L'édition 2014 de l'étude Ethicity sur la consommation responsable établit huit nouveaux profils de consommateur et propose des pistes aux marques pour s'adapter aux changements de comportement des individus.

«Il y a dix ans, le développement durable était encore pour l'essentiel associé aux questions environnementales. Aujourd'hui, il touche aussi les dimensions sociales et économiques, surtout depuis 2007.» Pour Elizabeth Pastore-Reiss, présidente d'Ethicity, auteur depuis 2004 d'une étude annuelle sur la consommation responsable établissant une typologie de consommateurs, les actions engagées sont de plus en plus motivées par des préoccupations individuelles, notamment axées sur le bien-être et la santé, «d'où l'essor des produits bio, des circuits courts et du développement personnel». Les notions de local, de participatif et de partage ont le vent en poupe tout comme la recherche de qualité (produit meilleur au goût, plus efficace...) et l'envie de simplicité (produits plus robustes, plus simples, moins superflus).


Une évolution qui se traduit au niveau des consommateurs par un plus large engagement en faveur du développement durable. En 2004, trois groupes d'individus étaient engagés, représentant 39,3% de la population. Aujourd'hui, 50,9% de la population est sensible au sujet (+11,6%), dont 25% très engagés. «Parmi cette population, on constate aussi un moindre écart entre ce qu'ils font et ce qu'ils disent», constate Elizabeth Pastore-Reiss, qui souligne également une féminisation de l'action (57% sont des femmes en 2014, contre 51% en 2004) et une démocratisation de l'engagement, qui n'est plus l'exclusivité des privilégiés et intellectuels parisiens (seulement 36% des Français engagés sont des cadres, professions intermédiaires et retraités de CSP supérieures, et 17,6% vivent en région parisienne).

 

Un discours de preuves et des solutions concrètes

A noter que plus on est engagé, plus on est dans la valeur d'usage du produit, moins dans la possession. «Reste un gros travail de pédagogie à faire. Des mots restent obscurs, les moyens d'agir méconnus, note toutefois Elizabeth Pastore-Reiss. La communication doit cibler avant tout le bénéfice produit, le développement durable vient après comme une réassurance et un dû. Les consommateurs attendent un discours de preuves et davantage d'engagement en matière de qualité de la relation client.» Les marques doivent être exemplaires dans leur mode de production, mais elles doivent aussi aider les consommateurs à être plus responsables en leur présentant des solutions concrètes. «Entre autres exemples, notons Unilever qui a sorti un nouveau déodorant “compressé”, deux fois plus petit mais avec la même quantité de produit. Le tout non breveté afin que ce nouveau produit devienne la norme sur le marché», explique Elizabeth Pastore-Reiss, qui évoque également le cas de Danone Communities, qui consiste à promouvoir des projets de «social business» innovants, notamment autour de la malnutrition dans les pays en voie de développement.

 

Dans ce nouveau contexte, l'étude d'Ethicity établit huit nouveaux profils de consommateurs. Parmi les groupes engagés qui veulent aller plus loin, on trouve les «modernes humanistes» (15,3%), majoritairement composés de femmes et de plus de 50 ans, vivant dans de petites agglomérations. Ils sont sensibles à l'engagement citoyen des marques et à la communication autour de cet engagement, aux conseils des vendeurs et des autres consommateurs ainsi que de leur entourage. Les «share activistes» (8,2%) sont de CSP intermédiaires ou supérieures. Ils privilégient les produits utiles et robustes, n'hésitent pas à boycotter les entreprises qui ne respectent pas leurs convictions. Ils privilégient la valeur d'usage des produits et sont dans le détachement matériel. Les «slow fast» (9,2%), section composé de 57% de femmes, regroupent des professions intellectuelles et intermédiaires qui peinent à s'en sortir financièrement. Créatifs, ils aiment récupérer de vieux objets et fabriquer leurs propres vêtements. Enfin, les «green twees» (18,2%), toujours majoritairement féminin, ont des revenus élevés. Préoccupés par les enjeux environnementaux, ils favorisent les produits durables, biologiques et le commerce équitable. Mais leurs actions ne suivent pas toujours leurs convictions (par exemple, pas d'écogestes au quotidien). Très attentifs à la mode et à leur look, ils achètent régulièrement des vêtements de marque.

 

Instaurer une relation directe grâce au web

Deux autres type de profil constituent le groupe des personnes sensibles au développement durable, mais qui restent à convaincre. Il s'agit des «jeunes classiques» (9,1%), âgés entre 15 et 34 ans, aux revenus moyens et vivant dans des agglomérations de plus de 100 000 habitants. Ils pensent qu'il faut consommer autrement, mais n'achètent pas de produits verts ou durables, dont ils ne voient pas le bénéfice ni pour eux ni pour la société. Ils sont très impliqués dans des associations caritatives. Les «écosentiels» (16,5%), eux, achètent quelques produits durables pour le bien de la planète tout en doutant du bénéfice réel. Ils recherchent principalement des prix bas.

 

Enfin, le dernier groupe de consommateurs réunit ceux qui considèrent encore le développement durable comme une contrainte. On y trouve les «happy self» (8,6%), plutôt jeunes et habitant des villes de moins de 100 000 habitants. Ils expriment un rejet des produits verts ou durables et voient le développement durable comme une mode. Il s'agit du groupe qui déclare le plus attacher une importance à la marque dans ses critères d'achats. Quant aux «matérialistes» (15%), constitué majoritairement d'hommes de plus de 35 ans, ils vivent dans des communes rurales ou petites agglomérations et ont des revenus faibles. Ils sont dans le rejet complet du développement durable. Ils cherchent systématiquement les plus petits prix, tout en réalisant souvent des achats impulsifs. A la fois pessimistes et fatalistes, ils sont mécontents de leur vie, mais pensent que rien ne peut changer.

 

Pour convertir ces populations encore réfractaires, Elizabeth Pastore-Reiss incitent les marques à intensifier les preuves de leur engagement et à profiter du web pour instaurer une relation directe avec le consommateur. «Le marketing relationnel n'a pas encore assez exploiter cette attente de sens de la part du public. Les bases de données sont là», conclut-elle. 

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