prix
Un jeune collectif féministe dénonce une politique de prix plus élevés pour les femmes que les hommes sur un même produit ou service. Mais dans les faits, le prix est moins sexué qu'aspirationnel...

Les prix, comme le marketing, sont-ils «sexués»? C'est ce qu'affirme un jeune collectif féministe, les Georgette Sand, qui dénonce des prix plus élevés pour les femmes sur les produits et services de consommation courante, comme les cosmétiques, les rasoirs, le pressing ou le coiffeur. Leurs accusations, dans Le Parisien du lundi 3 novembre, ont fait mouche, reprises par nombre de médias le jour même. Bercy a dû réagir au quart de tour: Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, a alors commandé à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) des relevés de prix.

 

« Nous voulons que l'égalité entre hommes et femmes s'applique partout, y compris sur la "woman tax" : cela implique d'avoir des chiffres, des moyens d'agir, pour réveiller les consciences sur le marketing sexué », revendique Gaëlle Couraud, cofondatrice du collectif lancé en août. Pour cette première action, des membres et sympathisantes de Georgette Sand, smartphone en main, ont mené l'enquête dans les travées des grandes et moyennes surfaces (GMS), en prenant des photos accompagnées de relevés de prix de produits comparatifs, ensuite postés sur le Tumblr dédié, Womantax.tumblr.com, et sur Instagram avec le hashtag #georgettesand. Le tout accompagné d'une pétition sur Change.org, adressée à Monoprix (groupe Casino), signée par plus de 20 000 personnes. Les différences de prix sautent aux yeux : 1,80 euro les cinq rasoirs pour femmes jetables Casino, 1,72 euro les dix pour hommes, 4,15 euros le déodorant Narta, 4,11 euros le même pour hommes...

 

Pas les mêmes valeurs

 

Pourquoi ces écarts de prix? Sont-ils fixés volontairement par les marques et distributeurs?
«La woman tax, nous n'en n'avions jamais entendu parler avant», affirme Mathilde Guinaudeau, directrice de département chez Ipsos Marketing, qui travaille sur les questions de stratégies prix des marques. «Le débat a été choisi par le collectif sur des catégories de produits très ciblées. Le message, lui, généralise le propos autour d'une différence tarifaire», pointe David Vidal, associé au cabinet de pricing Simon-Kucher.

 

 

En fait, les prix de nombreux produits ne sont pas fixés à partir de seuls critères rationnels. Notamment pour la cosmétique et les biens de grande consommation vendus en grandes et moyennes surfaces. « Avant de lancer un nouveau produit, on présente un concept à des panels de consommateurs, et on leur demande quel serait selon eux le bon prix. L'annonceur choisit le prix le plus intéressant selon la marge voulue, le distributeur fixant le prix final », résume Mathilde Guinaudeau. Seulement voilà : «dans le secteur hygiène-beauté, la valeur perçue d'un produit est plus importante chez les femmes que chez les hommes». Or, un produit pour femmes est bien sûr soumis à un panel féminin. «Un stick déodorant est un basique pour les hommes, mais a une valeur perçue, affective, plus importante chez les femmes», poursuit-elle. 

 

D'autres facteurs jouent: le prix peut varier en fonction des GMS, situés en lieux urbains ou non-urbains, à Paris ou en régions... Et «il y a des différences de potentiels de marchés en termes de volumétrie», ajoute David Vidal. Un argumentaire sur la volumétrie repris par Monoprix dans la réponse qu'il a publiée le 29 octobre face à la pétition du collectif: «pour les rasoirs jetables, les références pour les hommes présentent des volumes de ventes largement supérieurs aux modèles pour femmes».

«Le genre n'est pas un critère de fixation du prix, le prix dépend avant tout de la politique de nos distributeurs, mais aussi de multiples critères, notamment les ingrédients et la technologie utilisée, les parfums...», a répliqué pour sa part L'Oréal Paris.

 

 

 

Une «Man Tax»?

 

La «discrimination» par le prix s'applique aussi en sens inverse. «Prenez les sites de rencontres, tel Meetic, payant pour les hommes et gratuit pour les femmes. Tout comme la valeur perçue est plus importante chez les hommes pour les produits high-tech, ou en automobile, où ils sont prêts à payer plus cher que les femmes pour certains types d'options», sourit David Vidal, associé au cabinet de pricing Simon-Kucher.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.