Dossier
José Mauricio Bustani, ambassadeur du Brésil en France depuis 2008, parle de l'image de son pays en France et dans le monde, et de l'opportunité d'événements comme la Coupe du monde de football.

Qu'est-ce qui représente le mieux l'image du Brésil à l'étranger?

José Mauricio Bustani. Aujourd'hui, le Brésil est connu à l'étranger pour les acquis sociaux développés ces dernières années sous la présidence de Lula, avec d'importants progrès réalisés en matière de lutte contre la pauvreté. Il y a tout de même désormais 30 millions de personnes qui ont accédé aux classes moyennes. Tout cela permet au Brésil d'apparaître comme une force économique qui a maintenant droit de cité et de sortir un peu de l'image traditionnelle du pays des plages, de la samba, du carnaval… Mais le Brésil, c'est aussi ses artistes dans le design, la mode, le cinéma ou la musique classique.

 

La production télévisée au Brésil est forte, en témoigne l'importance du groupe Globo. Est-ce aussi un des vecteurs du «soft power» brésilien?

J.M.B. Globo est en effet très puissant au Brésil et produit désormais de nombreuses séries TV de grande qualité, qui s'exportent partout dans le monde, en Inde, au Moyen-Orient et même en Chine. Ces séries montrent parfaitement bien l'évolution de la société brésilienne, avec ses bons et mauvais côtés. C'est en soi un vecteur d'image pour le pays. Un autre acteur émerge à côté de Globo, le groupe Rede Record, avec des productions très intéressantes.

 

En France, quelle est l'image du Brésil?

J.M.B. L'image du pays a toujours été très positive en France, exception faite des décennies 1970-1980, lors du régime militaire au Brésil. Tout notre système – politique, juridique et universitaire – est inspiré du modèle français. Les Français connaissent et s'intéressent à la culture, à la littérature et au cinéma brésiliens. Il existe en France sans doute moins de stéréotypes sur le Brésil que dans d'autres pays. Grâce au récent programme «Sciences sans frontières» lancé par la présidente Rousseff, on compte plus de 4 000 étudiants brésiliens en France. A ce jour, c'est une des plus belles réussites de ce programme. Et au plus haut niveau, il existe aujourd'hui un partenariat stratégique avec la France, qui est unique du point du vue du Brésil, compte tenu de son ampleur.

 

Quelles sont aujourd'hui les icônes du Brésil?

J.M.B. La musique, la beauté du pays, le football et toujours Pelé restent des icônes fortes du Brésil. Mais je serai tenté de dire aussi que le président Lula, très apprécié des Français notamment, est devenu une icône de notre pays.

 

En quoi pensez-vous que la Coupe du monde de football va faire évoluer cette image, alors qu'une partie de l'opinion brésilienne semble pour le moins critique vis-à-vis du coût de l'événement?

J.M.B. En dépit des difficultés que connaît encore notre pays – que nous ne cherchons pas à cacher –, la Coupe du monde devrait révéler à la planète le nouveau visage du Brésil, celui d'un peuple chaleureux et ouvert qui, certes, a des revendications légitimes pour accompagner le fort développement du pays ces dernières années, mais qui ne devrait pas provoquer de perturbations sérieuses pendant le Mondial. Ce n'est pas dans l'esprit des Brésiliens, qui sont le produit du seul véritable melting-pot du monde sans ghetto et fédéré par une langue, le brésilien. Cette Coupe du monde sera aussi l'occasion de faire découvrir d'autres facettes du Brésil et d'autres régions, comme l'Amazonie et le Nordeste, où les progrès réalisés sont bien plus importants qu'à Rio de Janeiro ou Sao Paulo.

 

La surmédiatisation du pays cet été ne risque-t-elle pas, toutefois, de remettre en avant la violence et la misère des favelas?

J.M.B. La violence est toujours là, bien sûr. Mais nous avons mené, à Rio en particulier, une politique de pacification des bidonvilles, avec une plus grande présence de la police et des programmes d'amélioration de la vie quotidienne. Nous avons fait des progrès.

 

Comment s'y prend le Brésil pour promouvoir ses entreprises et ses produits à l'occasion de la Coupe du monde?

J.M.B. Il y a d'abord les sponsors brésiliens de l'événement (1), qui vont bénéficier d'une tribune mondiale unique. Les visiteurs du monde entier vont aussi découvrir les produits du pays dans la mode et l'alimentation notamment, qui sont encore peu connus. L'architecture aussi, très développée dans notre pays à la suite d'Oscar Niemeyer, sera sans nul doute porteur d'image pour le Brésil. Enfin, plus localement, les producteurs de la région de Sao Paulo, par exemple, qui accueillera la délégation française [dans la ville de Ribeirao Preto, à 300 km de la capitale de l'Etat] ont prévu de promouvoir leurs produits. Et chaque région fait de même. 

 

En France, quelles actions sont ou seront menées pour valoriser l'image du Brésil?

J.M.B. Du 12 avril au 11 mai, le Jardin d'acclimatation a accueilli «Brazil sensacional», une manifestation autour de la musique, de la danse, de la gastronomie et de l'artisanat brésiliens. Actuellement, et jusqu'au 9 juin, le plus grand peintre brésilien, Portinari [1903-1962], est à l'honneur au Grand Palais, où sont exposées les deux grandes fresques [Guerre et Paix] qu'il a réalisé pour l'ONU. Après leur restauration, la France sera le seul pays à pouvoir les admirer avant leur retour à New York. Autre initiative à partir de fin mai, Monoprix proposera à ses clients, dans tous ses magasins en France, une sélection de produits brésiliens. L'an dernier, Le Bon Marché avait fait de même pour les produits de luxe. Enfin, en 2015, le Brésil sera l'invité d'honneur du Salon du livre de Paris. 

 

Quelles sont les entreprises brésiliennes qui sont les fers de lance de l'export pour le pays?

J.M.B. Les entreprises des industries du minerai, telle Vale, de la sidérurgie ou de l'exploitation pétrolière, comme Petrobras, mais aussi du BTP, comme Odebrecht, Andrade Gutierrez ou Camargo Correa, ou de l'aviation, tel Embraer, sont très présentes à l'international.

 

Et les entreprises françaises, sont-elles bien implantées au Brésil?

J.M.B. Le secteur dans lequel la France joue un rôle très important est celui de la distribution avec deux acteurs majeurs: Casino et Carrefour. En matière d'énergie, GDF Suez est très bien implanté, c'est aujourd'hui le plus gros fournisseur d'électricité privé au Brésil. Dans d'autres domaines, il y a par exemple Technip et Total pour le pétrole, Peugeot et Renault dans l'automobile, L'Oréal, bien sûr, qui domine le marché, ainsi qu'Accor ou encore Saint-Gobain. L'ensemble des sociétés du CAC 40 est présent au Brésil. La France est le cinquième partenaire économique européen du Brésil, derrière l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne et l'Italie. 

 

Comment le Brésil s'y prend-il pour séduire les entreprises et les talents étrangers?

J.M.B. Sur ce point, nous avons un problème. Comme en France, il faut le dire, nous avons un système juridique, législatif et bureaucratique assez lourd. Mais il y a aujourd'hui une véritable volonté d'ouverture. Les entreprises françaises font partie de celles qui privilégient intelligemment le partenariat avec des sociétés brésiliennes. Nous travaillons aussi beaucoup en direction des PME. Le 20 mai se tiendra ainsi le premier Forum économique franco-brésilien pour faciliter les échanges entre les deux pays.

 

Le Brésil compte-t-il accueillir d'autres grands événements, à l'instar de la Coupe du monde cette année et des Jeux olympiques de Rio en 2016?

J.M.B. Nous comptons évidemment recevoir d'autres événements de dimension internationale comme ceux-là. Mais, déjà, Rio de Janeiro et Sao Paulo accueillent de nombreux congrès internationaux. Malheureusement, Sao Paulo a essayé, sans succès, d'être la ville hôte de l'Exposition universelle de 2020. Pour les JO, nous sommes en train de profondément transformer la ville de Rio, avec un gros effort en matière d'environnement. Je crois que les gens seront surpris dans deux ans.

 

 

Biographie

5 juin 1945 Naissance dans l'Etat brésilien de Rondônia.

1970-1973 Ambassade à Moscou (Russie).

1973-1975 Ambassade à Vienne (Autriche).

1984-1986 Ambassade à Montevideo (Uruguay).

1987-1992 Consul général à Montréal (Canada).

1992-1997 Chef de département, puis directeur général au ministère des Relations extérieures brésilien.

1997-2002 Directeur général de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques.

2003-2008 Ambassadeur du Brésil au Royaume-Uni.

Depuis 2008 Ambassadeur du Brésil en France.

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