Stratégie de marque
Les expositions à gros budgets inaugurées en cette rentrée, telles Niki de Saint Phalle ou Jeff Koons, s’accompagnent souvent d’une collection conséquente de produits dérivés. Une ressource souvent devenue indispensable pour les musées.

Des mugs, des assiettes, des coques iPhone et même une poupée gonflable de sa fameuse Nana Ballon... Dans la boutique du Grand Palais à Paris, impossible de rater les produits dérivés liés à la rétrospective consacrée à Niki de Saint Phalle, depuis le 17 septembre. Parmi les expositions « blockbusters » de la rentrée, ces rendez-vous culturels à gros budget, celle dédiée à l'artiste féministe, flingueuse de la bienséance, était très attendue. Avec un budget record : « 3,8 millions d'euros, alors que notre budget moyen est de 1 million », précise Géraldine Breuil, directrice marketing et commerciale de la Réunion des musées nationaux - Grand Palais (RMN-GP). Pour le rentabiliser, les organisateurs comptent sur 300 000 entrées. Mais aussi sur les produits dérivés.


Pour les autres expos phares du moment, telles Sonia Delaunay au Musée d'Art moderne de Paris, Marcel Duchamp et bientôt Jeff Koons au Centre Pompidou, une gamme conséquente de produits dérivés est prévue. Parfois via des partenariats. « Pour Jeff Koons, nous avons conçu un coloriage géant avec l'entreprise américaine OMY », détaille Nicolas Roché, directeur des éditions du Centre Pompidou. Le Musée d'Art moderne a quant à lui travaillé avec les soieries lyonnaises Brochier pour créer un foulard en soie lié à l'exposition Sonia Delaunay.

 

Des artistes qui rapportent

 

Aujourd'hui, la manne des produits dérivés culturels est devenue indispensable aux musées, en complément de la billetterie. Ainsi, avec un budget moyen d'un million d'euros par exposition, la Cinémathèque de Paris tire un tiers de ses revenus de subventions, un tiers de la billetterie et un tiers du mécénat et des produits dérivés. En 2013, la Pinacothèque de Paris aurait tiré 40% de ses bénéfices de sa boutique. Le Grand Palais, qui ne bénéficie pas de subventions pour ses expositions temporaires, réalise 30% de son chiffre d'affaires via le mécénat et les produits dérivés. Le reste provenant de la billetterie.


« Cela marche essentiellement sur les expositions d'artistes connus, dont l'univers visuel s'y prête. Avec Basquiat ou Poliakoff, nous avons dégagé jusqu'à 40% de nos revenus en produits dérivés », souligne Pascale Brun d'Arre, responsable de la librairie du Musée d'Art moderne de Paris. « Le visiteur qui sort de l'exposition par la boutique a envie de repartir avec un bout de l'exposition, son œuvre d'art à lui », estime Lorraine Dauchez, fondatrice des magasins Arteum.

 

Justement, Arteum, qui a conçu des produits dérivés pour l'exposition Niki de Saint-Phalle ou encore pour celle de Le Corbusier attendue pour 2015, est un trublion symbole de ce jeune marché. Forte de son réseau de distribution (six magasins à Paris, dont le 107 Rivoli au musée des Arts décoratifs, un magasin au Japon, 100 distributeurs concept stores dans le monde), l'enseigne va plus loin : « le magasin est censé donner envie d'aller à l'exposition : on propose des visites guidées et des coupe-files », précise Lorraine Dauchez.

 

Cadeaux de Noël 

 

« Les produits dérivés permettent aux musées de façonner leur identité », souligne Cécile Vignesoult, membre de Museum & Industries, association destinée à promouvoir des activités liées aux produits dérivés artistiques et culturels. « Les musées ont une vraie identité de marque, un contenu avec leurs œuvres d'artistes et un potentiel d'exploitation commerciale. Or le grand public recherche des produits qui racontent des histoires, et qui soient labellisés par une institution », abonde Lorraine Dauchez. La diversité des produits proposés répond aussi à une segmentation marketing de plus en plus poussée : « on distingue le primo-visiteur touriste et sa carte postale, les initiés à la recherche du livre pointu, les "art shoppers" qui veulent des objets de déco ou d'arts de la table et les enfants », détaille Cécile Vignesoult.

 

Les plus optimistes décèlent même un intérêt certain pour le sujet de la part des nouvelles générations de conservateurs de musées. « Avant, ils auraient été des marchands du temple. Maintenant, ils y voient un moyen de promouvoir l'exposition. On trouve même des sélections de produits dérivés dans les shoppings de Noël des magazines », constate Pascale Brun d'Arre.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.