stratégie de marques
Si les consommateurs n’ont jamais pris autant de photos, le marché des appareils décline. La faute, notamment, aux smartphones. Compacts et mobiles rivalisent d’innovations et d'initiatives marketing.

Zoom puissant, stabilisateur d'image, objectif rétractable, connectivité Wi-Fi ou 3G... Les smartphones nouvelle génération rivalisent d'ingéniosité pour produire les meilleures photos. Une réponse logique au développement des usages autour de l'image, devenue centrale sur les réseaux sociaux: 19% des Français prennent des photos tous les jours (dont une large partie se retrouve sur le Web), une proportion qui grimpe à 28% chez les 15-30 ans, révélait, fin novembre, le baromètre annuel Ipsos pour l'Association pour la promotion de l'image.

Le smartphone menacerait-il l'appareil photo? Sur le Salon annuel de la photo qui a accueilli 85 000 visiteurs du 7 au 11 novembre à Paris, les stands de Samsung et Sony, à la fois constructeurs de smartphones et d'appareils photo, rivalisaient de gigantisme avec les «pure players» de la photo, Panasonic, Nikon, Canon, Pentax et Leica. Mais ces derniers accusent le coup: 3,8 millions d'appareils photo devraient être vendus cette année en France, 14% de moins qu'en 2012, prévoit GFK. Le segment des appareils compacts numériques (75% des ventes) est le plus touché, avec une baisse attendue de 20%. «Il y a eu une bulle entre 2007 et 2010, quand les utilisateurs sont passés de l'argentique au numérique. Maintenant, le marché se stabilise», explique Michaël Mathieu, de l'institut d'études.

Il est vrai que certains smartphones sont devenus des rivaux sérieux côté photo et vidéo. Tel le Samsung Galaxy S4 Zoom, doté d'un objectif rétractable, d'un zoom optique stabilisé, et d'une vraie bague de réglage qui permet de contrôler le zoom. Autre exemple, le nouveau Nokia Lumia 1020, avec son capteur de 41 megapixels et son zoom optique, permet de prendre des photos en basse lumière. «Nous disposons d'une série de brevets autour de l'image. Et avec le rachat de la start-up Scalado en 2012, spécialisée dans le retraitement des photos, nous avons conçu notre propre logiciel de photomontage, Smart Camera», précise Thierry Amarger, directeur général de Nokia France.

Incursions hybrides

La plan médias du Lumia 1020, orchestré par Carat (Aegis Media), tourne d'ailleurs entièrement autour de la photo, avec la publication d'une dizaine de publireportages photo en presse magazine, de Grazia au prestigieux Photo, et même une exposition photo éphémère du journaliste Don Mullan dans le cadre de Paris Photo off, mi-novembre.

Autre incursion hybride, Sony a dégainé, fin septembre, deux capteurs grand format pour smartphones sous IOS et Android, les Cyber Shot QX10 et Q100. Conçu pour se fixer sur les mobiles, relié en Wi-Fi, chaque capteur «transforme le smartphone en véritable appareil photo. Il permet de zoomer, de stocker des photos en haute qualité...», explique Emilie Dupuis, chef de groupe marketing photo vidéo chez Sony.

L'arrivée de la connectivité et des réseaux sociaux sur les appareils photo brouille un peu plus les frontières avec l'univers des mobiles. La plupart des nouveaux appareils photo compacts sont désormais équipés d'une connexion Wi-Fi ou 3G, voire 4G, et sous Android. 20% des appareils vendus en fin d'année seront ainsi connectés, d'après GFK. «On prend de plus en plus de photos, avec pour principe de pouvoir les partager avec sa communauté», souligne Thibault de Roure, chef de groupe appareils photos connectés chez Samsung dont 78% de la gamme est équipée de la fonction Wi-Fi.

Lumix, Canon et Pentax proposent désormais eux aussi des appareils numériques connectés en Wi-Fi. «Nous comptons une dizaine de compacts numériques en Wi-Fi et deux Reflex avec le Wi-Fi intégré dans le boîtier», précise Matthieu Lanier, directeur marketing de Canon France. Un de ses modèles compacts, le Powershot N, intègre même un bouton Facebook, pour poster directement ses clichés sur le réseau social.

Sur ce créneau de la connectivité, les acteurs classiques de la photo lancent aussi des applications mobiles gratuites, sous IOS ou Android. «Elles permettent de connecter son appareil numérique, de le piloter depuis son smartphone, de réduire la taille des photos que l'on envoie...», détaille Matthieu Lanier. Chez Nikon, une appli permet de déclencher des photos de groupe à distance depuis son mobile.

Sponsoring et mécénat

Dans la bataille produits et marketing engagée avec les fabricants de smartphones, les grandes marques de la photo mettent en avant la qualité technique de leurs produits au travers de campagnes print et TV institutionnelles aux images léchées. Tel le spot Inspired de Canon (Grey New York) qui a décroché un Emmy Award fin septembre. Même démarche chez Nikon avec sa campagne Web Pure photography en six volets sur le thème «At the heart of the image».

Pour marquer leur différence, les marques classiques misent aussi sur le sponsoring et le mécénat d'événements affinitaires. Canon sponsorise le festival Visa pour l'image et est partenaire du World Press Photo depuis vingt ans, Olympus soutient les Rencontres photo d'Arles... Et plusieurs ont créé des bourses pour récompenser des photographes, comme la Bourse du talent Nikon.

Au final, bon nombre de ces marques comptent faire la différence sur le segment des reflex numériques et des hybrides à objectifs interchangeables. «Avec la généralisation des appareils numériques, la connaissance de la photo se développe au sein du grand public. La frange de passionnés s'agrandit donc: ils sont prêts à monter en gamme avec des compacts à très fort zoom ou compacts de type expert», veut croire Matthieu Lanier.

 
(sous-papier)


Polaroid, le phénix

 

Polaroid renaît de ses cendres, en pleine vogue vintage et «lo-fi» («low fidelity») qui privilégie les photos aux couleurs saturées, l'image floue et le grain hasardeux. En 2009, les actifs du groupe Polaroid en faillite étaient repris pour 59,1 millions de dollars (44 millions d'euros) par le fonds d'investissement new-yorkais Patriarch Partners qui disperse brevets et droit d'utiliser la marque entre une poignée de sociétés licenciées.

Polaroid France, qui a les licences d'exploitation sur les zones Europe (hors Grande-Bretagne), Asie et en partie Moyen-Orient, a ainsi sorti trois modèles depuis 2010, le Pic 300, le Z 340 et le Z 2300. A la clé, la possibilité d'imprimer en direct depuis son appareil les fameuses photos au format vignette.

Tous sont siglés du «rainbow» (arc en ciel) historique de Polaroid. Des appareils vendus entre 90 euros et 350 euros, qui s'écoulent à «plusieurs dizaines de milliers d'unités» chaque année, précise Alexandre Nepveu, directeur marketing de TCP, son distributeur. Principaux réseaux de distribution: Amazon, Boulanger et les centres Leclerc.

La communication est assurée pour l'essentiel par les passionnés de la marque, à l'origine par exemple du Pola Festival, un festival de la photo instantanée à Paris, qui s'est tenu en septembre 2012.

D'autres sociétés licenciées surfent sur le mythe Polaroid. Lensbaby a lancé des accessoires et des optiques souples compatibles avec tout appareil, qui permettent de faire un point net de la photo et d'avoir autour un aperçu flou. Le Socialmatic, annoncé pour mi-2014, équipé d'un GPS, du Wi-Fi et de Bluetooth, associera Polaroid à Instagram, la célèbre application de partage et de retouche de photos.

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