Reglementation

Les pubs auto vont-elles devoir appuyer sur le frein ? À compter du 1er mars, annonceurs et agences ont dû s’accorder afin de faire figurer diverses mentions obligatoires, sur fond de transition écologique. Au risque de brouiller le message. 

«Manger au moins cinq fruits et légumes par jour», «l’abus d’alcool est dangereux pour la santé», «fumer tue», ces messages de sensibilisation connus de tous font désormais partie du paysage publicitaire. À partir du 1er mars, trois petits nouveaux feront leur entrée dans le secteur automobile : «pour les trajets courts, privilégiez la marche ou le vélo», «pensez à covoiturer» et «au quotidien, prenez les transports en commun». En lien avec la loi Climat du 28 décembre 2021, ou la loi LOM (loi d'orientation des mobilités), cette nouvelle réglementation vise à sensibiliser les automobilistes et les motards à la transition écologique. Avec une volonté de préparer progressivement les citoyens à la fin du moteur thermique voulue par l’Union européenne d’ici 2035. Cet horizon passera par une interdiction des publicités pour les véhicules les plus polluants en 2028.

«Pour l’instant, nous sommes dans une phase de découverte et de compréhension de ces nouvelles mesures. Nous travaillons à l'unisson avec notre maison mère, l’ARPP, mais aussi notre agence Romance pour les mettre en œuvre. Il ne faut pas oublier que nous sommes également un constructeur qui anime un réseau de distribution, nous devons travailler avec les responsables marketing de chacune de nos concessions. Nous avons donc mis en place un webinar ainsi qu’un guide pratique pour nos 143 concessionnaires en France afin qu’ils prennent en compte ces nouvelles mesures dans leur communication locale», relate Nathalie Hoffet, cheffe du département marketing chez Audi. 

CO2-score

En plus de ces messages, les constructeurs devront apposer une étiquette énergétique, déjà en vigueur pour les appareils électroménagers, avec une classification des véhicules des plus polluants aux plus propres. Une sorte de CO2-score. Enfin, hormis la radio, la dernière obligation est le déploiement du hashtag #SeDéplacerMoinsPolluer. Tous les supports sont concernés par ces nouvelles mesures. Ces textes viendront s’ajouter aux nombreuses mentions obligatoires déjà existantes dans le secteur automobile, en lien avec la location par exemple. Mais trop de messages ne peuvent-ils pas tuer le message ? «À la différence du secteur agroalimentaire, l’automobile doit respecter beaucoup plus de mentions légales obligatoires et cette accumulation rendra plus complexe la lecture», prédit Tiphaine Du Plessis, coprésidente de BETC Fullsix, en charge du compte Citroën.

«On attend de voir quel annonceur va dégainer le premier. Dans le doute, mieux vaut s’en tenir à la loi telle qu’on l’imagine plutôt que de la contourner. Mais il y a encore quelques imprécisions avec cette loi, si je travaille avec un influenceur, comment je m’organise ?», lance Alban Callet, deputy managing director chez DDB Paris. Pas question pour les agences de jeter les travaux déjà réalisés même si à terme, il sera question de repenser la conception et la production des assets. «Lors des shootings, il faudra penser nos visuels en fonction de ces messages en laissant plus d’espace en bas ou sur le côté. Nous avons du matériel existant que nous devons mettre à jour tout en tentant de rendre lisible nos messages», confirme Nathalie Hoffet. Même si certains supports seront privilégiés à l’avenir, les investissements publicitaires ne baisseront pas pour autant, assure Audi. Bien que ce nouvel arrêté soit effectif à partir du 1er mars, le gouvernement accorde un délai d'adaptation jusqu’au mois de juin. Au-delà de cette limite, en cas de non respect, ce sont les annonceurs qui trinqueront avec une amende de 50 000 euros par diffusion et jusqu’à 100 000 euros en cas de récidive.

Pas de culpabilisation

Face aux préconisations, les citoyens paraissent inégaux. Tout le monde ne peut pas privilégier les transports en commun ou la marche à pied en zone rurale. C’est pourquoi l’État aurait investi 13,4 milliards d'euros sur la période 2017-2022, avec une priorité donnée aux transports du quotidien, toujours dans cette optique d’accompagner la transition. «Je ne suis pas sûr de l’intérêt de ces messages. Qui ne sait pas qu’il ne faut pas polluer? s'interroge Alban Callet. J’ai également des doutes quant aux conséquences, on n’apporte pas grand-chose de plus aux citoyens. Sans être un spécialiste automobile, il va de soi qu’un gros SUV polluera plus qu’une citadine.» Il en va donc de la responsabilité des consommateurs. Pour autant, cette vague verte publicitaire n’a pas pour but de faire culpabiliser les automobilistes, assure François Roudier, porte-parole de la plateforme française automobile: «Nous avons travaillé avec les pouvoirs publics dès 2019 sur la question. Nous avons réussi à obtenir du ministère que les messages ne soient pas culpabilisants pour les automobilistes qui ne peuvent pas faire autrement.» 

Les transports seraient responsables de 29% des émissions de gaz à effet de serre de la France. C’est de loin le secteur le plus polluant devant l’agriculture (17%) et l’industrie manufacturière (11%). Tous les moyens sont donc bons pour réduire l’empreinte carbone. «Nous exerçons un métier à responsabilité, nous devons informer les populations et les sensibiliser aux impacts», indique Tiphaine Du Plessis. Alban Callet pointe également la responsabilité des constructeurs : «La communication est un bon outil pour changer les mœurs et il faut bien commencer quelque part. Mais la réalité c’est que 10% des ventes automobiles sont électriques. Les constructeurs ont un agenda à tenir, ils anticipent un volume d’électriques, d’hybrides qui seront sur le marché.» Les véhicules dits «plus propres» sont bel et bien en route. 

Pour l’heure, reste à savoir si ces mesures, déjà imposées dans certains pays de l’Union européenne, auront une réelle efficacité sur les consommateurs. Aucune donnée n’a pour l’instant été communiquée. «L’enjeu est d’en connaître son efficacité, savoir si les clients reçoivent bien les informations. Il y aura un suivi par l’ARPP, mais le suivi de l’effet de la loi LOM [loi d'orientation des mobilités], je trouverais ça également intéressant. J’espère qu'il sera monitoré», indique la coprésidente de BETC Fullsix. La phase de post-test grandeur nature est donc lancée. 

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