stratégie de marques
L’horloger suisse et son challenger belge s’affrontent en justice, et jusque dans les points de vente. Décryptage.

Des montres en plastique aux couleurs vives, vendues moins de 100 euros, et un nom qui en rappelle furieusement un autre. La coïncidence est troublante. Depuis son lancement, en 2006, par l'entrepreneur belge Jean-Pierre Lutgen, la montre Ice Watch a de quoi sérieusement agacer le géant suisse Swatch Group, qui possède les marques Swatch, Omega, Longines, Breguet et Tissot.

Tous deux se livrent d'ailleurs une bataille juridique sans merci depuis 2006. Une nouvelle manche est prévue en novembre, en Suisse. Ils avaient pourtant signé en 2008 un accord de coexistence, un protocole financier pour éviter un procès. Las, Swatch l'a finalement dénoncé.

Avec 120 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2012 et 3,9% de part de marché (PDM) en valeur tous segments confondus (8,2% en volume), Ice Watch talonne Swatch et ses 5,2% de PDM en valeur (numéro deux, derrière Rolex) et 14,7% en volume, ce qui en fait la première marque vendue en France, d'après l'institut GFK.

Attablé dans le bureau de son distributeur en France, la société TWC, le fondateur d'Ice Watch, Jean-Pierre Lutgen, déroule sa stratégie marketing. Contrairement à Swatch, dont le mécanisme est conçu en Suisse, il fait fabriquer ses montres à Shenzhen, en Chine, pour réduire ses coûts. Même s'il va ouvrir, en 2014, des locaux de 6 500m² en Belgique, où ses modèles seront assemblés.

Les distributeurs doivent choisir

Ice Watch a misé très vite sur une stratégie marketing agressive. D'abord par du placement de produits auprès de people: David Guetta, les Black Eyed Peas, Katy Perry… Sans oublier une égérie pour son modèle «sport», le nageur Florent Manaudou. Autre recette, le cobranding, avec des modèles BMW ou le nuancier Pantone. Enfin, en mai dernier, Ice Watch diffusait son premier spot télévisé, conçu par l'agence Marcel et financé par son distributeur TWC.

Du côté du réseau de distribution, quelque 12 000 points de vente proposent les Ice Watch, ainsi qu'une poignée de boutiques en propre. S'y ajoutent un packaging singulier – de gros cubes en plastique transparent – et une mise en scène des produits stricte, imposée aux commerçants, photographie à l'appui. Contrepartie pour ces derniers, ils doivent choisir entre Swatch et Ice Watch. «Swatch nous a retiré la distribution de ses montres parce que nous distribuons Ice Watch», témoigne un vendeur de montres parisien.

Jean-Pierre Lutgen se défend de tout parasitisme de marque avec Swatch. Cette dernière n'a pas souhaité répondre à nos questions. «Nous avons juste lancé une montre en plastique, avec un cadran rond, avance-t-il. Aujourd'hui, plus personne ne peut inventer un produit manufacturé complètement neuf. Auparavant, je vendais des bracelets en silicone, dans une gamme chromatique. J'ai prolongé l'idée avec une gamme de montres unicolores en dix couleurs.»

Peut-on parler de contrefaçon? « Il faudrait que la reprise soit importante, démontrer que le dessin est original et qu'il y a un lien de causalité sur ce que subirait Swatch, baisse de chiffre d'affaires par exemple», estime Brad Spitz, avocat en propriété intellectuelle, du cabinet YS Avocats.

 

Encadré

Bientôt un Ice Phone

Ice Watch va encore plus loin avec des lunettes Ice Watch Eyewear et d'ici début 2014 des tablettes et smartphones sous Android, dont un compatible 4G, entre 99 euros et 199 euros, sous le nom… Ice Phone. Apple devrait apprécier… Le pari est osé. La PME assurera seule la communication autour de ces nouveaux produits, mais assure être déjà en discussion avec des opérateurs et distributeurs.

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