Technologie
Difficile de ne pas être interpellé par la réussite de la marque chinoise Xiaomi, qui en moins de dix ans s’est hissée au rang de quatrième constructeur de mobiles au monde. Analyse d’une stratégie rondement menée.

Des locaux flambant neufs de 400 m2 dans un immeuble moderne situé à Boulogne-Billancourt avec une vue imprenable sur la Seine : c’est là que la filiale française de Xiaomi s’est récemment installée. Dans l’imposante salle de réunion, la mention « Innovation for everyone », véritable slogan de la marque chinoise, orne le mur en lettres XXL. Innovation et excellent rapport qualité-prix, tels sont en effet les deux principaux atouts de Xiaomi. « Nous sommes en France depuis sept mois. Au début, j’étais seul dans un petit bureau à Issy-les-Moulineaux. Aujourd’hui, notre structure compte 19 personnes et nous poursuivons notre recrutement. Nos ambitions en France sont très importantes », explique Yan Liu, country manager France de Xiaomi. 

Une politique de prix agressive

Véritable institution en Chine où elle est cotée à la Bourse de Hong Kong, la marque était encore inconnue du grand public français il y a peu. Aujourd’hui, elle se place déjà en cinquième position des ventes de smartphones dans l’Hexagone. « Ce succès s’explique en partie par des prix très compétitifs, et cela ne changera jamais. C’est un élément qui nous différencie énormément des autres acteurs », affirme Yan Liu. Là où les autres fabricants margent à près de 30 % sur les smartphones, chez Xiaomi, les gains sur les produits n’excèdent pas les 5 %, assure-t-on. « Pour Lei Jun, le fondateur de Xiaomi, âgé de seulement 49 ans, c’est presque une mission sociale que de rendre les technologies accessibles à tout le monde », précise Yan Liu. Au-delà d’une politique de prix plutôt agressive, la marque a aussi réussi à séduire ses utilisateurs grâce à une stratégie de communication bien affûtée. En parallèle des campagnes d’affichage classiques, notamment dans le métro, Xiaomi a investi les réseaux sociaux et les plateformes digitales.

Et plus récemment, la marque a réussi à faire parler d’elle sans dépenser un centime sur le budget marketing, en installant sa quatrième boutique sur les Champs-Élysées. Après les magasins situés boulevard de Sébastopol, au Forum des Halles et dans le centre commercial Vélizy 2, cette nouvelle implantation en janvier a fait le buzz tant les loyers sont onéreux sur la plus belle avenue du monde. Pour Xiaomi, c’est avant tout un enjeu d’image et de prestige. Mais le développement ne s’arrête pas là : « Notre objectif est d’ouvrir d’autres boutiques en province. Ces espaces, où les consommateurs peuvent prendre en main nos produits, doivent les convaincre que tous les produits Xiaomi sont innovants : stylos, trottinettes, smartphones… et accessibles à des prix imbattables, c’est l’ADN de Xiaomi », souligne Yan Liu. 

Les produits qui performent le mieux ? Le smartphone et les bracelets connectés, suivis de peu par les trottinettes. Démocratiser les produits les plus technologiques, mais aussi faire en sorte que les gens fassent le lien entre les objets pour identifier qu’il s’agit du même fabricant, voilà les enjeux d’avenir pour la marque. 

 

Xiaomi, un ADN hors du commun

Design épuré, stratégie de diversification, partenariats avec des start-up et des distributeurs… Les recettes du succès de Xiaomi répondent à une savante alchimie.

 

 

Le modèle de Xiaomi repose sur une stratégie d’incubateur de start-up », explique Flavien Vottero, directeur d’études économiques et stratégiques au sein du cabinet Xerfi Percepta. La marque chinoise a fait le choix d’identifier les meilleures jeunes pousses dans différents domaines comme les box ou les ampoules connectées. « Celles qui avaient un potentiel ont été financées et vendent leurs produits sous la marque Xiaomi. Elles n’ont pas été absorbées pour autant, car elles continuent de vivre de façon autonome. Il s’agit d’un modèle assez inédit, rendu possible par l’écosystème des start-up chinoises », ajoute l’expert. Xiaomi est à la fois un client et un actionnaire (qui détient entre 30 % et 40 % des parts, par volonté de ne pas être majoritaire et pour continuer d’insuffler l’esprit d’innovation). Il n’en demeure pas moins que l’entreprise garde un œil sur la qualité des produits, ainsi que sur le sacro-saint rapport qualité-prix. 

Une hybridation de stratégies. Le mimétisme avec Apple n’a échappé à personne. « Il y a une forte inspiration au niveau du design et une expérience utilisateur très poussée, mais Xiaomi a choisi une stratégie low cost », explique Flavien Vottero. Selon lui, la démarche de la marque peut aussi être rapprochée de celle de Samsung pour ce qui est de la dimension de diversification : « Si Xiaomi est surtout connue pour ses smartphones, la marque fabrique aussi des produits pour la maison connectée, pour le traitement de l’air intérieur, des robots divers et variés, des trottinettes… »

C’est à partir de 2017 que le groupe chinois entame sa stratégie d’internationalisation, en bâtissant des partenariats avec Amazon ou CDiscount. La marque noue ensuite des alliances avec des opérateurs télécoms, si bien que Free devient l’un de ses plus gros revendeurs. « Ce développement sur la base de partenariats est pour le coup très différent de ce qui se pratique chez Apple, où ce sont les ingénieurs et autres responsables de la marque qui pilotent tout », observe Flavien Vottero. Pour Xiaomi, la concurrence vient certes du géant à la pomme, mais aussi des nouveaux entrants venus d’Asie. Notamment les deux autres acteurs chinois que sont Huawei et Oppo. « Mais ce dernier a une gamme de produits moins étendue et est moins implanté en Europe. Avec 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires, Xiaomi tire très bien son épingle du jeu », conclut le spécialiste.





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