On attendait une révolution. Ce fut une confirmation. Mardi 20 janvier, en soirée, la Ligue nationale de rugby annonce confier à Canal+ l’intégralité et l’exclusivité des images des matchs du Top 14 pour quatre saisons, de juillet 2015 à juin 2019. La chaîne payante conserve donc le championnat de France de rugby, deuxième facteur d’abonnement pour le sport après le football.
Cette décision intervient après une année de procédures. En janvier 2014, Canal+ avait une première fois acquis l’ensemble de ces droits après une négociation de gré à gré avec la Ligue national de rugby (LNR). Sa concurrente Be In Sports, qui n’entendait pas être ainsi écartée, avait alors saisi le Conseil de la concurrence. En juillet, l’instance cassait la décision de la LNR, lui ordonnant de lancer un nouvel appel d’offres début 2015, tout en confirmant Canal+ pour la seule saison 2014-2015.
Le Top 14, un feuilleton essentiel pour Canal+
Au final, Canal+ décroche l’exclusivité contre 74 millions d’euros annuels (296 millions au total), contre 71 millions versés cette saison… et 32 millions pour les précédentes. «Canal+ a gagné! Be In Sport a perdu!», concluait Paul Goze, président de la LNR. «Nous ne nous sommes pas placés en position de perdre ce contrat, confie Cyril Linette, le directeur des sports de Canal+. Oui, le Top 14 était une bataille clé. C’est un feuilleton essentiel pour Canal+ et il était important pour nous de proposer la meilleure offre possible».
Canal+ a remporté ce match faute d’adversaire. De l’aveu même du président de la LNR, l’offre financière de Be In Sports n’était pas «éligible», c’est-à-dire qu’elle était en dessous du prix de réserve pour l’ensemble des lots, soit 71 millions annuels. Dans un communiqué, la chaîne de sport qatari indique s’être portée candidate «sur un certain nombre de lots premium». Be In Sports visait donc un ou deux lots, et non l’exclusivité du Top 14.
Be In Sports hors-jeu
Au contraire, la stratégie de Canal+ était de ne se porter candidate que sur l’exclusivité des rencontres, et non d’aller à la confrontation lot par lot. Un choix qui aurait pu déboucher sur un partage des droits. Ces différentes tactiques sont aujourd’hui étudiées par des systèmes de modélisation et donne lieu à l’étude de centaines de cas différents.
Jusqu’alors, Be In Sports donnait l’image d’une toute puissance capable d’accaparer tous les droits. Ce n’est donc pas le cas. La chaîne qatari a ainsi, coup sur coup, dû laisser à sa concurrente les droits du Top 14, et ceux de la Coupe du monde de rugby 2015 dont 31 matchs (parmi lesquels 27 sont en exclusivité), ont été vendus par TF1 à Canal+. Certaines sources s'interrogent sur la dimension politique du dossier: le Qatar avait-il intérêt à sortir le carnet de chèque et à fragiliser Canal+ au moment même ou certains politiques -François Fillon, Bruno Le Maire...- s'interrogent sur son éventuel financement du djihadisme? Be in Sports avait peut-être intérêt à faire profil bas.
Le vrai vainqueur, la LNR
Dans une note, Natixis estime le portefeuille de droits de Be In Sports à 450 millions d’euros annuels en 2017. Un montant qui, selon l’établissement financier, ne peut être économiquement équilibré qu’avec 6 millions d’abonnés. Be In Sports en aurait 2,5 millions aujourd’hui. Natixis prédit une perte cumulée de 2,2 milliards d’euros à horizon 2020.
Même avec Be In Sports restée sur la ligne de touche, la Ligue nationale de rugby a remporté son pari. L’instance sportive confirme un montant de droits TV très élevé, et qui a plus que doublé sur les trois dernières années.
La ligue de rugby n’en a pas fini avec ses droits TV. Elle doit maintenant attribuer ceux de la diffusion de la finale du Top 14, d’une part pour 2015 (elle se jouera le 13 juin au Stade de France), et d’autre part pour les quatre saisons suivantes. Cet événement doit être diffusé par une chaîne gratuite. France Télévisions est sur les rangs, mais aussi M6 et L’Equipe 21. La discussion se fait aujourd’hui de gré à gré.