Bilan annonceur
Si les investissements publicitaires bruts plurimédias en France affichent une hausse de 2,5% pour 2013, le marché est en fait au ralenti. L'année 2014 devrait cependant bénéficier de l'effet d'entraînement des Jeux olympiques et de la Coupe du monde de football.

A première vue, la croissance des investissements publicitaires bruts en 2013, établie à +2,5% par Kantar Media pour un volume de près de 28,4 milliards d'euros, est plutôt encourageante. Mais dans les faits, une nouvelle fois, le marché a plutôt été atone, après une stagnation de +0,2% en 2012 (+6% en 2011).

«Compte tenu des effets de base en 2012, le marché a fonctionné au ralenti l'an dernier», précise d'emblée Corinne In Albon, directrice marketing et insights de Kantar Media Ad Intelligence. En effet, en mai 2012, les traditionnels ponts conjugués à l'élection présidentielle ont provoqué une chute des investissements publicitaires (–8,5%). De même, la reprise tant attendue au second semestre 2012 n'est jamais arrivée (–4,3% en septembre). Deux phénomènes qui relativisent d'une part le rebond de mai 2013 à +6,5% et ceux des mois de septembre et octobre derniers, respectivement à +6,7% et +5,1%.

Le tableau est de plus assombri par la baisse sensible du nombre d'annonceurs comptabilisés l'an dernier: 36 691 (–3,9%). «C'est la première baisse depuis 2009. On retrouve ainsi à peu près le niveau de cette année-là», commente Corinne In Albon. En 2008, le marché comptait près de 39 000 annonceurs.

Ce repli du nombre d'annonceurs s'est fait progressivement et crescendo tout au long de l'année. Après une forte hausse au premier trimestre (+4,2%), le retrait a démarré au deuxième trimestre pour s'amplifier de mois en mois et atteindre –3% au quatrième trimestre. Une situation essentiellement due au désengagement des annonceurs de petites et moyennes tailles.

A contrario, les 100 premiers annonceurs, qui représentent à eux seuls 40,2% du total des investissements publicitaires en 2013, ont accru leur pression publicitaire de 4,2% (+1,4% en 2012), soit bien plus que l'ensemble du marché. D'ailleurs, pour les dix plus gros investisseurs, seuls trois ont diminué leurs dépenses: Peugeot (–2,3%), SFR (–6,9%) et dans une moindre mesure P&G (–0,6%).

Tous les autres les ont augmentés et souvent de façon significative, comme Bouygues Telecom (+20,1%), McDonald's (+16,2%) et E.Leclerc (+12,4%). L'opérateur passant ainsi de la 10e à la 6e position de ce Top 10, l'enseigne de restauration faisant du coup son entrée dans le classement et le distributeur se hissant du 6e au 5e rang.

Dans ce peloton de tête, six annonceurs gardent leur position de 2012. Renault, l'incontournable numéro un, s'offre même le luxe d'afficher une progression de 8,2%. Suivent Peugeot, qui arrive à se maintenir au deuxième rang, mais qui est désormais talonné par Orange (3e). Citröen conforte sa 4e place, après avoir été au coude à coude avec Carrefour l'an dernier à ce même rang, SFR (7e) et Unilever (8e). P&G, pour sa part, réintègre également cette année le classement des dix plus gros investisseurs à la 10e position, en dépit d'une stagnation de son budget publicitaire (–0,6%).

La distribution reste le premier secteur annonceur

Globalement, le marché doit sa relative résistance entre autre au secteur voyage-tourisme, qui progresse bien plus que la moyenne (8,2%), faisant ainsi son entrée dans le Top 10 des secteurs investissant le plus en communication. Cette performance est en grande partie dûe à la restauration rapide (intégrée par Kantar Media dans la catégorie voyage-tourisme) et notamment à McDonald's, qui a fortement augmenté sa pression publicitaire (+16,2%), mais aussi aux compagnies aériennes, à commencer par Air France via sa nouvelle marque «low cost» Hop, lancée en mars dernier.

Autre secteur dont le dynamisme a également contribué à tirer le marché vers le haut: celui des annonceurs de la banque et de l'assurance. Après avoir réduit sensiblement la voilure en 2012 (–7,6%), ces derniers ont repris l'offensive l'an dernier avec une croissance de 7,1%.

«Cette bonne tenue du secteur banque-assurance est surtout portée par les organismes de crédit, dont les investissements ont crû de 31,5%, contribuant ainsi à eux seuls pour 41% à la croissance de leur marché», analyse Corinne In Albon, qui souligne par ailleurs qu'après un premier semestre stable dans la banque-assurance, la seconde partie de l'année a vu s'envoler les budgets du secteur (+14%).

«Mais là encore, un effet de base faible en 2012 explique en partie cette forte progression», tempère-t-elle, évoquant toutefois un tournant après un fort désengagement du secteur ces dernières années. Sofinco (9e annonceur banque-assurance) et Cetelem (10e) sont les principaux acteurs de ce regain, le premier avec une croissance de 8,8%, à 64,3 millions d'euros investis, et surtout le second, avec +44,8% (63 millions). A noter également l'effort consenti par les annonceurs du secteur de l'information et des médias (+6,8%). 

Toujours, et de loin, le premier secteur annonceur avec plus de 4 milliards d'euros investis, la distribution n'a en revanche quasiment pas augmenté ses dépenses publicitaires l'an dernier (+1%). Un chiffre qui cache cependant de fortes disparités entre les chaînes généralistes (–6,7%) et les spécialisées (+5,1%).

Parmi les poids lourds des généralistes, les seuls à tirer leur épingle du jeu sont E.Leclerc, précité, et Système U, 4e du secteur (+7,5%, à 155,3 millions d'euros). Les autres plongent: le 2e, Carrefour Hypermarchés, à –25,9%, le 3e, Intermarché, à –8,5%, et le 5e, Auchan, affiche –14,5%. Conséquence pour Carrefour: le groupe passe de la 4e à la 12e place parmi les principaux annonceurs français tous secteurs confondus. La nouvelle politique impulsée par Georges Plassart, arrivé voilà moins de deux ans à la tête du distributeur en affichant son scepticisme quant à l'utilité d'investissements médias massifs, n'a donc pas tardé à se faire sentir. 

La presse et l'affichage souffrent

Si la grande consommation et notamment l'alimentation est stable, l'automobile et la mode sont les deux seuls secteurs à avoir décroché l'an dernier, respectivement de –0,3% et –2,1%. «Là encore, il faut tenir compte d'un effet de base après la forte pression publicitaire exercée en 2012 par ces deux secteurs [+5% pour l'automobile et +10% pour la mode]», commente Corinne In Albon. 

Quant aux télécoms, l'accroissement modeste de leurs dépenses publicitaires (+1,4%) en 2013 a été essentiellement soutenu par les campagnes sur la 4G. Si Orange et SFR ont étalé sur l'ensemble de l'année leur prise de parole en la matière (somme toute modérée, notamment pour SFR), Bouygues Telecom a en revanche concentré son effort sur la fin de l'année à partir d'octobre.

Du côté des médias, pas de changements majeurs par rapport à 2012. La télévision affiche en recettes brutes une progression de 6,4%, totalisant 10,4 milliards d'euros d'investissements publicitaires (+10% de durée en secondes et +9% en nombre de spots). «Mais une partie non négligeable de cette hausse provient des six nouvelles chaînes de la TNT, qui y ont contribué à hauteur de 44% en valeur [30% en 2012]», note Corinne In Albon. Si l'on excluait leur contribution, le média TV n'afficherait plus qu'une croissance de ses recettes brutes de 3,6%, il verrait même la durée en secondes baisser de 0,8% et le nombre de spots de 1%. 

La presse et l'affichage sont les maillons faibles du marché des médias, avec des indicateurs dans le rouge. La première, avec –1,1% de baisse de ses recettes, voit certes la presse quotidienne résister (+1,9%), mais cette dernière enregistre tout de même une baisse sensible du nombre de ses annonceurs (–5,3%).

La presse magazine, elle, sombre, à –6,3% en volume, tout en voyant le nombre de ses annonceurs croître (+5,4%). Si les féminins et les magazines d'information sont les moins touchés, l'automobile, le sport et l'économie souffrent tout particulièrement. «Quant à la publicité extérieure, la mise en place de nouvelles offres rend difficile l'interprétations des évolutions en valeur de ce média», prévient Corinne In Albon.

Dans ce paysage mitigé, la radio s'en sort bien, affichant une hausse de ses recettes de 8,1%, avec toujours des évolutions hératiques tout au long de l'année du fait de la forte saisonnalité des investissements. Elle demeure le média de la crise, grand vecteur de promotions avec la distribution comme principal annonceur (36% de ses investissements totaux), un secteur qui a augmenté ses dépenses de 8,3% sur ce média l'an dernier. Les stations musicales progressent de 8,9% (+36% du nombre d'annonceurs) et les généralistes de 7,7%.

Reste Internet. «Le média a été stable l'an dernier [–0,6%], mais nos chiffres ne portent que sur les ventes directes de 38 régies, hors ad-exchanges via le RTB et les agences de publicité», tient à préciser Corinne In Albon. Sur le Web, l'automobile reste de loin le premier secteur annonceur (340,5 millions d'euros) suivi de la banque-assurance (289,7 millions), de la culture-loisirs (269,4 millions), de la distribution (267 millions) et des télécoms (233 millions).

Et 2014? les premiers chiffres relevés par Kantar Media du 1er au 19 janvier confirment les tendances de la fin de l'année 2013. La télévision continue à progresser, les stations radio musicales sont stables et les généralistes croissent. La presse, elle, affiche toujours des indicateurs en berne, surtout les magazines (–7% en nombre de pages). Les quotidiens marquent le pas (+1,4%). «Le marché reste sensible à une situation économique difficile, mais les événements sportifs de cette année – Jeux Olympiques et Coupe du monde de football – laissent présager un contexte plus porteur», conclut Corinne In Albon.

 

Encadré

Un marché à –5% en données nettes

Au regard des données nettes établies par le cabinet d'audit médias Ebiquity (tenant compte des négociations, des effets de secteurs et saisonniers), l'année 2013 enregistre un fort ralentissement des investissements médias (–5%), moindre toutefois sur le dernier quadrimestre. «Tous les médias ont perdu de la valeur, pris dans une course folle des taux de remises et des nombreux appels d’offres qui ont marqué l’année», note le cabinet. Même l’Internet «display» montre des signes de ralentissement, alors que la «vidéo» et les «opérations spéciales» se maintiennent. Pour 2014, dont la croissance pourrait atteindre 1% en net, «une période d’attentisme électoral jusqu’en mars pèsera sur les investissements des annonceurs», poursuit Ebiquity, avant de conclure «que les marques qui sont sorties bénéficiaires de la crise de 2009 sont celles qui ont maintenu voire augmenté leurs investissements médias».

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.