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Séduites par l’ampleur des audiences, les marques oublient parfois que les influenceurs ne se travaillent pas comme un plan média traditionnel. On accepte avant tout de s’unir à leur humanité. Souvent pour le meilleur, mais parfois pour le pire.

L’influenceur, média roi de toutes les stratégies ? L’analogie n’est pas sans risques. L’accepter, c’est oublier qu’à l’inverse d’une bannière display, les partis pris de cet être humain fait de chair et d’os peuvent aussi exposer l’annonceur à diverses mésaventures.

Il y a d’abord, au premier stade dans l’échelle des ratés, le phénomène de copie, mis notamment en avant par le compte Instagram All The Same Kind, qui dénonce les poses trop souvent similaires d’une influenceuse à l’autre. Rien de grave bien sûr, si ce n’est que ce manque de personnalité rend la collaboration banale et donc inefficace. 

Viennent ensuite les cas d’inadéquation de l’influenceur au secteur. Nabilla en peignoir pour vanter les mérites d’une société de placement en bitcoins, était-ce bien raisonnable ? Pas pour l’Autorité des marchés financiers, qui a vu rouge. Troisième travers, le penchant au fake, soit la mise en avant de fausses réalités. On trouve d’abord dans cette catégorie le trafic des faux followers, dénoncé il y a quelques mois par l’influenceur Guillaume Ruchon. Likes et commentaires peuvent ainsi être achetés et activés massivement dans des fermes à clics sur une série de comptes. Mauvaise nouvelle pour les marques qui collaborent avec ces derniers, puisque l’engagement réel des communautés y est faible. Pour Yannick Pons, creative strategist chez Reech, la prévention de ces pratiques a toujours existé : « Notre algorithme nous permet de repérer les comptes suspects en détectant des pics dans l’évolution du nombre d’abonnés, souvent localisés à l’étranger. » Il y a un an, Unilever a d’ailleurs indiqué vouloir entamer sa propre chasse aux sorcières. 



Le jeu du scandale

Plus grave en termes de conséquences, le fake de personnalité, à l’image de la très influente vegan Yovana Mendoza, alias Rawvana, qui prônait à son million de followers les bénéfices d’un régime végétalien… jusqu’à être surprise en train de s’empiffrer de poisson. Attitude néfaste pour la santé de sa communauté autant que pour les marques qui collaboraient avec elle. À l’inverse, certaines d’entre elles continuent à s’arracher Logan Paul, notre Martine des temps modernes, version sordide. Logan Paul filme des cadavres, Logan Paul électrifie des rats, Logan Paul devient gay pendant un mois… Chaque scandale lui faisant gagner plusieurs centaines de milliers de followers, il reste toujours, selon Forbes, le youtubeur le mieux payé du monde.

Dans ce mauvais jeu du scandale, les marques ont donc aussi leur part de responsabilité. Certaines considèrent probablement qu’un mauvais buzz reste toujours un buzz. Est-ce le cas des produits amincissants Anaca 3, qui, au grand dam des internautes, se sont vus gravés au rouge à lèvres sur le ventre de l’influenceuse Jazz Lanfranchi, alors enceinte ? Scandale. Chez Foll-ow, label d’influenceurs qui défend notamment les intérêts de Kev Adams ou de Paola Locatelli, on confesse volontiers devoir parfois protéger les jeunes créateurs d’annonceurs obsédés par l’unique métrique de l’audience. « Nous demandons à nos talents de n’accepter que les collaborations qui leur parlent et en nombre restreint, sous peine d’altérer la confiance de leurs followers, explique le cofondateur de l’agence Samuel Skalawski. Le fondamental, c’est l’affinité avec la marque. » Mélissa Lévine, brand global PR manager pour Accor, confirme cette nécessité : « La dimension humaine de l’influence comporte évidemment un risque. Les marques ne doivent pas se dédouaner derrière leurs agences, mais prendre leurs responsabilités. Travailler l’influence, cela nécessite un fort engagement, beaucoup de temps et d’implication. » Pour rationaliser sa démarche, le groupe hôtelier a d’ailleurs été parmi les premiers il y a un an à créer une charte influence, capable d’harmoniser les règles et de contractualiser le respect des valeurs du groupe.



Professionnalisation du marché

De l’avis de tous, ces travers, liés à un marché naissant, se régulent depuis peu. « En plus d’outils d’analyse plus précis, le marché se professionnalise fortement, constate Stéphane Bouillet, cofondateur de la plateforme spécialisée Influence4You. Beaucoup d’annonceurs demandent désormais un vrai travail de connaissance des profils, quitte à revenir sur plusieurs mois de publications. » Les retours d’expérience et bonnes pratiques ne manquent donc plus. Évidemment, la prévention ne passe pas par un contrôle strict du contenu des jeunes créateurs, sous peine de perdre en authenticité. « Les marques ont compris qu’il fallait laisser leur créativité auxinfluenceurs, estime Hugoposay, youtubeur aux 4 millions d’abonnés, cofondateur du nouveau label d’influence Labelle & Cie. Ils savent mieux que quiconque comment parler à leurs followers pour créer l’engagement. » Pour certains annonceurs, le travail est ailleurs, plus en amont : « Nos partenaires ont carte blanche, commente Joanna Siraut, cheffe de groupe social media et influence du groupe Seb. Mais nous sommes passés d’une logique d’e-RP à une logique de marketing d’influence, ne nous contentant plus du seul métrique de l’audience pour nous intéresser à l’engagement et à l’affinité éditoriale. »

L’analyse de la communauté est devenue aussi importante que celle de l’influenceur. « Des solutions peuvent qualifier l’âge, le sexe, la localisation, mais aussi les centres d’intérêt de celle-ci, en regardant notamment les autres pages suivies », rappelle Yannick Pons. Pour éviter le bad buzz, Joanna Siraut donne un autre conseil : « Si on n’a pas confiance en son produit, il ne faut pas le faire, car un bon influenceur, même rémunéré, ne dira pas ce qu’il ne pense pas. L’influence, c’est l’ère de la transparence. » Pour Vanessa Peronny, social media director pour Accor, il reste néanmoins un dernier sujet, et non des moindres : « Celui d’apprendre à faire confiance. C’est un autre ingrédient de réussite, et probablement l’un des plus importants. » Ne serait-ce pas surtout le plus difficile ? ◊

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