Dossier Relation client à l'heure des réseaux sociaux
Loin d’avoir supplanté les canaux traditionnels de la relation client, les réseaux sociaux ont plutôt fragmenté les points de contact permettant d’interagir avec des consommateurs zappeurs. Pour les marques, la maîtrise de l’omnicanalité devient essentielle.

91% des entreprises peuvent être contactées par mail, par téléphone ou sur les réseaux sociaux. Le chiffre, issu du dernier baromètre Qualiweb, réalisé par la société de conseil en relation client Cocedal, confirme sans surprise que la bascule vers les réseaux sociaux a bien été opérée. En termes d'usage en revanche, ils n'arrivent qu’en quatrième position, loin derrière l’e-mail, le téléphone et le point de vente. Les millennials eux-mêmes ne les utiliseraient qu’une fois sur deux pour interagir avec les marques. Sur le terrain, le constat est le même. Chez l’e-commerçant LDLC par exemple, les chiffres ne décollent pas. « Les sollicitations sur Twitter et Facebook représentent 3 % du volume annuel de nos demandes. A-t-on affaire à un nouveau besoin ou à un simple déport ? Difficile à dire », relate Christophe Begue, directeur de la relation client.

Les réseaux sociaux ne seraient donc ni plus ni moins que des moyens additionnels avec lesquels le consommateur compose à sa guise pour interagir. Dès lors, le plus grand défi des entreprises n’est pas tant de surperformer sur ces canaux que de travailler leur disponibilité sans rupture sur l’ensemble de la chaîne. Pour Carole Sasson, fondatrice de Cocedal, l’omnicanalité devient le maître-mot : « Il existe une corrélation entre la qualité de la gestion des réseaux sociaux et la performance globale de l’entreprise dans sa relation client. Si les premiers sont ignorés ou débordent, c’est souvent que la seconde est mal gérée dans son ensemble. »

Réagir vite 

De manière générale, les entreprises sont-elles à niveau ? Pour Eric Dadian, président de l’Association française de la relation client, la réponse reste mitigée : « Elles ne se sont pas toutes emparées du sujet, car, si elles ont bien des community managers pour gérer les flux, certaines n’ont pas encore la réactivité nécessaire pour administrer cette fragmentation nouvelle avec rapidité et cohérence. » 

Pour les plus à la traîne, l’addition grimpe vite. D’abord en termes d’image, car une réclamation sur les réseaux sociaux est faite pour être vue par les autres clients. « Le plus souvent, le client utilise d’abord les canaux traditionnels pour faire remonter sa réclamation. En cas de non-réponse, les réseaux sociaux sont le dernier recours pour se faire entendre haut et fort », rappelle Carole Sasson. L’engorgement constitue la seconde menace, puisque, comme le souligne l’experte, « sans réponse sous 24 heures, 73 % des clients passent sur un autre canal. Pour une réponse insatisfaisante, c’est 77 %. Autant de demandes supplémentaires à traiter. »

Être partout à la fois

Le secret réside donc dans l’art d’être partout à la fois, chaque consommateur ayant son réseau de prédilection. Facebook reste bien sûr la plateforme la plus populaire : 48 % des clients disent y avoir déjà publié un message négatif envers une marque, selon Qualiweb. Depuis 2014, le réseau social offre de surcroît un équilibre idéal entre conversations publiques et privées, grâce à l’ouverture de Messenger aux marques. Pour Marc-Alban Ponthieu, product manager pour la messagerie instantanée de Facebook, cette fluidité nouvelle apporte beaucoup : « Déplacer ses conversations en MP permet d’être plus rapide et de personnaliser sa relation avec le consommateur. Autre atout, l’échange est asynchrone, c’est-à-dire qu’il perdure, peut être repris quand on veut, au stade où on l’a laissé. Cette promesse de fluidité contraste avec les multiples interlocuteurs d’un centre d’appel. »

Twitter défend, lui, sans rougir, son territoire spécifique élitiste, urbain et CSP+, ce qui le rend unique dans sa capacité à entrer facilement en contact avec des dirigeants, sensibles en ce lieu aux petits tracas de leurs consommateurs. Dernier exemple en date, Nathalie Balla, présidente de La Redoute, qui n’a pas hésité à répondre en direct à une réclamation colis pour trouver une solution. Moins développés, WhatsApp et Instagram pourraient bientôt enrichir cette palette déjà large. D’ailleurs, Air France estime que sa présence sur le jeune WhatsApp Business rencontre un succès supérieur à celui de Messenger en termes de sollicitations clients. Le très branché « Insta » demeure, lui, plutôt privilégié par des marques mode et beauté, comme L’Occitane ou Everlane, qui y présentent surtout leurs produits et renseignent leur communauté.

Sur les réseaux sociaux, plusieurs règles s’imposent en matière de relation client. La première est d’agir vite. « Les consommateurs sont intolérants à toute attente, ils demandent aux marques de répondre dans les 24 heures. Le vrai dilemme va être de réussir à concilier la vitesse des réseaux sociaux avec celle d’exécution dans la vie réelle », estime Sébastien Houdusse, directeur général adjoint de l’agence BETC Digital. Certaines marques y parviennent presque : le groupe LDLC s’impose un délai de réponse dans l’heure, quand la SNCF réagit aux interpellations sur Twitter en moins de 10 minutes. La Société Générale, elle, s’engage à répondre à toutes les demandes en moins de 30 minutes. Qui dit mieux ?

Ne rien supprimer

Autre fondamental, celui de la cohérence. Le baromètre Qualiweb relève que sur une même réclamation mystère, seules 55 % des entreprises fournissent une réponse similaire sur l’ensemble des canaux. Enfin, pas de relation performante sans transparence, ce qui implique, comme le rappelle Carole Sasson, d’ouvrir ses pages aux commentaires, de répondre à tous et surtout de ne rien supprimer. « Une personne sur deux qui a posté sur les réseaux sociaux en 2017 a vu son message supprimé », regrette-t-elle. Pour Romain Boyer, responsable grands comptes chez Twitter, « transparence veut aussi dire prendre la peine d’écouter et de répondre à tous. Cette posture, qui évite de laisser des traces négatives, peut aussi être vertueuse pour les détracteurs en inversant souvent leur comportement. »

Pour les entreprises, ces nouvelles manières de travailler nécessitent dès aujourd’hui une réorganisation substantielle ainsi qu’une montée en compétences des métiers de la relation client. Community managers et conseillers doivent désormais travailler main dans la main, avec un niveau challengé, puisqu’ils engagent désormais les marques en public. Le décloisonnement ira d’ailleurs bien au-delà, avec, pour Eric Dadian, « un métier de conseiller client qui sera réinventé et augmenté par d’autres savoir-faire : superviseurs ou copywriters de bots, scénaristes de marques, designers de conversation… » Pour le spécialiste, « d’autres canaux émergeront, les flux se densifieront, distançant davantage encore les entreprises qui n’auront pas traité le sujet. Et qui pourraient de fait disparaître. »

L’autre visage de la relation client sur les réseaux sociaux

Réclamation, renseignement, problème technique, info pratique… La relation client a longtemps été cantonnée à la dimension opérationnelle du seul besoin consommateur. Mais réinventée par l’interaction conversationnelle et l’instantanéité des réseaux sociaux, elle est désormais de plus en plus sollicitée pour aider les marketeurs et les communicants à nourrir leur stratégie. « De plus de marques intègrent dans leur propre storytelling des commentaires de leurs clients. C’est une manière de montrer son attention et sa capacité d’écoute », observe Laure Frémicourt, directrice du planning stratégique de l’agence Disko. Pionnière de cette tendance, la it brand new-yorkaise Glossier, qui met constamment sa communauté à contribution pour faire vivre son ADN : recrutement de beta-testers, mise en avant des routines des consommatrices, partage de techniques beauté entre followers, tout est fait pour encourager l’interaction des clientes. Autre style, Leroy Merlin, qui n’hésite pas à partager les photos de ses clients pour valoriser ses produits en situation. A la SNCF, le hashtag AlloSimone permet à l'entreprise de remonter les anomalies sur le terrain pour mieux les corriger et informer les usagers. Certaines marques vont même jusqu’à faire valider leurs projets de création de produits à leur communauté. C'est le cas de Heinz, qui a soumis au vote des twittos la création d’une nouvelle sauce, mélange de mayonnaise et de ketchup.

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