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La cour d'appel de Paris a estimé, jeudi 10 janvier, que le lien qui unissait un ancien chauffeur indépendant à Uber était bien un «contrat de travail». Une première, selon l'avocat du plaignant.

Le lien qui unissait un ancien chauffeur indépendant à la plateforme de réservation en ligne Uber est bien un «contrat de travail», a estimé la cour d'appel de Paris dans un arrêt rendu jeudi 10 janvier, une «première» concernant le géant américain en France.

Dans cette décision, consultée par l'AFP, la cour d'appel estime que le contrat «ayant lié» un ancien chauffeur à «la société de droit néerlandais Uber BV est un contrat de travail». Elle détaille «un faisceau suffisant d'indices» qui caractérise selon elle «le lien de subordination» liant le chauffeur à la plate-forme et renvoie donc le dossier aux prud'hommes, qui s'étaient déclarés incompétents en juin dernier au profit du tribunal de commerce de Paris.

Ce chauffeur avait saisi la justice en juin 2017, deux mois après qu'Uber avait «désactivé son compte», le «privant de la possibilité de recevoir de nouvelles demandes de réservation», rappelle la cour. A l'époque, il lui avait été expliqué que la décision avait été «prise après une étude approfondie de son cas».

Libre choix de l'entrepreneur indépendant

Il s'agit de la «première fois» que la cour d'appel de Paris juge que la relation de travail entre un chauffeur VTC et Uber est un contrat de travail, a souligné Me Fabien Masson, du cabinet BNR, défenseur du plaignant. En décembre 2017, la cour d'appel de Paris avait déjà requalifié le partenariat entre un chauffeur VTC indépendant et la plateforme LeCab en salariat, relevant que l'application «avait le pouvoir de donner des ordres et des directives (au chauffeur), d'en contrôler la bonne exécution».

Dans la décision rendue jeudi, la cour explique notamment qu'«une condition essentielle de l'entreprise individuelle indépendante est le libre choix que son auteur fait de la créer (...), la maîtrise de l'organisation de ses tâches, sa recherche de clientèle et de fournisseurs». Elle rappelle que le conducteur s'est engagé auprès d'Uber en signant un «formulaire d'enregistrement de partenariat», mais aussi en obtenant «sa carte professionnelle de conducteur de voiture de transport avec chauffeur» et en s'inscrivant «au registre Sirene, en tant qu'indépendant». Or, le plaignant n'a pu se «constituer aucune clientèle propre», possibilité interdite par Uber, et ne fixait «pas librement ses tarifs ni les conditions d'exercice de sa prestation de transport», relève la cour.

«Contrôle» exercé sur le chauffeur

En outre, argumente-t-elle, Uber exerçait bien un «contrôle» sur lui puisque «au bout de trois refus de sollicitations, (le chauffeur reçoit) le message: Êtes-vous encore là ?». Si un chauffeur décide de se déconnecter, la plate-forme «se réserve le droit de désactiver ou autrement restreindre l'accès ou l'utilisation» de l'application. Cette pratique a «pour effet d'inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et, ainsi, à se tenir constamment, pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV, sans pouvoir réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui leur convient ou non», détaille la cour.

A ce titre, elle rappelle que le fait de choisir les horaires et jours de connexion «n'exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors qu'il est démontré que lorsqu'un chauffeur se connecte (...) il intègre un service organisé par la société Uber BV, qui lui donne des directives, en contrôle l'exécution et exerce un pouvoir de sanction à son endroit».

La Cour de cassation a établi fin novembre pour la première fois un lien de subordination entre la défunte société de livraison de repas Take Eat Easy et l'un de ses coursiers à vélo.

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