crise
L'accident ferroviaire du 12 juillet à Brétigny-sur-Orge a fait l'objet d'une gestion de crise jugée exemplaire par les observateurs. Mais le second temps de la communication risque d'être plus difficile.

Vendredi 12 juillet à 17h14, le train Paris-Limoges déraille en gare de Brétigny-sur-Orge (Essonne) faisant six morts et soixante-deux blessés. Dès les premières minutes après l'accident, SNCF et notamment son président, Guillaume Pépy, sont sur tous les fronts. A peine devancée par la diffusion sur Twitter des premières images du drame par des passagers, SNCF avance dès 18h30 l'hypothèse d'un problème d'aiguillage.

Peu avant 19 heures, Guillaume Pépy prend la parole, cochant toutes les cases du parfait communicant de crise: compassion pour les victimes, mobilisation de l'ensemble de l'entreprise, annonce d'enquêtes judiciaires et techniques... Parallèlement, le compte Twitter du service de presse (@SNCF_infopresse) multiplie les messages. Dans la foulée, est mis en place un Numéro vert pour les familles des passagers.

 

Gilet orange en conférence de presse

 

Dès le lendemain, samedi 13 juillet, la cause du déraillement est identifiée. Il s'agirait d'une pièce de métal (éclisse) défaillante dans l'aiguillage de la voie. Une thèse confirmée en fin de matinée lors d'une conférence de presse par Guillaume Pépy, un gilet orange fluo siglé SNCF sur les épaules. Il annonce le contrôle immédiat des 5 000 pièces semblables du réseau et surtout assume l'entière responsabilité de SNCF.

De fait, si Réseau Ferré de France (RFF) est propriétaire et gestionnaire des infrastructures du réseau, voies et quais compris, le fonctionnement et l'entretien des installations techniques et de sécurité sont en fait délégués à la branche infrastructure de SNCF.

 

Large diffusion des photos

 

Vers minuit, Guillaume Pépy fait part à nouveau de son émotion et de la mobilisation des cheminots dans une interview vidéo postée sur le site de SNCF. Pour appuyer la thèse de l'éclisse défaillante, le fil Twitter de la compagnie publie le 14 juillet les photos de la pièce mise en cause. Ces mêmes photos sont projetées lors de la troisième conférence de presse de SNCF le 15 juillet au matin.

Un plan de communication au cordeau mais qui n'a pas totalement occulté la question de la vétusté des infrastructures ferroviaires françaises soulignée par le ministre des Transports en personne, Frédéric Cuvillier.

 

 

L'avis de...


 

Un universitaire

Patrick Lagadec, directeur de recherche à l'Ecole polytechnique et auteur de Piloter en univers inconnu (éd. Préventique)

 

«Concernant la première séquence de cette gestion de crise, la réaction de SNCF est assez exemplaire au regard de bien d'autres cas, comme celui du récent accident ferroviaire de Lac Mégantic au Québec, où l'attitude du président de la société de transport américaine impliquée a été désastreuse. Mais le vrai sujet aujourd'hui pour SNCF comme pour toutes les entreprises est de savoir comment communiquer dans des situations de crise inconnues. Le drame de Brétigny fait partie de ces cas classiques et prévisibles. Mais que faire quand, comme au Québec à nouveau, un incendie de forêt dans le nord du pays provoque l'arrêt du métro de Montréal?»

 

Un syndicaliste

Bernard Guidou, secrétaire fédéral de CGT Cheminots

«SNCF a assumé ses responsabilités, notamment par rapport aux familles des victimes. Mais nous avons interpelé la direction sur les risques de conclusions trop hâtives. Tant que les enquêtes n'ont pas abouti, il faut éviter, même sous la pression des médias, d'aller trop loin dans ce qui a été identifié comme l'une des raisons de l'accident. C'est une question d'honnêteté et de responsabilité. Dans ce genre de situation, il faut être très prudent. Ce n'est pas l'heure en tout cas de polémiquer sur l'état du réseau - que nous pointons du doigt par ailleurs depuis longtemps.» 

 

Un usager

Willy Colin, porte-parole de l'Association des voyageurs usagers des chemins de fer (Avuc). 

«SNCF a de très gros moyens pour communiquer. C'est une belle machine et son président, Guillaume Pépy, un grand communicant. La mobilisation des cheminots via leur propre compte Twitter, par exemple, a été étonnant. Mais la cause matérielle très vite avancée pour expliquer l'accident ne sert-elle pas à éluder d'autres problèmes, de maintenance ou d'enchaînement de causes diverses? La communication de SNCF est hâtive. Cela se comprend, car il faut rassurer et il y a des enjeux commerciaux, surtout en cette période estivale, et à terme d'inéluctables enjeux judiciaires.»

 

Une consultante

Patricia Chapelotte, présidente du cabinet Albera Conseil

«Guillaume Pépy a tous les bons codes de la communication de crise, même s'il surjoue parfois en portant tout le temps son gilet orange. Pépy a fait le travail du ministre des Transports et a servi de rempart au gouvernement. On a aussi le sentiment que les médias n'ont pas été empêchés de faire leur travail. A noter que d'autres responsables de SNCF, à tous les niveaux, sont également intervenus, signe d'une communication bien maîtrisée. Mais le problème maintenant va être de gérer l'image d'une SNCF à deux vitesses. Ce second temps de la communication sera sans doute plus difficile à négocier.» 

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