Sept semaines après l'attaque meurtrière, Charlie Hebdo, tiré à 2,5 millions d'exemplaires, est de retour ce mercredi 25 février dans les kiosques où il s'écoulait doucement en début de matinée, selon des témoignages recueillis par l'AFP. «Ca se vend doucement, ça n'a rien à voir avec le dernier numéro», a indiqué un kiosquier à la gare Saint-Lazare. «En une heure, on en a vendu une vingtaine. La dernière fois, les 240 qu'on nous avait livrés étaient partis au bout d'une heure». «La dernière fois on nous l'achetait par dizaines de numéros. Il y avait la queue devant le kiosque. Cette fois c'est un ou deux par personne», indique un autre kiosquier.   

 

Le numéro «des survivants» avait été diffusé à 8 millions d'exemplaires, un record historique pour la presse française.    L'exemplaire de mercredi, avec lequel l'hebdomadaire tente de retrouver le cours normal de sa vie en affichant une Une moins provocatrice, continue à bénéficier d'un élan de solidarité. «Je l'ai acheté par solidarité et je vais l'acheter encore pour quelques semaines», indique un client à Saint-Lazare, précisant qu'il n'a pas l'intention de s'abonner car il préfère Le Canard Enchaîné, «plus informatif». «Il ne faut pas que l'esprit de Charlie retombe, que la flamme du 11 janvier s'éteigne», souligne ce quinquagénaire cadre dans l'industrie.  

 

Reparti sur un rythme hebdomadaire avec le numéro 1179 de mercredi, Charlie Hebdo fait sa Une sur Marine Le Pen, le pape et Nicolas Sarkozy, sans oublier un jihadiste, kalachnikov entre les dents. Sur fond rouge, une meute de chiens en poursuit un autre, plus petit et à l'air filou, un exemplaire de Charlie roulé dans la gueule. On reconnaît aussi une caricature de banquier et un micro de BFMTV, la chaîne d'information en continu. C'est à dire, selon Riss, tous ceux qui «nous emmerdent». «Après la violence qu'on avait subie, on voulait une Une un peu apaisée», explique à l'AFP Riss, le nouveau patron du journal, toujours en rééducation après avoir été blessé à l'épaule dans l'attentat. «Les combats de Charlie sont nombreux. La laïcité, ça a toujours été un combat évident mais, avec le temps, ça a pris une dimension énorme qui nous dépasse un peu», analyse-t-il. «Notre ligne éditoriale est la même depuis 1992. On n'est pas plus provocateurs, on n'en fait pas plus. C'est l'environnement qui a changé», poursuit Laurent Sourisseau, alias Riss.   

 

Pourtant, depuis ce jour funeste de janvier, le poids du symbole est bien là, parfois un peu lourd à porter. «On voudrait conserver notre liberté éditoriale, faire ce qu'on veut quand on a envie. On n'est pas là pour répondre à telle ou telle attente. On aimerait être vus autrement que comme un symbole. Sinon, on est figés, le journal ne peut pas évoluer», juge-t-il. La menace, floue et mal identifiée jusqu'alors, leur est tombée dessus «comme la foudre» le 7 janvier 2015, faisant douze morts.      

 

«Avant, on ne savait pas trop, mais là, il faut être réaliste, il faut se protéger. Ca serait irresponsable de faire ça avec légéreté», raconte celui qui est surveillé en permanence par un groupe de policiers. Si les peurs ont été ravivées par les attaques de Copenhague ou les appels aux meurtres sur Twitter contre Zineb El Rhazoui, collaboratrice franco-marocaine de Charlie Hebdo et son mari, ce nouveau numéro du journal veut aussi montrer qu'il n'y a pas que «ça». Le sable breton menacé, la paye d'Henri Proglio chez Thales, l'épidémie de grippe, la Grèce ou DSK: les sujets sont variés et les bonnes volontés sont là. Pétillon, habitué du Canard enchaîné, l'Algérien Dilem, ou l'écrivain Marie Darrieussecq ont contribué à cette nouvelle édition.    

 

Le chiffre de 2,5 millions d'exemplaires pour le numéro des «survivants», avec la caricature de Mahomet en couverture qui tenait une pancarte «Je suis Charlie» et le surtitre «Tout est pardonné», reste important pour une publication qui, avant l'attaque, vendait quelques dizaines de milliers d'exemplaires. «On a autant de responsabilité quand on dessine pour 20 000 que pour 8 millions de personnes. On n'a pas moins de conscience professionnelle. Les lecteurs ne sont pas de moins bonne qualité. Pour moi ça change rien», tranche Riss qui veut être optimiste.   

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