Enjeux
RGPD, data, brand safety, visibilité, mesure d’audience: les sujets qui ont agité le marché de l’e-publicité cette année sont nombreux. Alison Fennah, executive business advisor pour l’IAB Europe, revient sur ces défis que devra relever le secteur dans un futur proche.

Après cinq années de croissance exponentielle, comment se porte le marché européen du programmatique ?

Alison Fennah. Le European Programmatic Market Sizing Report, que vient de publier l’IAB Europe, révèle un marché toujours haussier avec une automatisation publicitaire qui devient le mode transactionnel de référence. Deux tiers du display sont désormais achetés en programmatique et 90 % des annonceurs, agences et éditeurs pensent que leur part de programmatique va continuer à augmenter durant les douze prochains mois.

Ce constat vaut-il pour tous les pays de l’Union européenne ?

Il existe bien sûr des disparités. L’Europe de l’Ouest, tirée par l’Angleterre et la France, pèse 10,8 milliards de dollars en investissement programmatique, contre seulement 1,2 milliard pour l’Europe centrale et l’Europe de l’Est. Mais des marchés émergents tels que la Pologne et la Russie sont à surveiller.

Quelles sont les tendances notables pour l’année qui vient de s’écouler ?

Les stratégies transactionnelles changent, avec une percée significative du programmatique direct et des places de marché privées. Ces nouveaux modes permettent aux acteurs de mieux contrôler leurs ventes et leurs achats, que ce soit en volume ou en prix, mais aussi aux annonceurs de maîtriser leur marque. Autre phénomène corrélé à ce besoin de contrôle, 38 % des annonceurs internalisent au moins une partie de leur activité programmatique et 43 % y réfléchissent sérieusement.

Comment évolue la pénétration du programmatique par canaux en Europe ?

La plus grande explosion concerne évidemment la vidéo, puisqu’en cinq ans les investissements sont passés de 236 millions d’euros à plus de 1,3 milliard. Qui plus est, ce média représente aujourd’hui un tiers des dépenses publicitaires programmatiques. Il existe pourtant encore une grande marge de contenus pouvant être digitalisés, notamment avec le sujet en devenir de la télévision. La progression du média affichage doit également être soulignée. En Angleterre, nous avons déjà une place de marché dédiée à ce média.

À l’heure des grandes promesses du vocal, qu’en est-il de l’audio ?

En audio, la progression est là. Mais le sujet de la voix est une toute nouvelle technologie que le consommateur commence à peine à tester. Il est encore trop tôt pour en mesurer les conséquences.

Quels sont les prochains défis que l’industrie devra relever ?

J’ai avant tout envie de parler de confiance. Mais l’écosystème doit pour cela être à la fois plus conscient et plus transparent. 35 % des annonceurs et 56 % des agences déclarent d’ailleurs que ce manque de transparence est un obstacle à leur investissement. Mais dans une profession où les tests de nouvelles solutions sont quotidiens, on doit soi-même porter une attention particulière à ce qu’on achète ou ce qu’on vend.

Cela veut-il dire que le marché se doit d’être plus curieux ?

Se poser toutes les questions nécessaires fait partie des solutions. Cela rejoint du reste un autre gros enjeu du marché qui est celui du recrutement et de la formation des talents, craintes également identifiées dans notre étude. L’humain est au cœur. Sans son input, la croissance du programmatique pourrait ralentir, notamment sur les marchés émergents.

Sur un plan plus opérationnel, quels sont les grands chantiers pour l’année à venir ?

Le RGPD, la data, la brand safety, la visibilité et la mesure d’audience sont de véritables sujets sur lesquels l’IAB Europe avance. Sur la fraude par exemple, notre nouvelle solution Ads.cert permet de progresser sur la traçabilité des inventaires grâce à la création d’une clé cryptée qui certifie l’éditeur. 

Concernant la notion de transparence, l’organisation finalise la création du Transparency Guide, pour aider les parties prenantes à mieux détecter les incohérences sur l’ensemble de la chaîne programmatique et des intermédiaires. Enfin, nous devrons véritablement évoluer sur la mesure des audiences, avec la création de standards plus forts pour redonner confiance. Bien sûr, l’innovation est déjà là sur le plan européen grâce à des acteurs comme Médiamétrie, mais nous devons

continuer en ce sens.

Vos normes de visibilité sont fréquemment jugées insuffisantes par la profession. Pensez-vous prochainement revoir ces standards ?

Nous devrons peut-être challenger ces normes de visibilité. Mais nous voulons d’abord résoudre le problème de la mesure.

La question de la mise en place du Règlement général sur la protection des

données a beaucoup mobilisé ces derniers mois. Quelle est votre analyse ?

On aurait pu croire que le marché allait être à l’heure, force est de constater que n’est pas le cas. Nous sommes confiants sur ce que va pouvoir apporter le Transparency and Consent Framework, solution juridique et technologique que nous avons créée pour permettre aux acteurs de recueillir et gérer les consentements dans le respect du nouveau règlement. 100 000 sites l’utilisent déjà. Nous lancerons dans les semaines qui viennent des extensions qui devraient nous permettre de recruter encore plus d’utilisateurs de ce standard, et renforcer ainsi son poids.

Google rejoindra-t-il aussi bientôt ce Transparency and Consent Framework ? Son absence est remarquée.

Google prépare son adhésion et l’entreprise s’est engagée à garantir

l’interopérabilité de ses produits avec le standard.

Une grande partie de l’écosystème français s’inquiète justement de la situation de dépendance dans laquelle la domination de Facebook et Google plonge le marché. Votre avis sur cette situation de duopole ?

La restauration des valeurs de confiance et de transparence pourra rendre le marché plus sain. Mais ce que nous ferons ensemble pour favoriser l’interopérabilité peut permettre à chacun d’agir à armes égales avec des reachs plus importants. J’ai donc envie d’inciter les pays de l’Union à s’allier les uns aux autres pour aller encore plus loin. Nous devons créer un marché digital européen unique et fort. C’est comme cela que nous parviendrons à innover et à nous faire entendre du reste du monde. 

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