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Le site britannique de prêt-à-porter en ligne ouvre un bureau à Lille afin de développer son marketing éditorial. Il mise sur les perspectives de croissance du marché de la vente de mode en ligne dans l’Hexagone.

Cramponné à son micro, le truculent vice-président du conseil régional Nord-Pas-de-Calais, Pierre de Saintignon, vante les mérites de l'arrivée d'Asos, une enseigne britannique de mode en ligne parmi les plus prisées du moment, à Lille. La scène se déroule le mardi 23 avril au dernier étage du bâtiment central d'Euratechnologies, le parc d'activités de nouvelles technologies de la métropole du Nord. C'est le jour de l'inauguration du premier bureau français d'Asos, le troisième en dehors de l'Angleterre après New-York et Sidney. «Les marchés émergents sont intéressants, mais certains acteurs de l'Internet oublient qu'il existe des gros marchés juste à côté d'eux», glisse malicieusement Nick Robertson, PDG et cofondateur du site.

Ce «showman» décontracté et très à l'aise avec les médias ne néglige cependant pas les Brics, puisqu'il lancera son site en Russie en mai et en octobre en Chine, qui se rajouteront aux 160 pays déjà couverts. La France demeure cependant l'un des pays les plus importants pour Asos, qui y réalise 7 à 8% de son chiffre d'affaires. Pour l'année fiscale qui finira en août 2013, le site de vente de prêt-à-porter en ligne prévoit une activité d'environ 100 millions d'euros dans l'Hexagone. Pour l'heure, Asos détient 4% de part de marché de la mode en ligne en France, dans un segment numérique qui représente 11% de l'ensemble des ventes de prêt-à-porter (cf. Stratégies n°1709 du 31/1/2013). Or cette proportion atteint 19% aux Etats-Unis et 22% au Royaume-Uni (habillement et chaussures réunis), ce qui amène certains acteurs à penser que les ventes de mode en ligne en France vont progresser spectaculairement. C'est une des raisons de l'implantation d'Asos à Lille.

 

Pas d'ouverture de magasins

La stratégie de l'enseigne est simple. «Nous voulons être le site de mode de référence des jeunes adultes», souligne Jon Kamaluddin, directeur international d'Asos. «Discover fashion online», la signature de l'enseigne, le reflète bien. L'accomplissement de cet objectif ne s'accompagnera pas d'ouverture de magasins, c'est du moins la conviction du moment. «Nous sommes une enseigne en ligne et pas un réseau physique, pense Jon Kamaluddin. Nous ne connaissons pas le métier de la distribution physique, alors que nous avons une bonne expérience de la vente sur Internet.»

Asos emploie allègrement les méthodes de la «fast fashion» (cf. Stratégies n° 1619 du 3/2/2011) des H&M et autres Zara. «Chaque semaine, 1500 nouveaux articles sont lancés sur le site, ce serait difficile de le faire dans un réseau de magasins», explique Jon Kamaluddin. Est-il envisageable qu'Asos soit vendu dans des «corners» de grands magasins? «Nous sommes trop attachés à ce que la marque Asos soit vendue exclusivement sur notre site, sourit John Kamaluddin. En France, nous sommes le troisième site de vente de prêt-à-porter le plus visité sur la cible des 18-25 ans, après La Redoute et Zalando. Nous sommes au onzième rang toutes catégories d'âge confondues.»

Dotés d'une hauteur de plafond très au-dessus des standards parisiens, les locaux d'Asos sont situés dans un bâtiment qui était une usine textile voici 40 ans. Désormais, on n'y fabrique plus de vêtements, mais on les «markette». Pour l'instant, la filiale française compte huit personnes, aux profils marketing. «Le "community management" sera opéré depuis Lille, ainsi que des sujets pour nos différents supports (notre site, notre application pour mobiles Fashion Up, notre mensuel "Asos magazine") sur les Fashion Weeks françaises, le Festival du film de Cannes ou celui de Calvi on the Rocks pour la musique», explique Gaële Wuilmet, directrice d'Asos pour la France et qui dirigeait auparavant les achats de mode chez Amazon France.

 

Distributeur multimarque

Cette approche rappelle les débuts du site Asos qui suivait alors à la lettre le sens de son acronyme: «As Seen on Screen» (comme on peut le voir à l'écran). En l'an 2000, le site proposait ainsi d'acheter des objets vus à la télévision, portés ou utilisés par des célébrités dans des émissions ou des séries. Depuis, il a élaboré une offre de prêt-à-porter très large, dont on a pu voir un échantillon sur Michelle Obama lors de la réélection de son mari en 2012.

L'assortiment d'Asos est composé de sa marque propre sous son nom, mais aussi de marques connues (American Apparel, Cheap Monday, Diesel, Fred Perry, Nike, etc.) et d'une offre exclusive de petits créateurs. En France, la marque propre représente 55% des ventes contre 50% en Angleterre. «Asos n'est pas qu'une marque de distributeur, assure Nick Robertson. Nous voulons vendre des produits d'autres marques, car cela correspond aux envies des 18-25 ans. Il n'y a qu'à regarder leurs garde-robes, qui sont constituées de nombreuses griffes.»

On peut établir un parallèle entre l'histoire à succès de net-a-porter, un site de mode de luxe fondé par Natalie Massenet, ancienne journaliste mode, et celle d'Asos. «On a lancé nos activités et nos magazines de marque en même temps, mais on ne se connaissait pas, s'amuse Nick Robertson. Le shopping sur Asos, c'est comme aller sur Oxford Street à Londres, tandis qu'avec net-a-porter c'est comme sur Bond Street.»

Assis sur un des fauteuils design, Nick Robertson s'avère un interlocuteur prolixe, habillé de la tête aux pieds en prêt-à-porter de chez Asos. Cet ancien publicitaire a travaillé chez Y&R, puis en achat d'espace chez Carat, avant de fonder Asos.

Quelle est sa stratégie de marketing et de communication? «Plutôt que de dépenser de l'argent en marketing, nous préférons proposer la livraison et le retour gratuits des produits», considère Nick Robertson. L'enseigne ne fait pas de campagnes TV, ni d'affichage, de rares publicités en presse et ses dépenses publicitaires s'effectuent principalement sur Internet. Dans le monde entier, cela représente un budget de communication d'environ 20 millions de livres (environ 24 millions d'euros). Dans ses prises de parole en ligne (site et réseaux sociaux), l'enseigne ne vante pas sa propre gloire mais propose des carnets de style et des conseils pour assortir ses vêtements. «Nous partons du principe que si le contenu est intéressant, nos clients vont le partager», raconte Nick Robertson.

La prédominance des supports numériques ne signifie pas l'abandon du papier. Dans les locaux d'Asos France, on trouve sur les bureaux flambant neufs le magazine mensuel de la marque, «Asos magazine», tiré à près de 500 000 exemplaires. Dans le dernier numéro, la une met en scène de très jeunes héroïnes de séries TV (en particulier Sally, la fille du publicitaire Don Draper dans Mad Men) et le contenu respecte les règles de la presse féminine: photographier des filles plus jeunes que les lectrices auxquelles on s'adresse.

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