Énergie
Le géant pétrolier donne un coup de barre en direction de l’électricité et du gaz en lançant Total Direct Energie, fruit de son absorption du premier fournisseur alternatif d’énergie en France. Il est aidé par l’agence Artefact.

Nouvelle marque et grande campagne nationale : Total passe à l’offensive dans l’électricité et le gaz face à EDF et Engie, toujours ultradominants avec 75 et 50 % de leur marché. Le 11 avril, le pétrolier levait le voile sur Total Direct Energie, fusion de Total Spring et de Direct Energie. Le premier voit le jour le 5 octobre 2017 à la suite du rachat un an plus tôt du belge Lampiris pour 180 millions d’euros. Le second naît en 2003 et deviendra le premier fournisseur alternatif d’énergie en France au point de fusionner en 2011 avec Poweo, mais surtout d’être racheté à 100 % par Total en octobre 2018 pour 1,9 milliard d’euros. Avec 4 millions de clients consolidés, dont les trois quarts viennent de Direct Energie, Total dépasse ainsi Engie sur l’électricité. L’objectif est fixé à 6 millions de clients en 2022, ce qui devrait représenter 15 % de parts de marché. Pour mener à bien sa conquête de clients, Total Direct Energie misera sur une nouvelle campagne de pub pilotée par Martin Bertran, directeur de la marque, du sponsoring et de la communication grand public – auparavant au même poste chez Direct Energie. Et pour lancer ce gros chantier, il a interrogé trois agences : Hungry and Foolish (l’agence créative de Direct Energie), CLM BBDO (l’agence créative de Total Spring, qui a orchestré le lancement) et Artefact (celle qui gérait son budget digital), et qui est sélectionnée.

« Pas Versailles »

« Le brief était que l’énergie la moins chère et la plus vertueuse reste celle que l’on ne consomme pas », résume Martin Bertran. « À l’aise » avec ce positionnement, Total Direct Energie avance au moins trois « preuves » de ses « engagements pour aider à moins consommer » : les super heures creuses, le rendez-vous énergie annuel et le compteur Linky censé aider à mieux piloter sa consommation. François Brogi, associé chez Artefact, décide de ne pas remettre en question cette stratégie « très claire et précise ». « C’était à notre sens audacieux, les preuves ne sont pas toutes parfaites mais on voit le projet d’entreprise. Objectivement, à part protéger un fleuron français [EDF], il n’y a aucune raison de ne pas changer pour fournisseur moins cher et plus propre », tranche le publicitaire.

Artefact constate, étude Kantar à l’appui, que 51 % des Français déclarent éteindre le chauffage lorsqu’ils partent quelques heures, et 75 % limitent leur consommation d’électricité. « On s’est dit, plutôt que de vouloir changer un comportement, on va l’épouser et l’amplifier », décrit François Brogi. C’est de là que naît la signature : « Vous en faites déjà beaucoup, à nous d’en faire plus. » C’est cette idée qui a convaincu Martin Bertran de choisir Artefact. « Ce n’est pas à la marque de dire de changer, ce serait de l’argent fichu en l’air », appuie François Brogi. À l’arrivée, un film mettant en scène un père n'ayant de cesse d’éteindre la lumière derrière son fils Arthur, de sa plus tendre enfance jusqu’à son adolescence, et de répéter à l’envi : « C’est pas Versailles ici ! » Jusqu’au jour où le jeune adulte part s’installer dans son appartement. On le voit alors au téléphone avec une téléconseillère Total Direct Energie lui demandant si les économies d’énergie l’intéressent. Question à laquelle il répond sans surprise « Bien sûr », tout en éteignant la lumière et en faisant sienne l’antienne paternelle… La campagne aurait même fait mouche auprès du PDG de Total qui, selon Martin Bertran, « passe lui aussi son temps à éteindre la lumière derrière ses enfants ».

Major du pétrole

L’écueil de l’énergéticien est que l’électricité « est un produit primaire, il n’y a aucun engagement émotionnel, ça marche tout seul, ce n’est pas palpable », décrypte François Brogi. « Contrairement à la voiture qui reflète un statut social ou à l’alimentation qui renvoie à notre santé, les gens se fichent de l’électricité. Même la téléphonie mobile a plus d’impact car si on n’a pas de réseau, on n’a pas de contenu. Mais l’électricité est la même pour tout le monde et fonctionne partout », poursuit-il. « Beaucoup de personnes ont vécu la facture d’électricité comme un impôt, enfonce Martin Bertran. On disait “je paye mon EDF” ». Pour créer un engagement auprès de ces consommateurs passifs, Total Direct Energie veut en quelque sorte se poser en partenaire dans leur quête d’économies. En plus des conseils, la société devrait bientôt fournir une vision précise de sa consommation d’électricité. « On attribue souvent la surconsommation au chauffage mais on néglige la TV ou la box internet allumées », pointe le directeur de la marque. En attendant, le dispositif média, dont l’achat est géré par Vizeum, sera martelé avec un budget conséquent en TV, presse et affichage, en plus de « call-to-action » sur internet et les réseaux sociaux.

Tout l’enjeu de Total est de venir parler d’économies d’énergie et de consommation responsable avec une posture « empathique », mais surtout pas « autoritaire » ou donneuse de leçon. « L’entreprise est vigilante à son image », rappelle Martin Bertran. Total, dont la marée noire de l’Erika en 1999 lui colle encore à la peau, a avant toute chose une image de major du pétrole. C’est aussi pour cela que le message publicitaire sur les économies d’énergie n’est pas clivant. « On est dans le camp de ceux qui font attention, pas des intégristes », précise l’agence. En choisissant de conserver Total dans la marque d’électricité et de gaz, le groupe est conscient que les premiers temps verront des problèmes d’attribution. « Nous ne sommes pas dupes, tempère le patron de la marque. Via la présence de la marque Total dans notre nom, les gens comprendront que le groupe fait aussi de l’électricité et du gaz. » Au-delà de la campagne de pub, la major veut poser les bases de son positionnement stratégique dans les énergies alternatives au pétrole.

Chiffres clés :

756 millions de dollars. Réultat opérationnel net de la branche « Gas, renewables and power » de Total en 2018 (+56 %).

69,7 millions d'euros. Investissement médias de Total France en 2018 selon Kantar Media (+113 %).

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