Dossier Relation client
E-mail, chat, messagerie, réseaux sociaux… En moins de quatre ans, la digitalisation a remis au goût du jour les écrits dans nos relations, et ce, alors même que notre niveau de français baisse inexorablement. Un paradoxe impossible pour les métiers de la relation client.

Tous des cancres, ou presque. C’est ce que révèle une dictée témoin de 67 mots, réalisée par l’Éducation nationale depuis 1987 sur une sélection de classes de CM2. En trente ans, le nombre de fautes y a augmenté de 66%. Pour Michael Hiroux, président d'Orthodidacte, plateforme d'amélioration des écrits professionnels, c’est un comble dans une société qui n’a jamais autant utilisé l’écrit. «Quand les exigences scolaires autour de l’orthographe se relâchent, les conséquences s’observent plus tard en entreprise. 30% des CV rejetés aujourd’hui contiennent déjà au moins une faute significative, et, dans le seul domaine de la relation client, 76% des conseillers avouent avoir des difficultés à rédiger», note-t-il.

Une marque de respect

Cet état des lieux est malheureusement confirmé par le dernier baromètre Qualiweb, réalisé par la société spécialisée en relation client Cocedal. L’étude établit que 64% des e-mails émanant de services client comportent une faute, alors même que 97% des clients se déclarent sensibles à la qualité de la rédaction et à l’absence de fautes, considérée comme une marque de respect. Pour Jeanne Bordeau, directrice de l’Institut de la qualité de l’expression, cette revendication est légitime : «L’orthographe reste un mode de transfert symbolique qui signe un savoir-faire. Comment prétendre au professionnalisme et à l’expertise lorsque l’on fait des fautes ? Dans un monde où chacun revendique de l’attention, les négligences écrites expriment justement un manque d’attention.»

Pour y remédier, les entreprises peuvent être tentées de positionner leurs meilleurs éléments sur les réseaux sociaux afin de manier avec talent la langue de Molière en temps réel. D'autres investissent, à l’image par exemple du groupe LDLC, enseigne d'e-commerce informatique. Pour atteindre le zéro faute, celle-ci fait cas du sujet dès le processus de recrutement. «L’orthographe représente pour nous une véritable opportunité de se différencier, nous sommes donc très exigeants, explique Christophe Begue, directeur de la relation client. Nous ne recevons qu’un candidat pour 40 CV, et sur ce très petit vivier, nous rejetons encore quatre candidatures sur cinq après les épreuves d’orthographe.»

IA vs champions d'orthographe

Les nouvelles recrues sont ensuite accompagnées par des parcours de formation individualisés et certifiants. Sage démarche lorsque l’on sait que, pour une fois, l’intelligence artificielle (IA) ne pourra rien résoudre à notre place. «L’IA ne saura pas battre les champions d’orthographe avant une dizaine d’années, et le jour où elle le fera, elle ne pourra toujours pas suppléer au rôle sociétal de l’orthographe, pour ce qu’il apporte à la construction des raisonnements et à la pérennisation d’un écosystème culturel et créatif vital à notre monde», rappelle Michael Hiroux.

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