La disparition accidentelle du PDG de Total ne devrait pas ouvrir de crise au sein du groupe pétrolier, tant la machine est bien huilée, dixit les experts en gestion de crise et en management.

Le décès, lundi 20 octobre, du PDG de Total, Christophe de Margerie, 63 ans, dont le jet privé a percuté une déneigeuse lors de son décollage de l'aéroport de Vnukovo près de Moscou, place le premier groupe français (le 11e au niveau mondial) dans une situation difficile.

Certes, la disparition du dirigeant fait partie des scénarios de crise que toute grande entreprise anticipe. Dans la nuit, le groupe Total confirmait l'information dans un communiqué précisant dans la foulée que le comité de gouvernance et d'éthique puis le conseil d'administration devaient se réunir «dans les plus brefs délais».

«Le mode de gouvernance de ce genre de groupe est suffisamment bien organisé pour répondre à ce genre de situation», estime Patricia Chapelotte, présidente du cabinet conseil en gestion de crise Albera Conseil, qui constate d'ailleurs que le cours de bourse n'a guère bougé dans les premières heures après l'annonce. Mais, passé la phase d'émotion, la question de la succession se pose très vite.

Trois successeurs potentiels

Ayant obtenu en mai dernier de ses actionnaires que la limite d'âge du président soit repoussée de 65 à 70 ans, Christophe de Margerie avait récemment évoqué qu'il travaillait à sa succession et que ce serait quelqu'un du groupe. Sans désigner toutefois de dauphin.

Philippe Boisseau, directeur général de la branche marketing & services, et Patrick Pouyanné, responsable de la branche raffinage-chimie, sont tout deux pressentis en interne. Patrick Pouyanné, de par son expérience et son engagement dans la restructuration du groupe, semble bien placé.

«Total est une entreprise qui fonctionne essentiellement avec de la promotion interne», constate Pierre Fouques Duparc, managing partner du cabinet de recrutement Boyden, «un tel drame ne fait qu'accélérer l'histoire. Un examen des candidatures internes devrait être rapidement mené. Une telle situation est assez atypique dans le paysage économique français, on ne retrouve cela que dans quelques groupes qui ont une histoire comme Michelin ou Saint Gobain».

Le risque du vide de leadership


Pour Jean-Christophe Alquier, qui a longtemps conseillé le groupe Total et qui est aujourd'hui président du cabinet Alquier Communication, «Thierry Desmarest [ex-PDG et actuel président d'honneur de Total] va sûrement jouer un rôle dans la phase de succession. Il reste en effet le référent absolu dans le groupe. La décision sera sans doute rapide car le risque dans ce genre de situation est le vide de leadership».

«Mais le problème de Total sera de trouver un successeur à la hauteur du charismatique Christophe de Margerie, qui incarnait littéralement le groupe et dont, surtout, le rôle politique et géostratégique était très important»
, note Patricia Chapelotte. Peu avant son accident, en marge d'un forum, ne venait-il pas de rencontrer le Premier ministre russe Dmitri Medvedev? Jean-Christophe Alquier est moins inquiet sur ce point: «L'enjeu de la personnalité est secondaire. Compte tenu de la situation du groupe, en pleine restructuration, et qui est à un tournant en terme de valorisation boursière, le successeur aura d'abord une profil industriel. Le style sera sans doute différent, dans un registre plus sobre, plus stratégique. Quant à l'influence politique et internationale de nouveau PDG, quoi qu'on en dise, l'habit fait le moine, même si le grand talent de Christophe de Margerie était d'être un “deal maker, un grand commerçant.»

FOCUS: Energie en France, les têtes changent

Avec maintenant Total, c'est à une série de changements simultanés et sans précédent à la tête des plus grandes entreprises énergétiques françaises à laquelle on assiste ces derniers jours. Alors que Henri Proglio cédera fin novembre la présidence d'EDF à Jean-Bernard Lévy, le patron de Thales, Isabelle Kocher, actuelle directrice financière de GDF Suez, doit succéder à Gérard Mestrallet à la présidence du groupe. Parallèlement, Luc Oursel, président d'Areva, vient d'annoncer qu'il quittait son poste pour des raisons de santé. «Il faut espérer pour l'avenir du secteur que ces nouveaux dirigeants s'entendront bien entre eux», note un observateur. Sans compter les possibles répercussions, voire changements, dans les équipes de management et incidemment en communication. Pour rappel, EDF travaille avec Havas Worldwide, Leo Burnett, M&C Saatchi et Havas Media; GDF Suez avec Publicis Conseil et Zenith Optimedia et Total avec Marcel (Publicis) et BETC.

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