E-commerce
Depuis moins de quatre ans, nouveaux usages obligent, les entreprises font cas du sujet de la livraison. Et pour la première fois, les spécialistes de la logistique s’invitent à la table des stratèges marketing pour réinventer un acte plus serviciel.

En mars dernier, une étude OpinionWay pour Sprint Project et GS1 révélait que plus d’un Français sur deux commandait au moins une fois par mois sur internet. Cette évolution s’accompagne d’une petite révolution, celle du dernier kilomètre logistique. Car, comme le souligne Xavier Mallet, directeur général de La Poste-Colissimo, leader sur le marché, qui dit croissance de l’e-commerce dit explosion des volumes d’envoi: «Pour la première fois en 2017, avec 470 millions de colis, le marché B to C est devenu plus important en volume que le marché B to B.» Et pour l’expert, cela change véritablement la donne: «Au-delà du transport, l’enjeu réside désormais dans le fait de recréer une expérience consommateur aussi fluide que celle en magasin.» La livraison, longtemps négligée, revient donc en force pour combler une attente que Bertrand Pineau, responsable veille, innovation et développement de la Fevad, juge forte: «La livraison remonte très haut dans les exigences, avec une expérience Amazon qui dicte le tempo. La logistique doit de fait fonctionner parfaitement et devient un argument marketing important .» Qui, toujours selon la même étude OpinionWay, arrive d’ailleurs en deuxième position comme critère de choix d’un site et peut être motif d’abandon de panier pour 82% des acheteurs. 

Un effet direct sur les ventes

Bien traitée, cette étape aurait en revanche une influence dans le processus de vente retail, comme l’explique Rémi Lengaigne, fondateur de Colis-web, start-up qui couvre 3500 villes en livraison rapide: «La livraison peut augmenter la fréquence d’achat ou accroître le panier moyen par la promesse d’une gratuité à l’atteinte d’un certain seuil. Et quand, pour la période de Noël, nous permettons à nos clients de prendre des commandes jusqu’au jour J à 17 heures, elle augmente considérablement le chiffre d’affaires.» 

Dès lors, le sujet s’impose à tous dans le travail de la relation client. Mais son attractivité ne s’acquiert pas en misant sur le livreur lui-même, sauf à payer le prix fort d’un service permettant d’avoir la maîtrie d’une équipe

dédiée. Pour le reste, comme l’explique Magali Revol, partenaire associée dans le cabinet de conseil en organisation et systèmes d’information Oresys, «les équipes sous-traitantes ne peuvent pas incarner une marque au-delà des exigences de courtoisie de rigueur. Leur premier objectif reste la bonne gestion de l’acte de livraison, ce qui, dans le contexte d’immédiateté ambiant, est déjà très challengeant.»

D’autres éléments, en revanche, peuvent devenir prétextes à expérience: déballage, reprise des emballages, explications, sans oublier en amont la prise de rendez-vous et la flexibilité horaire. Monoprix, enseigne axée sur la proximité, ne déroge évidemment pas à cette philosophie. «Nous cherchons à accompagner un nouveau consommateur qui achète à tout moment et à tout endroit, quelle que soit sa façon de consommer», explique Philippe Sok, directeur innovation client multicanal de la marque. Pour ce faire, plusieurs offres: Shop & Go, qui permet de laisser son caddie en magasin pour récupérer ses courses emballées chez soi; Shop 1h, qui propose une livraison piétonne en moins d’une heure aux clients vivant à moins de 500 mètres du magasin; ou encore Shop & Give, qui reprend piles, ampoules usagées ou fruits et légumes pour en faire don à une association. Autre forte tendance pour fidéliser son client: la capacité à traiter les retours. Dernier exemple en date, celui du site de prêt-à-porter Zalando, qui propose d’envoyer différentes tailles pour ne facturer que l’article conservé. 

Dans des modes de vie dominés par la vitesse, les délais de livraison comptent

évidemment. Néanmoins, pour Virginie Ducrot, présidente de Boxtal, société de livraison multi-transporteurs à destination des e-commerçants et PME, ce n’est pas le point essentiel: «Le consommateur sait encore attendre ses colis. Il peut patienter s’il est correctement informé. Ce qui est fondamental aujourd’hui, c’est plutôt la précision et la transparence.» Une priorité confirmée par Jerôme Libeskind, fondateur de la société de conseil en logistique Logicités: «Les transporteurs véhiculent actuellement autant d’informations que de marchandises, souligne-t-il. On va progressivement généraliser des systèmes applicatifs qui permettent de changer le lieu, la date et l’horaire. La data deviendra alors fondamentale.»

Répondre à toutes les situations

Pour Gregory Bounatian, directeur commercial et marketing de DHL Express France, qui propose déjà ce système via son offre On Demand Delivery, le nouveau modèle de livraison reste étroitement corrélé aux modes de vie: «Avec le smartphone, le consommateur devient mobile. Nous devons nous adapter à ses nouveaux parcours et être créatifs pour atteindre systématiquement l’endroit où il se trouve.» Click & collect, point relais, voisins, gardiens: le panel d’options reste le plus large possible pour répondre à toutes les situations. Jusqu’à imaginer des solutions collaboratives, comme You2You, application qui, comme l’explique son directeur général Pierre-Emmanuel Jan, « propose aux transporteurs et commerçants de capitaliser sur les trajets d’une communauté de 40000 particuliers pour livrer le colis sur le dernier kilomètre, en permettant au client final de se faire livrer dans un créneau d’une heure».

Redynamisé, le champ des possibles du domaine de la supply chain crée une émulation inédite, où de nouveaux entrants à l’ADN 100% techno jouent des coudes pour se faire une place. Preuve d’un potentiel important, Amazon monte son propre réseau. Mais rien n’est acquis pourtant, tant les prochains défis du métier se révèlent complexes. Parmi eux, le fait d’absorber des flux grandissants sans rupture, en y intégrant l’explosion de l’international dans un paysage urbain totalement saturé. Flottes propres et technologies y aideront sûrement. Sur ce dernier sujet d’ailleurs, les perspectives ne manquent pas : drones, dirigeables, navettes autonomes, serrures intelligentes… Tout reste à inventer. 

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