Jouet
On ne compte plus les contes dont les héros sont des enfants qui ont pour mission de retrouver la magie de Noël. Cette fois, c’est du réel mais les héros sont la Fédération française des industries du jouet et DDB Blackbird…

Jeté à la hâte dans un charriot sur la pile de courses de la semaine, on imagine un petit ours en peluche le regard hébété, bientôt bringuebalé jusqu’à la douchette d’une caisse automatique, qui lui donnera son prix. En moyenne, 22 euros. C’est ce que dépense un Français pour un jouet. Au-delà de 40, «c’est trop cher». Le problème du jouet est cerné: la banalisation. «L’expérience de consommation est dégradée, le jouet est devenu une marchandise comme les autres et a des difficultés à attirer le consommateur en magasin en dehors du prix», déplore Florent Leroux, président de la Fédération française des industries jouets-puériculture [FJP]. Après quatre années de croissance continue, le secteur a marqué le pas en 2017 en raison d’effets conjugués: concurrence de l’e-commerce, choisi essentiellement pour son côté fonctionnel (67% d’intention d’achat devant tous les autres canaux), manque d’adaptation des distributeurs spécialisés comme La Grande Récré et Toys’R’Us – repris in extremis par Jellej Jouets –, niveau publicitaire de la catégorie perçu comme plutôt bas car axé sur les démos produits «à faible valeur ajoutée émotionnelle»… Bref, alors que la fédération et ses 75 fabricants adhérents attendaient une hausse des ventes de 2% sur un an, on assiste plutôt à un repli de 0,8%, à 3,4 milliards d’euros, selon NPD. En 2018? Bis repetita. Alors, pour aider à redorer le blason du secteur, après 15 ans sans action majeure, la FJP a décidé de relancer une grande campagne de communication nationale. Les moyens sont peut-être chiches – entre 100 et 150 000 euros selon nos informations, hors achat médias – mais le plan de reconquête a été soigneusement orchestré.

Allumage des zygomatiques

Pour relever le défi, la FJP a missionné DDB Blackbird. L’agence spécialisée dans la communication des petites entreprises l’a emporté en compétition face à Havas Digital Factory et Les Envahisseurs. Pour Florent Leroux, l’agence «a bien compris le brief et l’importance de l’émotion qu’il faut faire passer». Alors que la plupart des campagnes s’adressent aux enfants, cette fois, on parle aux parents. Les démonstrations de figurines ou de jeux de société laissent place au moment où l’enfant ouvre son cadeau et découvre l’objet (a priori) désiré. À cet instant, les yeux brillent, les zygomatiques se contractent et le visage s’illumine. C’est cet instant que l’agence a capturé et va diffuser en print, digital mais aussi en TV (15 et 45 secondes) à compter du 15 novembre, sur TF1 et le réseau Lagardère. «L’important était de recharger émotionnellement le jouet alors que toutes les marques s’attribuent la magie de Noël, que ce soient les voyagistes ou la restauration», souligne Pierre Beffa, directeur général de DDB Blackbird. « Notre point d’appui est le potentiel d’engagement du jouet, supérieur aux autres biens de consommation car il est lié à un moment clé de la famille et il active le lien intergénérationnel. D’ailleurs, certains jouets deviennent les icônes [Télécran, Furby…] d’une génération», poursuit le patron de DDB Blackbird. Le film raconte que «lorsqu’on offre un jouet, on offre bien plus». Derrière l’objet, il y a «une preuve d’amour, un moyen de développer l’imaginaire, d’apprendre de nouvelles choses, de se socialiser et de s’affirmer», liste Pierre Beffa. Comme l’affirme la psychologue Sophie Marinopoulos, auteure de Dites-moi à quoi il joue, je vous dirai comment il va (Marabout, 2013) au Figaro Santé, «quand un enfant joue, c’est sérieux». Le hic, c'est que le jouet est concurrencé par les écrans, qui captent 3,6 heures par jour en moyenne entre 8 et 11 ans, selon une étude de 2017 de l’université d’Ottawa.

LOL Surprise

Après avoir clamé «Le jouet c’est la vie» durant des années, la Fédération dit « Merci les jouets ». La formule générique sert de point de départ pour la campagne d’affichage et ses déclinaisons: «Merci de faire grandir nos enfants sans rétrécir leurs rêves», ou « Merci de donner des souvenir à nos enfants et de nous rappeler les nôtres ». Pierre Beffa rappelle l’importance d’avoir su pondérer le propos. «Il ne fallait pas mettre de tension qui aurait pu induire de la culpabilité, cela aurait été perçu comme trop commerçant. Et puis dans la mémoire collective, les jouets qu’on a aimés ne sont pas toujours les plus solides, sans parler du fameux doudou qui n’est qu’un bout de chiffon!» Qualifié par Florent Leroux de «marché d’offre», le secteur du jouet reste très dépendant des actualités, notamment des licences. Si Lego s’est relevé de la crise dans les années 2000, c’est bien grâce à l’exploitation des griffes Star Wars ou Harry Potter. Le président de la FJP, aussi directeur général de Ravensburger, observe que «la façon de jouer change avec le numérique, mais l’intérêt pour les jeux traditionnels, y compris les Playmobil ou le Cluedo, est toujours présent». Dans les tendances 2018, présentées le 12 septembre au Carrousel du Louvre à Paris, les Polly Pocket de Mattel signaient leur grand retour et le Monopoly revenait avec une approche inédite, en «version tricheur». Ces vieux de la vieille ferrailleront avec LOL Surprise, ces mini poupées enfermées dans une boule à déballer qui font fureur, ou les robots en plastique Ready2Robot. Avec tout ça, nul doute que les enfants sont déjà dans les starting-blocks pour Noël 2018, eux qui sont capables d’identifier une marque dès 6 ans, d’être prescripteur à 7 et savent reconnaître une publicité à 8 ans. Cette année, ils ont de la chance, la FJP les aidera à convaincre le père Noël.

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