Le billet d'humeur

Quand on en arrive là, cela signifie que le dévoiement est bien amorcé. Que l’engluement définitif dans le grand marais du galvaudage n’est plus qu’une question de mois. L’adjectif « puissant » va-t-il rejoindre le mot « bienveillance » à la casse des termes abâtardis ? Terme phare de l’empowerment (aujourd’hui, on dit plutôt : « empouvoirement »), l’adjectif, qui désignait jusqu’alors plutôt les nantis de ce monde, ceux que l’on retrouve dans les classements Forbes, a connu une nouvelle vie avec la parution, en 2009, du livre de Marie Ndiaye, Trois femmes puissantes. Dès lors - dans la presse féminine surtout - a fleuri l’expression « femme puissante », que l’on parle d’une activiste, d’une autrice ou d’une instagrammeuse. La « femme puissante » venait remplacer les habituels clichés du genre, des urticants « mon meilleur rôle, celui de maman » à la tout-terrain « actrice en état de grâce ». Fort bien. Sauf que dans le dernier Elle - stupeur ! -, on découvre que c’est désormais le denim qui prétend à l’empouvoirement. Le très documenté dossier « Spécial Jean » n’y va pas par quatre chemins : « Baggy, toile délavée, blouson surdimensionné… La mode multiplie les clins d’œil aux années 1990. Retour sur quatre tendances puissantes ». Quatre tendances puissantes. Sur le jean. Soupir. Fatigue. Mais où s’arrêtera l’hyperbolisation galopante de notre société, qui dit si peu de choses avec tant d'emphase ? Talleyrand nous avait pourtant prévenus. « Ce qui est excessif est insignifiant ». Puissant.

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