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Le succès à l'étranger de galeristes français comme Emmanuel Perrotin ou de la Fiac à Paris témoignent de l'engouement pour l'art contemporain. Les marques s'y intéressent à leur tour, non sans risques.

Le 17 septembre, Emmanuel Perrotin inaugurait avec faste l'ouverture de sa galerie à New York, sur Madison Avenue. Entre homard et caviar, l'arrivée du marchand d'art français n'est pas passée inaperçue. Le soir même, une fête géante avait lieu au Russian Tea Room avec les artistes «maison» Daniel Arsham, Johan Creten, Jean-Michel Othoniel ou JR, tous se prêtant au jeu d'un stand artistique animé le temps d'un «art carnival».

A Big Apple, il fallait voir grand. «New York est et reste une place forte de l'art, souligne Peggy Leboeuf, directrice de la galerie new yorkaise (lire l'interview). Les artistes et les commissaires d'exposition y passent, y restent, faisant de cette ville un lieu d'émulation et de création artistique unique. D'où l'importance d'être sur place.» Un pari pas gagné d'avance car Emmanuel Perrotin vient ici se frotter auxgrandes galeries locales comme Gagosian.

Mais, même à Paris, alors que la quarantième édition de la Fiac démarre le 24 octobre à Paris, au Grand Palais, c'est encore la première exposition new yorkaise d'Emmanuel Perrotin (les ours en plumes fluorescentes de l'artiste italienne Paola Pivi) qui fait la couverture de Beaux-Arts magazine spécial Fiac. Une visibilité médiatique non négligeable, la foire parisienne étant plus que jamais internationale, avec 70% de galeries étrangères, les Etats-Unis en tête.

Le succès d'Emmanuel Perrotin est révélateur d'un art contemporain devenu plus démocratique, plus décomplexé et plus que jamais tendance. Et logiquement, celui-ci attire comme un aimant de plus en plus de marques.

De leur hall d'entreprise à leur dernier produit, nombreuses sont les entreprises qui cherchent à s'afficher dans ce domaine artistique. Et dans ce but, un ticket de sponsor à la Fiac est une aubaine pour s'offrir une visibilité rapide. Résultat, la foire compte, cette année, plus de trente partenaires privés avec le groupe Galeries Lafayette sur la première marche.

 

Une source d'inspiration pour l'artiste

Mais, surtout pas de jaloux, les sept «off» de la Fiac ont également de beaux arguments. Parmi eux, Cutlog, fondé par Bruno Hadjadj, et qui attire des partenaires tels que Château de Chaintres, Nicolas Feuillatte, Montblanc, Arte... La foire s'est d'ailleurs, elle aussi, lancée cette année à New York. Autre intérêt, Cutlog propose un festival du film d'artiste, très couru des créatifs publicitaires...

Rien d'étonnant, la communication et la publicité a toujours puisé dans l'art. Et Emmanuel Perrotin a été pionnier dans le mélange artistes et marques, comme Takashi Murakami et Louis Vuitton ou Wim Delvoye et Coca-Cola. Prochainement, les œuvres de son artiste Xavier Veilhan se retrouveront au centre d'un clip musical du groupe Tristesse contemporaine réalisé par Guillaume Cagniard (prod. Standard).

«Tout en le démocratisant, l'idée est de poser un nouveau regard sur le travail d'un artiste plutôt que de le détourner et de rentrer dans des conflits de droits d'auteur», explique le producteur Julien Pasquier.

Pour la galeriste MagdaDanysz, «ce travail avec un nouvel univers - au-delà de l'aspect "marque" - peut même être une source d'inspiration pour l'artiste, des histoires s'entremêlant et créant au final quelque chose de nouveau».

Cet engouement pour l'art contemporain n'est pas sans risques. Et c'est souvent dans la publicité que le bât blesse. Ainsi, l'artiste chinois Liu Bolin passé maître dans l'art du camouflage mais dont le travail a inspiré, à son insu, des marques telles que la SNCF, Sprite ou encore Tiger Beer.

Si, à première vue, l'atteinte au droit d'auteur peut sembler évidente, rien n'est moins sûr. En effet, «L'art contemporain flirte bien souvent avec le concept. Le concept ou la simple idée n'étant pas juridiquement protégeable, certaines œuvres d'art ne le sont pas. Les oeuvres publicitaires qui s'en inspirent ne sont donc pas nécessairement attaquables», rappelle Jean Aittouares, du cabinet Ox avocats, spécialiste de la propriété intellectuelle.

Attractif mais détournable, l'art contemporain risque d'être «pillé» pendant longtemps encore. Entre «hommage et dommage», selon l'interrogation du plasticien Bertrand Lavier, lui-même pastiché par Karl Lagerfeld lors du dernier défilé Chanel début octobre.

 

 

(sous papier)

 

Trois questions à...

Peggy Leboeuf, directrice de la galerie Perrotin à New York

 

Quel sera votre parti pris pour exister aux Etats-Unis ?

 

P.L. La qualité du travail des artistes permet à une galerie de se démarquer. Or, tous nos artistes ne sont pas encore représentés à New York même s'ils y ont déjà été exposés. C'est le cas de Paola Pivi, dont nous avons fait la première exposition personnelle à Paris en 2001. La galerie se distinguera aussi par un programme spécifique à New York. Conjointement, Emmanuel Perrotin et la galeriste Dominique Lévy présenteront deux expositions respectivement consacrées à Pierre Soulages et Germaine Richier.

 

Comment concilier l'intérêt des marques pour l'art contemporain et préserver les artistes ?

 

P.L. En créant des fondations artistiques et des collections privées comparables à celles des collections publiques, mais aussi grâce à une politique de mécénat auprès des musées, les grands groupes réaffirment leur soutien aux artistes. Cette pratique, déjà ancienne aux Etats-Unis, est devenue un facteur clé pour les institutions. Elle leur permet de compléter le budget de leurs expositions pour produire ainsi de nouvelles œuvres. Cela n'affecte pas l'image de l'artiste et permet aux entreprises de s'engager dans un projet culturel de qualité. Il me semble pertinent pour les artistes que leur financement soit pluriel, public et privé.

 

Le nom Perrotin est-il une marque ?

 

P.L. Non. Il y a un homme derrière tout cela et une équipe investie. Certes, après 25 ans d'existence, la galerie est peut-être devenue identifiable. A Lille, l'exposition «Happy Birthday Galerie Perrotin» retrace, ainsi, un parcours basé sur des valeurs d'exigence et d'éclectisme. Nous devons aider nos artistes à réaliser leurs désirs, parfois les plus fous. Il nous faut aussi créer des espaces d'exposition pour leur donner de la liberté. Dans cette idée, Emmanuel Perrotin ouvre un lieu supplémentaire à l'hôtel du Grand Veneur dans le Marais, à Paris.

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