Advertising Week
La 6e édition européenne de l'Advertising Week a lieu à Londres la semaine prochaine (19-22 mars). Fondée à New York en 2004, elle est désormais présente sur les cinq continents et est devenue une plateforme de débats sur l'avenir de la publicité. Son fondateur et directeur général, Matt Scheckner, fait un tour d'horizon des grands enjeux pour les marques.

Apportez-vous quelque chose de plus, ou de mieux, ou de différent, que les Cannes Lions ?

Matt Scheckner. Eh bien... Je dirais qu'à l'Advertising Week vous pouvez avoir accès à près de 200 séminaires ou ateliers avec les leaders de l'industrie, pour une centaine de livres sterling seulement. À Cannes, tout ce que vous pouvez avoir pour ce montant est un trajet en taxi de l'aéroport jusqu'à l'hôtel. À l'Advertising Week, il n'y a pas de barrière du prix à l'entrée, et cela apporte une énergie vitale. Cet événement est ouvert à tous et il est le seul à offrir à la fois la quantité et la qualité, le seul à permettre une telle communication entre les jeunes créatifs et les directeurs marketing des grandes entreprises. C'est pour cette raison qu'il est aujourd'hui en haut du calendrier de l'industrie.

L'Advertising Week est organisée dans cinq capitales, à New York, Tokyo, Mexico, Sydney, et Londres, en attendant une capitale africaine. Y a-t-il encore des différences de culture, de créativité, selon les continents, ou bien la publicité est-elle de plus en plus uniformisée et aseptisée ?

L'étape la plus importante de l'Advertising Week a été le lancement de la première édition dans une autre ville que New York, en 2013, neuf ans après la création de l'événement. Cela a tout changé. D'un côté, nous avons compris que la recette que nous avions appliquée à New York pouvait fonctionner dans d'autres grandes villes, et de l'autre, nous avons appris que des opportunités existaient ailleurs dans le monde, et que les spécificités de chaque marché constituaient des atouts. Les difficultés rencontrées pour s'adapter à tel ou tel marché favorisent l'agilité et la créativité.

Lors de la dernière édition londonienne, un incident a opposé des représentants de YouTube à des annonceurs, qui reprochaient à la plateforme d'afficher leur marque sur des vidéos extrêmes, de toutes natures. Le problème s'est accru, depuis. Est-il plus difficile de faire s'entendre ces différentes parties ?

Je pense que ces plateformes font tout pour protéger les annonceurs, et pour éviter que leurs publicités n'apparaissent pas là où elles ne doivent pas apparaître. La complexité est immense pour ces plateformes ouvertes. C'est en tout cas un problème important qui sera encore évoqué dans nos débats.

Avez-vous perçu une tension des relations entre les marques ou les médias traditionnels et des géants comme Facebook ou Google ?

Le fait est que dans le monde numérique, la boîte de Pandore est ouverte. Ces jeunes générations qui passent leur vie avec leur smartphone, en quelque sorte devenu leur onzième doigt, ont pris le pouvoir. Le temps que nous passons désormais en étant connecté n'est pas près de diminuer. Fini les années 50, où une chaîne de télévision pouvait avoir 75 % de parts de marché. Il y a désormais tant de sites, tant d'écrans... Tout est si fragmenté que les rapports entre les différents pôles ne peuvent qu'être plus tendus.

Les marques sont-elles fragilisées, ou au contraire favorisées, par le fait que Facebook et Google captent la quasi-totalité de la publicité numérique ?

Je pense que les gros acteurs vont constamment être mis en concurrence par d'autres groupes tels que Snapchat dans les années à venir, et qu'ils devront prendre soin de leurs clients. L'an dernier, Matt Brittin, le directeur EMEA de Google a été énormément attaqué par la presse, mais a finalement gagné un certain crédit faisant face aux erreurs, en déclarant : « Nous devons faire mieux ».

On ne voit pas toujours cela dans d'autres industries. Nous n'avons jamais entendu le fabricant japonais d'airbags Takata reconnaître ses torts lorsque des millions de véhicules ont été rappelés. Nous n'avons jamais entendu la banque américaine Wells Fargo s'excuser d'avoir ouvert de faux comptes aux noms de millions de clients. Je reconnais donc à Google le mérite d'avoir pris la mesure de la gravité de certains problèmes et de s'être engagé à les solutionner.

Dans l'industrie bancaire, une expression a pris tout son sens pendant la crise financière de 2008 : « too big to fail » [trop gros pour faire faillite]. Dans le même ordre d'idées, ne craignez-vous pas que les Gafa soient désormais trop gros et trop complexes pour être contrôlables ?

Vous savez, Advertising Week, c'est un peu comme la Suisse. Tout le monde connaît tout le monde. On a de fortes chances de rencontrer ceux qui réussissent, et savoir pourquoi ils ont réussi. Et ce que je peux vous dire, c'est que les leaders de Facebook et Google sont particulièrement forts et brillants. Je n'ai donc aucun doute sur leur capacité à gérer ces problématiques complexes sur le long terme.

Cela dit, l'un de nos premiers débats, à Londres, portera justement sur les risques et potentiels de l'intelligence artificielle. Il me semble que les marques ne réalisent pas encore à quel point les processus créatifs purement humains vont pouvoir être mis en valeur, enrichis, par l'intelligence artificielle. Les marques et les agences n'ont jamais eu autant de possibilités pour connaître précisément leur public.

Quelles sont les marques les plus créatives à l'heure actuelle ?

Les dernières campagnes de Nike et Uniqlo ont été formidables. Je suis aussi particulièrement sensible aux marques qui placent le développement durable parmi les priorités. De plus en plus, les marques qui mettront l'humain au premier plan sauront tirer leur épingle du jeu. Je pense notamment à Unilever, qui a su comprendre ce qui comptait vraiment pour ses clients, au-delà de la consommation. Les marques doivent aller au-delà du flash et de la célébrité et s'intéresser aux thèmes qui ont vraiment de l'importance.



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