Comment rendre désirable un produit pour les toilettes. En appelant une crotte une crotte, avec le chic et l'aplomb souriant d'une jeune anglaise assise sur le trône.

Quelque 25 millions de vues sur You Tube. Elue début avril «vidéo virale de l'année» par Ad Age dans la catégorie des films les plus drôles, nominé pour un Webby Award, «Girls don't poop» («Les filles ne font pas caca», de la marque Poo Pourri) fait un tabac inattendu et durable.
Il n'est pas évident de trouver le ton juste pour parler de la défécation, et les marques de désodorisant pour toilettes passent en général par l'ellipse et l'allusion pour ne pas rebuter le client par l'évocation des odeurs, ou pire, de la «chose».
Quelques campagnes caractéristiques: Johnson en 1969, «Brise longue durée, des semaines de fraîcheur», Harpic Senteur plus en 1987, le bloc moussant Air wick, «amusant» en 1977. Plus récemment, Johnson s'est essayé à la rupture, avec la campagne «Poo at Paul's» (2009). Pour la première fois, la marque s'était risquée à nommer l'innommable en faisant dire à un enfant «Je veux faire caca chez Paul». Le film avait suscité des protestations et inspiré deux ou trois parodies, sans vraiment créer l'événement.


Comme si de rien n'était

Poo Pourri et son spray Before-you-go réussit, lui, un vrai tour de force. Il suscite une adhésion étonnante à la campagne et au produit, tout en appelant une crotte une crotte, en publiant des schémas techniques centrés sur l'étron et en engageant la conversation avec les clients sur les réseaux sociaux, comme si de rien n'était.
Before-you-go est un spray à vaporiser à la surface de l'eau des toilettes avant usage, qui va agir comme une membrane empêchant les odeurs de remonter dans la pièce. Avec la promesse que «personne ne saura que vous êtes allé à la selle». Le succès de la campagne repose sur un cocktail détonnant: le propos très cru et imagé - il s'agit de «poser une sentinelle ou de couler un bronze au boulot» - est déclamé par une jeune fille de bonne société, en robe bleue, chignon et collier de perles, constamment souriante sur son «trône» installé dans l'open-space de l'entreprise.


Un must au bureau

Cette façon de nommer les choses avec la distance de l'humour a probablement libéré la parole sur Twitter ou Facebook, où les clients expliquent, avec la même légèreté que la marque, combien Poo Pourri les a sortis de situations embarrassantes, notamment au travail.
En témoigne ce tweet de Lorenzo Zanirato (@Lorenzo Zanirato) du 11 avril, parmi d'autres:

«Sharing a bathroom with multiple co-workers - this product is a life saver!! http://www.poopourri.com/home-shoe/#.U0enLvl_veI ... Management should buy this #Poo Pourri»

Selon la marque, citée par Digiday, le nombre de fans de la page Facebook - 35 000 à ce jour - a été multiplié par 3,5 depuis le lancement de la vidéo en septembre dernier. Et le chiffre d'affaires a bondi de 90% entre 2012 et 2013, et devrait suivre la même tendance cette année, nous a indiqué Suzy Batiz, fondatrice et CEO de Poo Pourri.
Ce succès est d'autant plus intéressant qu'il correspond à une inflexion de la stratégie de distribution: orientée vers les détaillants, la commercialisation du spray vise depuis peu le consommateur final. Avec les outils gagnants du «social media». Un second film, "Second Hand Stink", a été publié fin avril sur Youtube pour prolonger le buzz autour de PooPourri. Cette fois, ce sont les maris qui sont sur la sellette. Suzy Batiz, qui annonce le lancement de ses produits en France avant la fin de l'année, n'hésite d'ailleurs pas à mettre en scène son couple pour expliquer la genèse de PooPourri, "créé pour stopper les miasmes de son propre mari". Tout fait ventre.


Girls don't poop

Second Hand Stink, publiée fin avril
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