Com de crise
Le patron a été mis en examen pour les conditions d’attribution de ports en Guinée et au Togo. Il a répliqué par une tribune dans le JDD où il dénonçait la vision d’une « terre de non gouvernance, voire de corruption ». A-t-il bien fait ?

Une mise en examen pour « corruption d’agent public étranger », « complicité d’abus de confiance », « faux et usage de faux »… Outre sa perte de contrôle de Telecom Italia, Vincent Bolloré était ces dernières semaines sur le banc des accusés. Les juges Serge Tournaire et Aude Buresi soupçonnent l’industriel d’avoir utilisé sa filiale Havas pour assurer illégalement des « campagnes politiques contre concessions portuaires » en faveur des présidents Faure Gnassingbé et Alpha Condé, décisionnaires sur la gestion des ports de Lomé (Togo) et Conakry (Guinée).

« Tintamarre médiatique »

Même si le PDG d’Havas Worldwide, Stéphane Fouks, a déclaré le 13 février devant l’Association des journalistes médias que « Bolloré avait déjà le port de Conakry quand on a décidé, en toute indépendance, de soutenir l’opposant Alpha Condé », l’industriel, qui compte 26 000 salariés en Afrique, peine à faire entendre sa cause. Il a choisi pour se défendre de signer dans le Journal du dimanche une tribune intitulée Faut-il abandonner l’Afrique ? où il fustige le mépris manifesté pour un continent « dirigé par des équipes sans foi ni loi ». Et écrit à ses salariés pour dénoncer un « tintamarre médiatique ». Reste la question de fond : Bolloré a-t-il su trouver les armes pour répliquer à ses détracteurs et regagner la confiance ?

« Bolloré a choisi d'être, dans le JDD, son propre avocat »

Jean-Christophe Alquier, PDG Alquier Communication

« Il est rarissime qu’un patron mis en examen ait recours pour se défendre, non pas au silence, ni à l’interview, mais à une tribune. Bolloré a choisi d’être, dans le JDD, son propre avocat. Cela ne se prête pas du tout à la contradiction, ce qui est dans la droite ligne des procès intentés aux journalistes qui s’intéressent à ses affaires africaines. Sur le fond, l’argumentation qui consiste à dire qu’une prestation de communication d’une centaine de milliers d’euros ne pèse pas grand-chose face des concessions portuaires de plusieurs dizaines de millions annuels est surprenante car ce n’est pas la valeur de la prestation qui compte mais la prestation elle-même et le renvoi d’ascenseur. Quant au fait que cette accusation attesterait d’un mépris de l’Afrique, la polémique autour des remises de GL Events sur la campagne de Macron atteste du contraire. »

 

« Les effets de réputation seront très faibles pour le groupe et ses marques »

Robert Zarader, président d’Equancy&Co

« Attention, ces affaires datent de plusieurs années. Rien n’est vraiment nouveau. Selon moi, le public n’est pas surpris. Il pense – souvent à tort – qu’il y a encore beaucoup de pratiques faites de liens particuliers entre de grands groupes et les pouvoirs en place, en Afrique. Pour les gens, tout le monde fait pareil. Il y a une acceptabilité sociétale qui s’est installée sur ces questions. On peut le déplorer, mais il faut, hélas, partir du réel, donc les effets de réputation seront, selon moi, très faibles, pour le groupe et ses marques. D’autre part, la presse reproche beaucoup à Vincent Bolloré sa personnalité, d’où cette surmédiatisation. Mais sa réaction dans le JDD a été pour moi pertinente. Elle traitait du fond de l’affaire, et rien d'autre. »

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.