GAFA
L’Union européenne a lancé une offensive afin de taxer de manière plus efficace les géants du net. Alors que Facebook est dans la tourmente, les discussions s’annoncent animées.

L'UE a déclenché mercredi une offensive pour mieux taxer les géants du net, dont Facebook, éclaboussé par un scandale sur la protection des données, sur fond de menace de guerre commerciale avec les Etats-Unis. Ce projet de la Commission européenne a été présenté dans un contexte déjà tendu entre les Etats-Unis et les Européens, au bord d'une guerre de l'acier. « Nos règles mises en place avant l'existence d'internet ne permettent pas (...) d'imposer les entreprises numériques opérant en Europe », a martelé le Commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici, dénonçant un « trou noir » fiscal « qui s'agrandit toujours plus », lors d'une conférence de presse à Bruxelles.

Dossier défendu par le président français Emmanuel Macron, la taxation des géants du numérique sera au menu d'un dîner de travail jeudi lors d'un sommet européen à Bruxelles. Une telle taxe pourrait être affectée au budget européen et lui rapporter « la moitié du besoin de financement » provoqué par le départ du Royaume-Uni, a estimé M. Macron mercredi soir depuis La Haye. A plusieurs reprises, M. Moscovici a insisté sur le fait que ces propositions ne visaient pas en priorité des entreprises américaines. « Ce n'est ni une taxe contre les GAFA (acronyme pour Google, Apple, Facebook, Amazon), ni une taxe anti-américaine », a-t-il répété. Et d'ajouter qu'il avait « écrit » puis « expliqué de vive voix » au secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin.



Discussion vigoureuse

Il n'empêche, un haut diplomate européen soulignait mercredi à Bruxelles, sous couvert d'anonymat, que le fait que les plus grandes entreprises du net étaient américaines ne facilitait guère le dialogue dans le contexte d'un potentiel conflit commercial. « Est-ce vraiment judicieux d'adopter une mesure à 28 qui nous vaudra un différend avec les Etats-Unis alors qu'on parle de la taxation des géants du numérique à l'OCDE ? », s'interrogeait un autre diplomate européen mercredi, prédisant une « discussion animée et vigoureuse » jeudi soir. 

Vendredi dernier, le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin avait déjà mis en garde les Européens: « Les Etats-Unis s'opposent fermement aux propositions de quelque pays que ce soit de cibler les compagnies numériques » par une taxation spéciale. Dans un communiqué commun, cinq poids lourds de l'Union -- la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni -- ont « salué les propositions de la Commission européenne ». En l'absence de consensus international, « nous devons avancer au niveau de l'Unions européenne », ont-ils déclaré. Dans un premier temps, l'exécutif européen préconise de taxer à 3 % les revenus (et non les bénéfices comme le veut l'usage) générés par l'exploitation d'activités numériques. Cette taxe ne visera que les groupes dont le chiffre d'affaires annuel mondial s'élève à plus de 750 millions d'euros et dont les revenus dans l'UE excèdent 50 millions d'euros.



Facebook en difficulté

Dans le collimateur de la Commission: les recettes publicitaires des groupes tirées des données de leurs utilisateurs -- le modèle de Facebook, Google ou Twitter -- ou les revenus provenant de la mise en relation d'internautes pour un service donné -- celui d'Airbnb ou Uber, par exemple. Même si l'initiative de la Commission n'est aucunement liée au scandale de Cambridge Analytica, elle survient au moment où Facebook est au cœur d'une tourmente mondiale depuis que cette société a été accusée d'avoir illégalement acquis les données de 50 millions d'utilisateurs du réseau social. Outre cette mesure « ciblée » de taxation du chiffre d'affaires des entreprises numériques, M. Moscovici a proposé une réforme de fond des règles relatives à l'imposition des sociétés, qui prendrait le relais de la première proposition de « court terme ». Cette proposition permettrait aux pays de l'UE de taxer les bénéfices qui sont réalisés sur leur territoire, même si une entreprise n'y est pas présente physiquement. Il s'agit d'établir un standard européen définissant la présence numérique des sociétés, pour mieux les imposer, à l'aide de trois critères: les revenus, le nombre d'utilisateurs et les contrats -publicitaires par exemple- signés avec une autre entreprise.

Reste à savoir si les grands pays de l'UE parviendront à convaincre les plus petits Etats tels que l'Irlande, les Pays-Bas, le Luxembourg, accusés de tirer profit de leur fiscalité avantageuse vis-à-vis des entreprises. Dans l'Union en effet, toute réforme sur la fiscalité requiert l'unanimité. L'Irlande comme le Luxembourg ont déjà donné de la voix mercredi, en faisant savoir qu'ils étaient en faveur d'une solution commune avec les Etats-Unis. Quant aux principaux intéressés, les entreprises concernées, elles ont fustigé une taxe « discriminatoire et néfaste à l'économie numérique européenne », selon CCIA, un lobby des GAFA, dans un communiqué publié à Bruxelles.

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