Les chaînes de télévision ont abondamment couvert l'attentat à Charlie hebdo et l'assaut du Raid porte de Vincennes. Le CSA s'interroge sur des «manquements». Amaury de Rochegonde et Bruno Fraioli.

Convoqués! Jeudi 15 janvier, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a «convié» les médias audiovisuels à une «réflexion commune» sur la couverture des événements dramatiques de la semaine dernière. D’éventuels «manquements» sont évoqués. Mais les responsables de rédaction de BFM TV, I-Télé, France Télévisions et TF1 ne se sentent pas concernés. «On a fait le choix de ne pas montrer la vidéo amateur de l’exécution du policier [qui était montré flouté sur des chaînes d'info en continu] les sons des preneurs d’otages ou de la vidéo de revendication de Coulibaly, souligne Thierry Thuillier, directeur de l’information du groupe public. On est témoins, mais on peut être acteurs à nos dépens. Il ne faut pas qu’on soit sans le vouloir instrumentalisés.»

Pourtant, Elise Lucet, de France 2, a bien interviewé en direct la sœur de Lilian, laquelle a laissé entendre que son frère était caché dans l’imprimerie. Dominique Rizet, sur BFM TV, a de son côté déclaré à l’antenne «à partir d’une source de premier rang du Raid» qu’une femme s’était dissimulée dans la chambre froide. «Mais il l’a dit lorsque le Raid était positionné de telle façon qu’elle ne courrait aucun danger, le terroriste serait mort s’il avait voulu s’attaquer à elle», riposte Hervé Béroud, directeur de la rédaction de la chaîne d'info. Un argument technique qui laisse sceptique un de ses confrères. Quant à TF1, elle a été la première chaîne à révéler l’opération de police du 7 janvier au soir, en ouverture de son journal télévisé. «Nous avions nos propres infos que ça se passait vers Reims», justifie Nicolas Charbonneau, directeur adjoint de l'information. Quitte à alerter les terroristes? C'est le prix à payer de la liberté d'informer. Sans parler d’Europe 1 et de Libération, qui ont annoncé par erreur l’arrestation des terroristes.

Une revendication non diffusée

La couverture éditoriale en direct des événements a pourtant été placée sous le signe de la prudence. Pas de suivi des préparatifs de l’assaut en «live» qui ferait un peser un danger sur les otages. Pas de diffusion des interviews des terroristes qui puisse être récupérée par la mouvance djihadiste. «On a attendu que ce soit fini pour diffuser une petite partie, purement informative», dit Hervé Béroud. Dans la voix des terroristes, on comprend qu’un frère Kouachi est passé par Al Qaida au Yemen ou que Coulibaly agissait de concert avec les frères Kouachi. Mais la décision est prise de ne rien diffuser dans la bouche de ces assassins de la revendication de leurs actes. Pourquoi? «Parce que les sons sont découpés, remis sur Internet et deviennent incontrôlables», répond le dirigeant de BFM TV.  

De son côté, TF1 se défend d’avoir voulu chercher à faire la course en tête devant BFM TV. «Nous ne sommes pas à deux minutes près pour annoncer un nombre de victimes, réagit Nicolas Charbonneau. Et puis, en direct, il est dangereux de vouloir tout passer. Ce n’est pas de l’autocensure, mais juste un côté civique.» Si BFMTV et RTL ont joint les terroristes au téléphone, ce n’est pas le cas de TF1. «Pourquoi le faire?, s’interroge Nicolas Charbonneau. On s’est posé la question, mais nous avons convenu que ce débat était dérisoire. Nous pesons chaque information. Il n’est pas question de mettre en danger la vie des otages. Et puis, il faut juste rester digne.»

La directrice des informations d'I-Télé, Céline Pigalle, avoue aussi avoir «retenu» des informations, comme l’identité des deux tueurs de Charlie hebdo. Au centre de cette réflexion, la vérification systématique des sources d’information, même des médias reconnus. «Les règles précédentes ne valent plus, et face à la rapidité des autres médias et des réseaux sociaux, chacun peut se mettre en péril, confie-t-elle. Nous nous sommes adaptés en temps réel.»

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.