération qui bouge, qui «décoiffe», en soulignant ses points forts: «une ville verte et nature», «une qualité de vie au quotidien», «une ville dynamique et attractive».

Jean-François Lanneluc, directeur de la communication de Strasbourg et de sa communauté urbaine, apprécie tout particulièrement la capitale alsacienne. Ce Bordelais a occupé ce poste de 1991 à 2001 avant de prendre en charge, pendant neuf ans, la communication de la ville de Lyon. En 2010, il est revenu à Strasbourg où il cumule, comme à Lyon, ses fonctions avec celle de directeur de cabinet, un poste où il a été nommé en décembre 2012 par Roland Ries, maire socialiste de la commune.

«Strasbourg a l'image d'une ville riche, internationale, patrimoniale, confortable. Elle n'est cependant pas perçue comme dynamique et innovante. Mon objectif est de la rendre plus moderne, plus attractive», explique-t-il.

 

Réaffirmer l'identité européenne

Depuis son arrivée, une soixantaine de campagnes locales sont diffusées chaque année, notamment en affichage, son média de prédilection. «Pour chacune d'elles, nous recherchons un ton décalé montrant que nous sommes à l'aise avec la modernité, la fantaisie, et que Strasbourg est en mouvement», indique Jean-François Lanneluc.

Avec un budget global de trois millions d'euros (1,6 million pour la ville et 1,4 million pour la communauté urbaine), la ville mise également sur la communication digitale. La version 2 de son site Internet, lancé en septembre 2012, affiche une identité visuelle sous forme d'adresse web: Strasbourg.eu. Reprise dans les communications de la ville, elle souligne sa modernité en réaffirmant la vocation de cette capitale européenne, siège du Conseil de l'Europe, du Parlement européen et de la Cour européenne des droits de l'homme.

S'il est convaincu que toute prise de parle doit avoir sa part d'aspérité, sous peine de passer inaperçue, Jean-François Lanneluc ne croit pas en revanche aux grandes marques territoriales. «Elles sont très à la mode, portées par des agences qui multiplient les études sur les valeurs, les forces et les faiblesses d'un territoire, qui parlent d'ADN et dépensent des sommes folles pour accoucher de marques ombrelles qui laisseront des traces relativement faibles», lance-t-il.

Comment parler, au travers d'un même signe, de la qualité de la choucroute et de la capacité créative d'une région, s'interroge-t-il. «Le risque, c'est de ne garder qu'un des aspects d'un territoire», poursuit-il.

La marque Alsace dévoilée au printemps 2012 est selon lui l'exemple à ne pas suivre. «Tout comme la marque Bretagne, elle flatte les habitants, elle leur fait plaisir, mais sur le plan extérieur, elle n'a aucun impact. Frappée du signe de la tradition, avec son logo en forme de Bretzel, elle ne porte aucune dimension contemporaine ou avant-gardiste. Dommage», conclut-il.

Strasbourg, qui aspire à plus d'ouverture, souhaite renouer aujourd'hui avec le faste des années 1990, une époque où la cité, portée par Catherine Trautmann, première femme maire d'une grande ville de France, innovait en matière d'urbanisme, avec la mise en place du premier réseau de tramway de France et la création d'une vaste zone piétonne et cyclable en centre-ville: 27% des déplacements se font aujourd'hui à vélo.

 

Une ville "europtimist" 

«Jusqu'en 2000, Strasbourg a fait partie des villes les plus attractives de France, avant une période de stagnation de 2001 à 2008. L'équipe municipale de l'époque, plus conservatrice, voulait retisser des liens entre la ville et la région Alsace. Avec moins de construction et de foncier libéré, cette période a marqué une forme de replis, dessinant une capitale plus régionale qu'internationale et l'image d'une ville endormie», constate Jean-François Lanneluc.

Aujourd'hui, Strasbourg mise sur une modernité affichée, une politique d'innovation qui réaffirme sa place de capitale européenne. L'heure est au développement de projets urbains. Une dizaine sont à l'oeuvre sur l'agglomération, alliant audaces architecturales et écoquartiers exemplaires. Certains sont très ambitieux, comme celui des Deux Rives, le plus vaste chantier urbain de France avec ses 18 000 nouveaux logements prévus sur six ans, ou celui du quartier d'affaires baptisé Wacken-Europe.

Autant d'initiatives évoquées fin 2012 dans une campagne de communication signée «Strasbourg ouvre la voie». Conçue par l'agence Reymann communication (lire l'encadré), elle mettait également en avant la création de la première université de France labellisée «Initiative d'excellence» ou encore le lancement du Forum mondial de la démocratie. L'événement, inauguré en 2012, a été créé pour porter le rayonnement international de la ville, avec l'ambition d'être une manifestation à mi-chemin entre Davos et Porto Alegre.

Pour sa communication externe, Strasbourg mise en effet sur l'événementiel, mais aussi sur les salons et les relations presse, notamment autour de ses atouts de première destination française de tourisme urbain après Paris, appréciée pour sa gastronomie, son marché de Noël, son patrimoine architectural et son centre historique classé au patrimoine mondial par l'Unesco.

Il lui faut maintenant attirer les entreprises et batailler avec d'autres métropoles françaises et européennes engagées dans la course à l'attractivité économique. S'il ne croit pas aux marques ombrelles, Jean-François Lanneluc compte toutefois sur une marque pour toucher, avec plus de cohérence et d'efficacité, les décideurs économiques.

Utilisée pour la première fois en mars 2012, «Strasbourg the Europtimist» est partagée par l'ensemble des acteurs susceptibles de contribuer au développement du territoire. Elle s'appuie sur le caractère européen de la ville dans la langue parlée par le public visé, l'anglais, avec la mise en avant d'un trait consubstantiel à l'entrepreneur, à savoir l'optimisme, dans une période d'euroscepticisme généralisé. Une aspérité chère à Jean-François Lanneluc, grand adepte de marques ciblées.

 

(encadré)

 

Reymann communication, un poids lourd local

L'Union des conseils en communication d'Alsace (UCCA) regroupe une quinzaine d'agences (Publicis Activ, Via Storia, Novembre.com, Grandvoile, Advisa...), dont beaucoup de petites structures, mais aussi un poids lourd de 90 salariés, l'agence indépendante Reymann communication, fondée en 1973 par Jean-Marc Reymann. Présidée aujourd'hui par Nicolas Godard, elle arrive en 57e position du classement Stratégies des agences françaises, devant Leg (Havas), le groupe Saguez & Partners ou l'agence V (Omnicom). Parmi ses clients, Cora, Ludendo ou la Ville de Strasbourg, un budget qu'elle partage en bonne intelligence avec ses concurrents locaux.

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