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La polémique autour de l'interdiction de la dernière publicité de la Smerep, jugée sexiste, a rouvert le débat sur le fonctionnement du jury de déontologie publicitaire.

Deux affaires viennent coup sur coup d'ébranler le petit monde de l'autorégulation publicitaire. Suite à une plainte déposée en juillet par Les Chiennes de garde et le ministère des Droits des femmes, le jury de déontologie publicitaire (JDP), instance associée à l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), a demandé le 6 septembre dernier l'arrêt, pour sexisme, de la campagne de la mutuelle étudiante Smerep, «Vos bonnes raisons», conçue par l'agence Lowe Stratéus. On y voit notamment une jeune fille blonde déclarant avoir adhéré à la Smerep pour recevoir un catalogue de tee-shirts. Peu après, le 17 septembre, le Défenseur des droits Dominique Baudis demandait au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) le retrait d'une autre publicité, cette fois pour les chips Lays, au motif qu'elle «portait atteinte à la dignité des personnes âgées». La marque met en scène un couple de personnes âgées qui se dispute sans ménagement un paquet de chips, l'un d'eux perdant son dentier dans la mêlée.

Ces deux dossiers ont déclenché une volée de prestations au sein de la profession. Alors que la Smerep décidait dans la foulée de poursuivre l'ARPP ("une démarche rarissime - sans doute même inédite", selon Philippe Bailly, fondateur de NPA Conseil et de la Factory NPA), les agences de communication marquaient clairement leur désaccord. Vincent Leclabart, président de l'Association des agences-conseils en communication (AACC), déclarait ainsi le 3 octobre dans les colonnes de Stratégies: "Pour s'exprimer, la publicité a besoin de pouvoir jouer. Jouer avec les stéréotypes, avec les conventions, avec l'incorrect. Le politiquement correct ravage nos cultures (...) Le JDP est une "juridiction" qui n'autorise pas de procédure d'appel, sauf à remplir des conditions extraordinaires. Cela doit changer". La controverse met donc clairement l'ARPP et notamment le JDP sur la sellette. L'autorégulation publicitaire en serait-elle menacée? Faut-il la réformer?

 

Avis d'experts

 

Philippe Adenot, président de Lowe Stratéus

OUI. J'espère que cette affaire fera jurisprudence pour faire évoluer la régle. Je ne suis pas pour une remise en cause de l'autorégulation. Mais le Jury de déontologie doit se doter d'une procédure d'appel. L'AACC a déposé une demande en ce sens. La décision du Jury n'est pas une bonne chose pour le métier et la création publicitaire en général. Si on en reste là beaucoup de publicités risquent d'être interdites. Le droit à l'humour et aux tons décalés doit être préservé. J'ajouterai enfin que, suite à un sondage mené sur le site de la Smerep, 80% des internautes estiment que ces publicités n'auraient pas dû être interdites.

 

Stéphane Martin, directeur général de l'ARPP

NON, MAIS. L'autorégulation, c'est les professionnels (annonceurs, agences et médias) qui la font. Les conditions de recours, qui existent pour réviser une décision du JDP, ne sont pas réunies dans le cas de la Smerep. Alors on peut certes envisager de réformer la procédure. Mais il faut en mesurer tous les effets notamment en termes de coût et de temps. Je ne suis pas sûr qu'on y gagne. Ceci dit, tout est question de mesure. Comme le prochain avis du Conseil de l'éthique publicitaire va le rappeler dans les prochains jours, les règles d'autorégulation doivent certes tenir compte de l'évolution des mentalités, mais la publicité n'est pas là pour projeter l'image d'une société idéalisée.

 

Marie-Noëlle Bas, présidente des Chiennes de garde.

OUI. Cette décision nous satisfait, d'autant qu'il est rare que nos plaintes aboutissent. Nous en avons déposé six l'an dernier, une seule pour une publicité sur le Jura a obtenu gain de cause. Alors que les publicités racistes sont depuis longtemps condamnées, ce n'est toujours pas la cas des publicités sexistes. Au Canada, en Scandinavie ou encore en Espagne, elles sont interdites et, que je sache, les marques y vendent très bien leurs produits. Les publicitaires manquent décidément d'imagination. Au final, une autorité publique comme en Espagne serait davantage garante d'indépendance et d'équité.

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