Digital
Ils sont les visages des métiers les plus demandés dans l'univers du web et du marketing. Qu'ils soient chefs de projet, consultants, trafic manager ou spécialiste du « search engine advertising », ils sont au cœur de la rencontre entre le digital et la data.

La demande des entreprises en spécialistes de la data et du digital ne faiblit pas. Dans la sélection des dix métiers les plus demandés que vous propose cette semaine Stratégies, tous s'inscrivent de plain-pied dans ces deux axes majeurs en termes de communication et du marketing.

À partir des données de recrutement terrain de dix agences fournies par Expectra, établir une cartographie précise du marché de la data et du numérique présente cependant une difficulté majeure, souligne Aurélien Gilles, manager du département digital, sales et marketing du cabinet de recrutement : «Le digital souffre d’une définition polysémique des métiers. Un chef de projet digital peut aussi avoir des missions centrées sur le référencement ou la refonte d’un site. Il lui arrive également de mettre la main à la pâte. Ce sont les fonctions juniors ou spécialisées qui sont les mieux définies.» Beaucoup de ces métiers récents acquièrent ainsi leurs contours définitifs progressivement. Bien souvent, ils sont à l’intersection de deux expertises. «Le chef de projet data n’a pas forcément un profil technique mais il doit avoir une compréhension suffisamment poussée pour développer des outils comme des bases de données ou des CRM, et optimiser l’efficacité de l’exploitation des données», explique Aurélien Gilles.

La stabilisation d’un socle de compétences s’opère à la faveur d’un double mouvement simultané : d’un côté, les pratiques propres à chaque expertise s’affinent, faisant émerger leur spécificité ; de l’autre, les organisations gagnent en cohérence, répartissant mieux les missions, ce qui aboutit à une spécialisation de plus en plus poussée des métiers les uns vis-à-vis des autres. Même imparfait, ce reflet d’un marché en évolution constante révèle la recherche soutenue des entreprises pour des profils capables de piloter des projets digitaux, gérer la data et améliorer l’expérience utilisateur.

 

1. Chef de projet digital

 

Michaël Korsec, chef de projet digital chez BETC digital

Le chef de projet digital se distingue de toutes les autres fonctions du digital par une spécificité qui n’a rien de technologique, explique Michaël Korsec, chez BETC digital: «C’est un métier où l'on est responsabilisé sur le respect du planning et du budget.» Un art d’autant plus difficile que les objectifs sont très variés – applis, site, refonte d’un programme CRM – et qu’un projet compte au minimum six étapes: le cadrage ou scope of work, qui définit le domaine d’intervention; puis la conception, avec les UX designers, les planners et le client; ensuite, la création elle-même afin de donner une tonalité émotionnelle au parcours client; la production lors de laquelle les développeurs sont briefés avec des «spécifications»; le recettage, qui permet de tester; enfin, la mise en ligne. «Il faut aimer travailler en groupe, s’assurer que chacun est dans le bon mind set et satisfait, prévient Michaël Korsec. Les difficultés sont mieux gérées et le travail est de meilleure qualité. Il faut savoir faire preuve d’empathie parce qu’on challenge beaucoup les gens. C’est un travail de funambule. Le plus important, c’est de rester ouvert et curieux, cela permet de découvrir les expertises et les personnes et d’apprendre.» Sans oublier d’être patient en vue d'accumuler de l’expérience, un atout précieux: «Elle permet de mieux anticiper et de mieux comprendre les délais nécessaires notamment chez les clients.»

 

2. Chef de projet data

 

Thibault Melki, consultant data chez iProspect Data Consulting

Un seul métier, mais deux volets bien distincts, explique Thibault Melki, consultant data chez iProspect Data Consulting: «C’est une fonction qui comprend une partie opérationnelle et une partie consulting. Dans la partie opérationnelle, nous collectons la data, nous la segmentons en différents clusters – par exemple: les 15-25 ans –, puis ces segments d’internautes peuvent être envoyés à différentes plates-formes dites DSP [Demand Side Platform] qui vont les exposer à des messages publicitaires. Dans la partie consulting, nous effectuons des audits pour établir la maturité du client vis-à-vis de la data, l’aider à construire son patrimoine data. Cela passe par l’identification des données, leur localisation, l’analyse des process déjà en place, mais aussi ses objectifs.» Pour nombre d’entreprises ayant du mal à amorcer leur transformation digitale, un consultant data est aussi amené à s’impliquer dans l’accompagnement au changement. «2 à 3 mois sont parfois nécessaires avant d’entrer dans le vif du sujet sur la data», révèle Thibault Melki. Sans oublier un vaste pan juridique qui aborde toutes les questions relatives aux réglementations en vigueur, mais aussi la mise en place du Règlement général sur la protection des données [RGPD]. Une diversité de missions qui implique une forte implication, souligne Thibault Melki: «Il faut avoir une vision globale du fonctionnement de la publicité digitale mais aussi comprendre les outils, comment ils échangent les données, ainsi que les flux de données, de la collecte jusqu’à l’activation.»

 

3. Chef de projet e-commerce

 

Laïka Moussa, chef de projet e-commerce front end chez Ubisoft

Un projet e-commerce comporte deux faces : le front et le back end. Initialement développeuse, Laïka Moussa a souhaité évoluer : «Je me sentais parfois frustrée de ne voir qu’une partie du scope. J’avais envie d’une vision plus globale et d’échanges avec plus d’interlocuteurs.» Depuis six ans, elle est chef de projet e-commerce front end chez Ubisoft, une mission à l’horizon plus large: «Globalement, je prends en charge ce que verra le client final. Chaque projet se déroule en plusieurs phases. J’analyse le besoin, que ce soit un design fourni par une agence ou une demande d'un service interne, ce qui amène de nombreux échanges avec les différents interlocuteurs. Je transmets ensuite ce besoin aux développeurs, et je reste présente pendant la phase de développement et de test, jusqu'à la mise en ligne. La dernière phase consiste à suivre le projet après sa mise en ligne, pour l'adapter, si besoin, le faire évoluer et lui apporter de nouvelles fonctionnalités.» Un résumé qui ne doit pas faire oublier la difficulté majeure de cette fonction: le planning. «Même après six ans dans ce métier, cela reste difficile, souligne Laïka Moussa. Les méthodes de travail évoluent, de nouvelles technologies apparaissent en permanence et amènent des problématiques toujours différentes.» Contre toute attente, devenir chef de projet e-commerce n’implique pas de prérequis informatiques très poussés. Certains sont issus d’une école de commerce, d’autres ont suivi une formation d’ingénieur. L’essentiel est ailleurs, estime Laïka Moussa: «Il faut un bon sens de l’organisation, le sens du contact et de la pédagogie.»

 

4. Chef de projet webmarketing

 

Benoît Hervier, chef de projet webmarketing (intérimaire de Expectra)

Véritable homme-orchestre, le chef de projet webmarketing doit avoir une vision très 360, explique Benoît Hervier, qui occupe cette fonction au fil des missions que lui confie le cabinet Expectra: «Je dois gérer le contenu de sorte que la durée et le nombre de visites augmentent mais aussi assurer le meilleur référencement possible, en SEO [search engine optimisation] et en SEA [search engine advertising], et coordonner les différents intervenants afin de maîtriser le planning et le budget des projets.» Avec toujours en tête un principe inaltérable: «Captiver l’internaute est l’objectif général qui guide mon action.» Une mission vaste qui exige d’être pro-actif, une qualité indispensable pour anticiper les problèmes et maximiser ainsi leur taux de résolution, mais aussi de connaître l’environnement technique concret dans lequel seront déployés les outils, et d’être un bon communicant. Un projet, c'est avant tout des interactions humaines, rappelle Benoît Hervier: «Pour bien gérer un projet, il faut rencontrer les gens pour les connaître un peu, savoir comment ils travaillent, ce à quoi ils sont sensibles et ce qu’ils ne supportent pas...» Le métier est certes complexe mais attachant et instructif: «J’aime la forte dimension humaine de cette fonction. Il faut en permanence rencontrer et trouver des solutions avec des personnes très différentes. C’est aussi un métier qui bouge beaucoup et qui demande de s’adapter constamment. »



5. Chef de projet trafic management

 

Marine Dutrieux, consultante performance digitale chez Keyrus

«Un bon trafic manager, c’est comme un bon directeur commercial, mais on line», résume Marine Dutrieux, consultante performance digitale chez Keyrus. Les titulaires du poste doivent en effet être capables d’acquérir du trafic mais aussi de l’analyser pour savoir quel budget affecter à quel levier d’acquisition. Savoir lire les chiffres est essentiel, rappelle-t-elle: «Cela permet de savoir combien coûte chaque prospect et chaque client.» Dans la vaste palette d’outils disponibles, les plus utilisés en général sont le référencement naturel, puis payant, le e-mailing et le social media. Mais les stratégies peuvent être très différentes: «Certains clients sont très forts en référencement naturel et n’investissent pas du tout en social media, par exemple.» Aucun outil ne doit pour autant être dédaigné, souligne-t-elle: «L'e-mailing reste efficace, à condition d’avoir une base de données bien structurée et un message avec une vraie valeur ajoutée. Dans ce cas, il y a du trafic et de la transformation. Il est aussi possible d’avoir recours à l’affiliation, au retargeting ou au social media pour acquérir du trafic. Tout est fonction des objectifs et du budget.» Un métier de passion mais pas seulement: «Il faut beaucoup de rigueur pour optimiser les campagnes et filtrer le trafic non qualifié, par exemple. Et aussi aimer l’analytics pour comprendre ce qu’il s’est passé, être force proposition et savoir s’adapter à des clients avec des maturités différentes.»

 

6. Spécialiste SEA 

 

Sylvie Gageiro, chargée de l’équipe de spécialistes SEA de Fifty-Five

Vous aimez la stratégie, la technique, l’analyse des données, les échanges, les environnements en perpétuelle évolution et vous avez une bonne plume ? Si c’est le cas, alors vous avez les atouts pour devenir un spécialiste SEA [Search engine advertising]. «C’est la personne qui élabore une stratégie de référencement payant, essentiellement sur Google, Bing et Yahoo pour la France, explique Sylvie Gageiro, en charge de l’équipe de SEA de Fifty-Five. Il s’agit de mettre en place la meilleure visibilité du client sur les moteurs avec des liens sponsorisés en fonction de mots-clés définis.» Une mission qui exige de bien comprendre le secteur du client et son offre, mais aussi de savoir définir les mots-clés, le niveau d’enchère, la zone de diffusion ainsi que le wording des annonces. «Il faut savoir privilégier un style concis et direct car le nombre de caractères est limité», précise Sylvie Gageiro. Aucune campagne ne ressemble à une autre car les clients ont des objectifs (performance, visibilité, génération de trafic à moindre coût) et des budgets très variés… «Il faut une formation solide sur les plates-formes de référencement payant, mais également connaître les outils de webanalyse comme Google Analytics, les outils de BidManagement, avoir une connaissance suffisante du tracking media, de l’attribution etc. Il faut posséder un très bon relationnel et être pédagogue car les échanges avec le client sont réguliers et enfin, savoir vulgariser un métier avec de forts aspects techniques», conclut-elle. 

 

7. Consultant transformation digitale

 

Joanna Pomian, consultante en transformation digitale chez SQLI

Attention, ce métier est particulier, prévient Joanna Pomian, consultante en transformation digitale désormais à la tête d’une practice de 30 collaborateurs chez SQLI : «Il faut aimer les problèmes des autres, être curieux(se) et accepter de ne pas pouvoir apporter immédiatement une réponse à une demande. Exercer cette fonction exige une expérience du digital mais aussi, plus fondamental encore, une bonne connaissance des organisations. C’est un profil de mouton à cinq pattes.» Autant être bien armé(e) en effet car les missions sont diverses et complexes. Le consultant en transformation digitale pose d’abord un diagnostic à partir d’un référentiel qui, selon les cas, peut aller d’une vingtaine à une cinquantaine de thématiques. Il construit ensuite des «ateliers d’inspiration» afin de présenter des pratiques extérieures dans le but de faire évoluer les points de vue. Vient alors le travail sur le parcours client. «Il s’agit de refonder l’expérience client en identifiant les éléments de friction et de faire évoluer la stratégie en apportant de nouvelles propositions de valeur», résume Joanna Pomian. Mais l’essentiel de la transformation digitale repose sur l’humain: «Le plus important est de faire adhérer les collaborateurs. Il doivent avoir une compréhension profonde des enjeux de la transformation digitale et de la nécessité d’une nouvelle stratégie client ainsi que de nouveaux outils. C’est seulement après que survient la formation à ces nouveaux outils.»

 

8. UX designer

 

Paul Colin, UX designer chez Makheia

Véritable avocat de l’internaute, l’UX designer cherche à rendre son «expérience» plus agréable… et performante. Il est de plus en plus sollicité pour effectuer des audits de sites existants, analyser l’architecture de l’information. Viennet ensuite l’étude de chaque profil utilisateur (persona) ainsi que la phase d’identification des différents points de contact que ces derniers ont avec la marque. «Cela permet notamment d’établir une “experience map” et de créer des nouveaux parcours clients», explique Paul Colin, UX designer chez Makheia. À cette phase succède la conception proprement dite où s’élabore le «wireframe» [maquette fonctionnelle], puis la réalisation du prototype. S’il échange beaucoup avec le DA [Directeur artistique], fonction très liée à l’expérience utilisateur, le UX designer suit aussi tout le parcours d’un projet afin de s’assurer que les préconisations initiales sont bien mises en œuvre. Dans ce domaine de pointe, inutile d’espérer se reposer sur ses lauriers: «Il faut mener une veille constante sur les best practices UX et être au fait des limites techniques des technologies utilisées pour trouver des solutions ou aboutir à des compromis», souligne Paul Colin. Ce qui ne l’empêche pas d’apprécier son travail: «J’aime ce métier car il demande une bonne compréhension du comportement des internautes mais aussi de l’empathie: se mettre à la place de l’autre est indispensable. C’est un challenge d’autant plus difficile quand il s’agit de gens proches de vous. Et puis savoir jongler sans cesse entre digital et marketing.»

 

9. Infographiste webdesigner 

 

Sophie Noan, directrice artistique en charge du digital chez Hémisphère Droit

«Le webdesigner est la passerelle entre le concept et la réalisation technique, résume Sophie Noan, qui a occupé ce poste avant de devenir directrice artistique en charge du digital de l’agence Hémisphère Droit. Sa mission principale est de mettre en œuvre les idées du DA et de designer l’interface.» Il intervient pourtant très souvent dès le début du projet et les échanges avec tous les acteurs du process sont réguliers. «Le webdesigner apporte une expertise sur la faisabilité des demandes, il peut enrichir le concept, et il contribue à l’élaboration des solutions techniques», précise Sophie Noan. Maîtriser sur le bout des doigts la suite Adobe (Illustrator, Photoshop, Sketch, Dreamweaver, After Effects, InDesign) ne suffit pas : il est important de connaître les outils et langages de développement pour déterminer quelles interactions sont possibles ou non. Le plus souvent, le webdesigner livre un fichier Photoshop. « C’est une fonction qui exige une grande rigueur : il faut être “pixel perfect”. Cela facilite le travail en aval du développeur. » La curiosité est de mise, de même que le goût du travail en équipe, tout en exerçant une veille créative et technologique permanente. Mais la satisfaction est au rendez-vous, souligne Sophie Noan : « Pour qui vient du print, c’est très motivant de repousser les limites, d’inventer de nouvelles solutions technologiques. » Même si, parfois, la frilosité des clients expose à la frustration.

 

10. Community manager



Tony Mardirossian, community manager chez ‎Ogilvy Paris

Un métier « Shiva » pour ceux qui aiment traiter en parallèle plusieurs dossiers avec des contraintes très différentes. Le community manager gère en effet plusieurs marques simultanément sur plusieurs réseaux... Et assume plusieurs rôles, explique Tony Mardirossian, community manager chez Ogilvy Paris: «Je dois gérer la modération des propos que les internautes envoient sur les pages. J’ai aussi une mission d’animation, en reprenant certains commentaires et en y répondant. Le troisième volet de ma mission est la relation client. La plupart des gens utilisent de préférence les réseaux sociaux pour signaler leurs problèmes. Pour accélérer le process, nous leur demandons leurs coordonnées et la référence produit et nous l’envoyons directement au SAV.» Et chaque mois, il établit un reporting mensuel qui permet de tirer des «key learnings». Au quotidien, le community manager travaille avec les équipes créatives avec lesquelles il élabore les idées des posts proposés et les activations, mais aussi les commerciaux en charge du client, les équipes médias qui gèrent la sponsorisation des posts, et le social media strategist qui est l’ambassadeur de la marque. «Il faut être créatif, curieux, organisé et méthodique, résume Tony Mardirossian. C’est un métier avec des missions très diverses, aucune journée ne ressemble à une autre et le résultat de nos actions se voit rapidement. Le plus étonnant est de pouvoir travailler en même temps pour trois clients de domaines complètement différents sans jamais perdre le fil.»

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