E-commerce
Les prix barrés sont encore présents sur Cdiscount, mais l’ambiance est à plus de modération. La filiale de Casino vise le long terme avec un discours de marque plus fédérateur conçu par Rosapark.

Les couleurs, le ton, les visuels: tout semble plus calme, moins pétaradant, dans la nouvelle communication de Cdiscount, conçue par l’agence Rosapark. La nouvelle campagne (en affichage et digital pour l’instant), déployée en amont du Black Friday, met l’accent sur la dualité entre raison et émotion. «Votre fils n’a que deux ans et demi… mais vous pourrez vous entraîner en attendant», suggère une affiche présentant la PlayStation 4 (à -20%), ponctuée de la nouvelle signature: «N’économisez pas votre plaisir.» «Chacun pense prendre des décisions rationnelles mais toutes les études montrent que les deux tiers sont avant tout émotionnelles», justifie le PDG, Emmanuel Grenier. Le regard extérieur de l’agence a apporté un peu d’air frais à Cdiscount, habitué à marteler jusqu’à la moelle l’argument du prix, tantôt «explosé», tantôt «incroyable»«Nous avions une communication trop agressive, même pour nos fournisseurs», reconnaît le responsable. Le point d’orgue est peut-être atteint avec «La grande boucherie», une campagne créée en interne à l’occasion des soldes d’hiver 2012, où des vidéos montrent des consommateurs prenant de grosses claques de barbaque…

Aspirateur à trafic

Pour Yves Marin, consultant chez Wavestone, telle est la marque de fabrique de Cdiscount, «une communication à rebours du secteur, provocante et pas sophistiquée» . «Notre image, c'est d’avoir historiquement les meilleurs prix et on y tient» , souligne Emmanuel Grenier. Une constance qui a conduit son site à une solide position de numéro deux de l'e-commerce (en audience) en France, selon la Fevad. «Cdiscount est un aspirateur à trafic» , commente Yves Marin. Au deuxième trimestre 2017, le site cumulait 15,4 millions de visiteurs uniques, dont 85% de trafic gratuit, venant des moteurs de recherche et en direct. Parmi eux, on compte 8,5 millions de clients actifs sur les douze derniers mois. Au troisième trimestre, Cnova, l’entité de Casino qui opère Cdiscount, voyait ses recettes bondir de 18% sur un an, à 539 millions d’euros. Mais pour résister à Amazon sur le long terme, les affichettes «-95%» ne suffisent pas.

«Le constat est qu’il s’agit d’un superbe succès business, mais qui reste très dépendant des offres de réduction», pointe Jean-Patrick Chiquiar, cofondateur de l’agence Rosapark. Si l’enseigne jouit d’un taux de notoriété de 96%, en hausse annuelle de quatre points, le communicant estime qu’elle «n’est pas encore une marque». Là est précisément l’enjeu. Pour ses clients, Cdiscount serait avant tout un site internet agrégeant des offres alléchantes. «Nous leur avons fait comprendre que les gens se rendaient sur Cdiscount pour profiter d’une opportunité, mais qu’il fallait dépasser cette logique pour créer un réflexe et ainsi passer de la dimension fonctionnelle au plaisir», poursuit-il. Ce travail de longue haleine a déjà été entamé il y a deux ans et demi avec Buzzman et la signature «Vous êtes plus riche que vous ne le croyez».

Produits plaisir

Pour créer un réflexe Cdiscount, Rosapark a identifié un autre levier: mettre en lumière les services et catégories de produits qui ne sont pas connus. «Aujourd’hui, nous ne sommes plus juste un vendeur de high-tech. Nous proposons de l’ameublement, de la décoration, de la puériculture» , liste Emmanuel Grenier. Des «produits plaisir» qui serviront le nouveau positionnement. Sur le service, l’e-commerçant propose même une offre de livraison sur abonnement (une réponse à Amazon Prime): Cdiscount à volonté. Elle représente 30% des commandes. Côté produits, l’arrivée de la place de marché en 2011 a étendu le catalogue de 100 000 références à… 30 millions. «Ils n’arrêtent pas d’innover et de tester de nouvelles choses , observe Yves Marin. Cette pugnacité explique pourquoi Cdiscount a réussi là où d’autres ont échoué» , à l’image de Pixmania, concurrent historique au positionnement proche, mais à la peine depuis 2012. En multipliant les produits et services, Cdiscount devient «un nouvel hypermarché du web, comme Amazon , poursuit le consultant. Avec l'idée qu’on arrête sa voiture à un endroit et que l’on a tout sous le même toit. On passe du one stop shopping au one click shopping.» Quand les hypers appâtent le chaland avec de bonnes têtes de gondole, Cdiscount «est très attractif en termes de produits d’appel et sur les temps forts comme le Black Friday» , explique Yves Marin.

Une fois le trafic consolidé, l’ambition est de relever le panier moyen et de fidéliser. C’est tout le sens de l’offre mobile, dégainée en 2016. C'est aussi l'enjeu de Cdiscount Énergie, l’abonnement à l’électricité présenté en octobre. «Là, on ne se situe plus sur de l'achat spontané mais sur un abonnement sur du long terme», souligne Emmanuel Grenier, selon qui le démarrage de cette nouvelle offre est «très positif». L’enjeu de ce service aura aussi valeur de test. Comme l’affirme le PDG, «quand on est prêt à basculer sur quelque chose d’aussi sensible que son électricité, c’est signe que les consommateurs vous font confiance.» Et Cdiscount entend précisément gagner en sérieux via de nouvelles offres. Alors qu'il propose déjà des prêts à la consommation avec Banque Casino, le discounter n’exclut pas un nouveau «stretching catégoriel». La banque? Emmanuel Grenier «ne ferme aucune porte».

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