La planète s’apprête à respirer Brésil durant un mois de football, de fête, de samba et de jolies filles, symboles d’un pays qui bénéficie d’une image très positive. La Coupe du monde devrait conforter les valeurs de cette marque-pays.

Bienvenue au pays du soleil, de la samba, du football et des jolies filles. Quatre images qui résument un pays: le Brésil. Avec la Coupe du monde de football, du 12 juin au 13 juillet, et la perspective des Jeux olympiques, organisés à Rio de Janeiro en 2016, les projecteurs se braquent sur lui. Révélant une marque portée par des valeurs très positives.

«Nous voulons montrer que le Brésil est un pays attractif aussi bien pour les touristes que pour les investisseurs et les entreprises», affirme Vinicius Lages, ministre du Tourisme brésilien. Il vient de lancer une campagne mondiale. Les deux films réalisés (à voir sur le site de Stratégies) puisent dans les clichés: la fête, le carnaval et les plages pour le premier; le football, n'importe où, n'importe quand et avec n'importe quoi pour le second.

Cliché, mais pas seulement. Le foot est, de loin, le premier ambassadeur du Brésil. Dans les médias français, pour les quatre premiers mois de l'année, la Coupe du monde a été le thème de près d'un tiers des quelque 130 000 sujets traitant du pays, selon Kantar Sport. Très loin derrière pointent la samba et le carnaval, thèmes d'un peu plus d'un millier d'articles chacun. Le festif n'est pas le seul sujet associé au pays: 8 000 articles faisaient référence aux retards des chantiers des stades et 4 000 sujets évoquaient les violences ou les manifestations liées aux dépenses pour la Coupe du monde.

«Oui, il reste encore des choses à faire, il y a du retard, mais ce ne sera pas un problème et nous présenterons une Coupe merveilleuse», assure Thiago Silva. Le capitaine de l'équipe du Brésil et du Paris Saint-Germain n'est pas inquiet: le monde a une bonne image du pays. «D'un point de vue économique, le Brésil a beaucoup évolué, en particulier ces dernières années, estime-t-il. La Coupe du monde et les Jeux olympiques nous permettent de nous développer. Nous, sportifs, on participe à tout ça. C'est pourquoi je suis très fier d'être Brésilien.» Un sentiment partagé par l'ambassadeur du Brésil en France, José Mauricio Bustani, qui espère que son pays va révéler au monde un nouveau visage.

Des valeurs et un imaginaire pour tous, au Brésil et ailleurs

L'image du Brésil est déjà haut perchée. Le pays est l'un des rares, avec les Etats-Unis, l'Italie ou la France, à bénéficier de valeurs porteuses et clairement identifiées. Un atout pour séduire touristes et investisseurs, soit autant de potentiels clients. «C'est une marque à part entière, dit Jacques Séguéla, vice-président d'Havas. Une marque inoxydable, indémodable, qui a connu zéro défaut lors de sa construction.»

Comme toutes les marques fortes, le Brésil est immédiatement identifiable grâce à des symboles. «C'est Rio, le Corcovado, la musique et les écoles de samba que nous mettons en avant», résume Jérémy Gossart, fondateur d'IOX, le tour-opérateur de la Fédération française de football qui enverra quelque 2 000 supporters au Brésil.

Il y aussi un code couleur identitaire, celui du drapeau: vert (Pantone 355), pour la nature et l'Amazonie, et jaune (Pantone Yellow), pour l'or de ses sous-sols. «La géographie et l'histoire ont construit cette marque, explique George Lewi, mythologue et spécialiste des marques. D'une part, la nature, généreuse avec ses plages et la forêt; d'autre part, l'humain et le métissage. A cela, le football qui gagne et le président Lula ont apporté la valeur d'excellence.»

Mais c'est la joie et l'optimisme positif qui portent le mieux la marque Brésil. «Les Brésiliens sont reconnus pour être chaleureux et extravertis, confirme Pierre-Emmanuel Maire, président de Brand Think Tank, qui y a fait plus de soixante-quinze voyages ces quinze dernières années et réalisé plus de dix missions pour ses clients. Ce sont des optimistes croyant en l'avenir, quelles que soient les circonstances. Et Dieu sait les difficultés qu'ils ont connues.»

Le pays porte en effet le poids d'une histoire politique malmenée par les coups d'Etat et les dictatures militaires. Les inégalités sociales font partie de l'image d'un pays dont la constitution démocratique ne date que de 1988. C'est l'élection de l'ancien syndicaliste Luiz Inácio Lula da Silva, dit Lula, à la présidence de la République qui, en octobre 2002, a donné le coup d'envoi du renouveau économique d'un pays où tout paraît possible. Même pour un gamin des favelas qui rêve de remporter la Coupe du monde.

Les valeurs positives du Brésil profitent à tous, là-bas et ailleurs. A Paris, le Jardin d'acclimatation a réalisé l'une des meilleures fréquentations de ses opérations événementielles grâce à un «spécial Brésil»: plus de 300 000 visiteurs du 12 avril au 11 mai. «C'est un imaginaire mental et culturel très fort, reconnaissable et compréhensible en une seconde, même pour les enfants», explique Marc-Antoine Jamet, son président. Avec le même opportunisme, Le Bon Marché a organisé en avril une exposition et Monoprix s'apprête à vendre les réalisations de cinq créatrices brésiliennes. Sans oublier le Salon du livre qui, en mars 2015, aura le pays pour invité d'honneur.

8e marque-pays mondiale

Les marques brésiliennes s'approprient les valeurs de leur pays. Tous les pans de l'économie sont concernés: des tongs Havaianas à la construction aéronautique avec Embraer, numéro cinq mondial. Les telenovelas, ces feuilletons TV typiques, véhiculent aussi l'image d'un pays moderne. Enfin, la création publicitaire brésilienne, reconnue mondialement, est un autre symbole du Brésil qui s'impose.

«Le “National Branding” est devenu une véritable stratégie pour les gouvernements, décode Denis Gancel, président de l'agence W. Le Brésil a la chance de pouvoir puiser dans un gisement important d'archétypes très ancrés. Et puis, après l'organisation des Journées mondiales de la jeunesse, en 2013 à Rio, de la Coupe du monde cette année et des JO en 2016, le Brésil peut rejoindre la “Ligue des champions” des pays mondiaux.»

Huitième marque-pays mondiale (la France est 6e), selon le classement de Brand Finance, le pays affiche une valeur de 1,478 milliard de dollars (1,079 milliard d'euros). «Si tout se passe bien, cette valeur devrait augmenter, prédit Richard Yoxon, responsable du bureau anglais du cabinet d'études. Mais il existe aussi un risque pour le pays s'il y a des problèmes durant le Mondial, comme des manifestations. Les conséquences sur le tourisme et l'économie seront immédiates.»

Un pays de paradoxes aussi

Ce scénario, les Brésiliens ne veulent pas y croire. «Nous avons donné l'image d'un pays dangereux et pauvre, ce n'est plus le cas aujourd'hui, affirme Sonny Anderson, ancien attaquant de l'Olympique lyonnais. Nous allons envoyer un message comme quoi le Brésil est aujourd'hui un pays puissant économiquement capable d'organiser une Coupe du monde et des Jeux olympiques. Le Brésil, ce n'est plus seulement le foot, le carnaval et la musique!»

Un discours positif, à l'image du pays, mais auquel tout le monde n'adhère pas. «Le Brésil est un pays de contrastes, car il y a un décalage, souvent exacerbé par les médias, entre l'image et la réalité, lâche Alexis Thanasoulas, directeur général de Zenith-Optimedia Amérique latine. Les manifestations contre les millions dépensés pour la Coupe du monde révèlent qu'au pays du football, tout le monde ne suit pas. Et ça, c'est nouveau.» Pour lui, la compétition ne sera pas perturbée par des manifestions: «La fête aura lieu et, oui, elle sera parfaite. Mais je crains la gueule de bois après.»

Le Brésil devrait donc réussir l'organisation de son Mondial. Les stades seront prêts à temps et, une fois l'événement lancé, les médias se concentreront sur la compétition. C'est le cas lors de chaque événement sportif planétaire. En début d'année, les JO d'hiver à Sotchi, en Russie, avaient été précédés par des tombereaux d'articles dénonçant des infrastructures bâclées ou la corruption, avant de laisser place à l'exploit sportif.

Le pays saura-t-il profiter de cette mise en avant? La question mérite d'être posée car, par exemple, les investissements publicitaires des annonceurs et des partenaires de la Coupe du monde se feraient attendre. En dehors du Brésil, selon nos informations, Embratur, l'agence officielle du tourisme, n'a… pas prévu d'investir dans les médias. Les films présentés par le ministre du Tourisme ne seront diffusés que via les réseaux sociaux.

«Nous sommes un pays de paradoxes, estime Fernanda Romano, directrice générale de l'agence Naked au Brésil, en charge de la création. Nous allons accueillir beaucoup de touristes et tout se passera à merveille pour eux. Ils vivront une expérience formidable, car nous savons faire la fête. Mais ils verront aussi des infrastructures en chantier ou provisoires, comme les bâtiments aéroportuaires. Ces touristes ne retiendront que l'esprit festif, et ce n'est pas la seule image que j'aurai aimé qu'ils conservent.»

Champions du monde, les Brésiliens le seront peut-être. Qu'apportera cette sixième étoile? Quels que soient les éventuels problèmes, l'image de marque Brésil, portée par des valeurs positives fortes et très ancrées, ne sera pas écornée. Elle risque seulement de ne pas évoluer.

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