politique
Le référendum pour l'indépendance de l’Écosse a donné lieu à une guerre de communication sans précédent entre Londres et Édimbourg.

Un vrai mouvement de panique. Le 8 septembre, dix jours avant l'appel aux urnes des 4,3 millions d'électeurs écossais, David Cameron chamboulait tout son planning, y compris les habituelles «Prime Minister's Questions», pour préparer une opération de reconquête de cet électorat qui s'oriente «dangereusement» vers l'indépendance. La veille, un sondage de You Gov pour le Sunday Times avait pour la première fois placé le «Yes Scotland» vainqueur, près de deux ans après le début de la campagne.

La montée du «oui» en faveur de l'indépendance a été lente, si lente que peu d'observateurs imaginaient encore, avant l'été, qu'il puisse passer devant le «non» unioniste dans les sondages. Le coup de tonnerre de la rentrée a provoqué une impressionnante accélération des unionistes, au-delà de ce qu'ils avaient prévu. Et ce, en dépit d'un plafond de dépenses limité à 1,5 million de livres pour chaque groupe. Buckingham Palace, réduit à la neutralité par la Constitution, a rapidement dégainé en demandant gentiment à Kate et William d'annoncer avec quelques semaines d'avance l'arrivée du deuxième «royal baby».

La différence en faveur des unionistes s'est également faite grâce à la mobilisation sans précédent du milieu des affaires, d'une partie des médias dominants et des grandes forces politiques internationales, jusqu'au FMI pour l'analyse des retombées économiques, et Barack Obama pour l'appel à la raison. Les grandes banques présentes en Ecosse, notamment l'historique Royal Bank of Scotland, ont indiqué sans tarder qu'elles prévoyaient d'installer leur siège en Angleterre en cas d'indépendance.

 

Harry Potter contre Andy Murray

 

Lloyds, qui emploie 17 000 personnes en Ecosse, a également signalé sa volonté de relocaliser sa filiale écossaise au sud de la frontière, sans expliquer les raisons précises de son choix. «Bien que la portée de ce changement potentiel est encore mal déterminée, nous avons un plan parallèle en place, qui prévoit l'établissement de nouvelles entités juridiques en Angleterre», indiquait-elle.

Des chefs d'entreprise respectés, comme le patron des magasins John Lewis, organisés en coopérative, ont ouvertement craint une forte hausse des prix. Marks & Spencer et BP sont également intervenus. Le camp du «oui», lui, n'a rassemblé quasiment personne dans le milieu des affaires. Et pendant que l'auteure des romans Harry Potter avait bonne presse en donnant 1 million de livres (1,25 millions d'euros) à la campagne Better Together, le vainqueur de Wimbledon 2013, Andy Murray, était châtié sur les réseaux sociaux pour avoir annoncé qu'il ne serait pas contre l'idée de disputer des Jeux olympiques sous le drapeau écossais plutôt que britannique.

Mais le Premier ministre David Cameron, qui prépare les élections générales de 2015, y a laissé des plumes. La guerre de communication a en effet été remportée au prix de nouveaux sacrifices, avec la promesse de nouvelles lois d'autonomie en faveur de l'Ecosse. David Cameron a également été distancé par ses opposants au pouvoir lors des derniers jours de campagne. Le calme et l'expertise économique de l'ancien ministre de l'Economie travailliste, Alistair Darling, et l'émotion rhétorique de l'Ecossais Gordon Brown, ancien Premier ministre, ont considérablement gêné Alex Salmond, le Premier ministre d'Ecosse, qui a misé sa campagne sur la passion, avec des limites certaines en matière de prospective économique.

 

Perte de contrôle

 

Malgré leur front exceptionnellement uni, les quatre principaux partis du Royaume-Uni (y compris le très populiste UKIP de Nigel Farage) n'ont pas adopté des approches similaires et une stratégie commune. Ils ont même parfois donné l'impression de perdre le contrôle. Le leader du parti travailliste Ed Miliband a été sérieusement bousculé dans un centre commercial d'Edimbourg deux jours avant le scrutin, ce qui n'a pas arrangé son image de potentiel futur Premier ministre.

Le Labour, lui, s'est maladroitement fendu d'un bulletin de vote factice distribué dans des bureaux de vote à Glasgow, avec la question officielle «should Scotland be an independent country ?» et plus bas, en rouge, le message «if you don't understand this, vote no» et la case «no» pré-cochée. Une erreur de communication guère appréciée par nombre d'Ecossais.

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