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Luc Speisser est le président de l’ADC (Association Design Conseil) et président de l’agence Landor Europe. Pour le numéro 100% Design de Stratégies, voici son avis sur les principales actualités du secteur.

Le Salon du Meuble de Milan, du 9 au 14 avril.

J’en retiens deux grosses tendances. La première est l’écologie circulaire qui est évidemment majeure. Elle consiste à tout faire avec des matières recyclées et une empreinte carbone zéro. Elle inclut la notion de régénération : faire du neuf avec du vieux et créer un cycle qui fait que l’on ne jette plus rien. La marque Timberland s’est illustrée en la matière. Elle a travaillé avec le collectif Giò Forma pour donner vie à un avatar de robot afin d’incarner la notion de durabilité et de communiquer sur l’importance de la protection environnementale. Il s’agit d’une sculpture faite avec des bouteilles plastique et autres déchets. Elle incarne, à travers une forme artistique, l’engagement de la marque pour l’économie circulaire. Timberland a recyclé 270 millions de bouteilles pour fabriquer, entre autres, ses chaussures.

La deuxième tendance est le fait de réfléchir à un mobilier bon pour la santé et le bien-être. Enormément de projets ont été vus sur ce thème. C’est le cas par exemple avec Google qui a mené une expérience avec des neuroscientifiques sur l’impact de l’esthétique sur le bien-être.

 

Starck co-crée une chaise avec une IA. 

L’IA est souvent un buzzword. En réalité, cette création est le fruit de l’association entre trois éléments : Philippe Starck, Kartell, société italienne de design de 70 ans, et Autodesk, l’un des leaders mondiaux des logiciels de modélisation 3D. Ce qui est intéressant, c’est que ce sont trois acteurs complémentaires. C’est que le robot n’agit pas dans son coin. Dans cet exemple, Starck a briefé l’IA. Le brief a consisté à demander quelque chose sur lequel on peut s’asseoir utilisant le moins de matière possible. Le logiciel propose différentes combinaisons et c’est l’humain qui choisit.

Autour de l’IA, il y a, par ailleurs, un sujet de branding, sur la façon dont on nomme les assistants. Celui qui va s’occuper de vos rendez-vous chez le coiffeur… est nommé Alexa. Celui qui permet d’éclairer des boards de direction en synthétisant la data, on l’appelle Watson. Mais il faut rester vigilant car il ne faudrait pas que cette technologie ultra évoluée conduise à une forme de régression.

 

Ikea et Sonos présentent une lampe et une étagère intégrant une enceinte connectée. 

Il s’agit d’un cas de démocratisation du design et de la technologie, ce qui est dans la droite ligne d’Ikea. Apple, ou même Samsung ou Huawei, sont dans une logique de premiumisation. Là, il s’agit d’un exemple assez rare de marque tech de ce type qui s’associe dans une démarche de démocratisation. Deux points de vigilance : les prix n’ont pas été annoncés. Et il sera intéressant de voir si cela marche, cette démocratisation de la haute technologie alors que des acteurs comme Apple sont dans une logique de hausse des prix.

 

Le design inspire les constructeurs automobiles. 

Selon le World Economic Forum, les managers devaient dépenser 1200 milliards de dollars en 2018 pour leur transformation digitale mais seulement 1 % d’entre eux allaient réussir leur transformation à grande échelle. Ces dépenses ne sont pas toujours réalisées à bon escient car il y a une course vers l’avant. On se focalise sur l’utilisateur et on oublie l’âme de la marque. Mais la marque est aussi une vision, pas uniquement un pragmatisme. Sur les sites d’Audi, Mercedes, BMW, l’UX est très fluide, agréable mais on ne voit pas la différence. On ne ressent pas « L'avance par la technologie » d'Audi, « Le meilleur sinon rien » de Mercedes, le « Ultimate Driving Machine » de BMW. À Milan, Peugeot a créé un lion de 5 mètres de haut, illuminé, une façon de représenter leur transition vers l’électrique. Cela permet aussi de contemporanéiser les assets sacrés de la marque (le lion) tout en affirmant la notion de plaisir. La marque dit qu’elle va continuer à s’engager dans le futur avec une vision qu’elle a toujours défendue.

 

L’exposition Maïa et Pierre Paulin, dans les Cévennes (4 avril-21 juillet). 

J’adore les bureaux de ce designer, même s’ils sont inabordables... Voici ce que j’aime beaucoup dans son histoire : c’est quand il commence à travailler avec sa future femme dans les années 1970 qu’il va innover le plus. Ils vont notamment travailler le textile extensible, pour réaliser le fauteuil « Groovy », avec les accoudoirs qui vont jusqu’au sol et structurent le fauteuil. Le design n’est pas uniquement un acte solitaire mais le fruit d’une collaboration entre plusieurs intelligences qui créent une pièce unique (certaines de ces intelligences pouvant être des IA…).

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