En boutique, pas de quoi différencier une paire de tennis Veja d'une paire « classique » fabriquée par une multinationale. Du moins au niveau du prix. Car, produites au Brésil par de petits agriculteurs, les matières premières des chaussures de cette entreprise française sont issues de filières biologiques et équitables. Cultivé dans l'Etat du Ceara dans le Nordeste, une des régions les plus pauvres du Brésil, le coton est acheté le double du prix du marché. Le caoutchouc sauvage, extrait dans l'Acre, aux confins ouest du pays, est, lui, payé 30% plus cher. Et c'est au sud-est du Brésil, dans le Rio Grande do Sul, où la main-d'œuvre est trois à cinq fois plus chère que dans le sud-Est asiatique, que sont fabriquées les chaussures qui sont ensuite exportées par bateau en Europe.
Dès lors, comment expliquer un prix de vente équivalent à celui de la concurrence ? Le secret réside dans la politique originale de communication et de marketing de l'entreprise. Là où les grandes marques de basket, gros annonceurs, font tout pour réduire les coûts de production, le plus souvent au détriment de l'environnement et des droits sociaux, « Veja ne fait pas de publicité, qui représente jusqu'à 60% d'une paire de chaussures classiques », résume François-Ghislain Morillion, cofondateur de l'entreprise.
L'aventure Veja commence au début des années 2000 lorsque lui et son associé, Sébastien Kopp, reviennent peu à peu des lendemains plus « verts » promis par les grandes entreprises. C'est en découvrant la filière du coton bio dans le Ceara qu'ils décident de lancer leur propre entreprise, à laquelle ils donnent le nom de Veja (« regarde », en portugais). « Pour distinguer la marque, il a fallu raconter l'histoire du produit, explique Sébastien Kopp. Elle n'est pas utilisée comme un argument de vente, mais comme une valeur ajoutée dont va se rendre compte le client par la suite, après avoir acheté un produit qu'il trouvait sympa. »
Propulsée par le bouche-à-oreille, Veja est aussi adoubée par des célébrités comme les actrices Marion Cotillard, Mélanie Laurent ou le cinéaste Luc Jacquet, avec qui a été conçue une tennis pour la sortie de son film Il était une forêt (2013), tourné dans l'Etat d'Acre. La première collection de la marque (« une chaussure, cinq couleurs ») est lancée en 2005 à 5 000 exemplaires. Neuf ans plus tard, la production est de 100 000 paires par an, écoulées dans 24 pays en plus de la France.
Ce n'est qu'en novembre 2013 que les tennis écolo ont été lancées au Brésil sous la marque Vert, le nom original appartenant déjà au groupe de presse Abril. Comme Marseille en 2007 ou Paris en 2009, São Paulo accueillera en mai une exposition photo conçue en partenariat avec l'artiste de l'Etat du Pernambouc Derlon Almeida. Dédiée à l'agroécologie, elle rendra hommage aux familles productrices de coton du Ceara, à partir desquelles tout a commencé. Et fera aussi parler de la marque, mais en toute discrétion.
