MIP TV
Au MIP Digital Fronts, marché international de création originale digitale, place aux chaînes You Tube: du LOL, du rire, des formats courts. Paradoxe, les jeunes groupes média responsables cherchent de nouveaux canaux de distribution – dans l’audiovisuel classique.

L’avenir de l'audiovisuel passe-t-il par les chaînes You Tube? «Avant j'avais l'habitude d'utiliser la TV, maintenant je ne l’utilise plus», lâche, d'un air crâne, Luzu, un jeune youtubeur espagnol à succès, invité au MIP TV pour présenter son expérience. Un tournant. Le traditionnel marché des programmes TV organise pour la seconde année les MIP Digital Fronts, avec pour partenaires fondateurs You Tube, Vice, Dailymotion et Maker Studios (Disney). Un véritable premier marché international de création originale digitale, censé refléter la mutation numérique qui émerge dans l’audiovisuel. 

Depuis mardi après-midi, entre projections et keynotes, de nouveaux acteurs aux noms parfois barbares, tels Awesomeness TV, New Form Digital, Vox Media, et Rooster, viennent vendre leurs programmes. Pourtant, leurs stands sont discrets dans les travées du Palais des festivals, où les mastodontes tels que HBO et Endemol dominent encore. Mais tous ont un même objectif: conquérir les «millenials», qui délaissent la télévision – et donc la publicité classique – pour consommer séries TV et vidéos sur You Tube.

Buzzfeed Motion Pictures et ses «scripted webseries»

Mardi soir, les stars du jour étaient Ze Frank, président de Buzzfeed Motion Pictures, et Michael Shamberg, producteur hollywodien pur sucre, nommé aux Oscars (pour Pulp fiction, Django unchained et Erin Brockovich). L'un et l'autre donnaient ensemble une keynote sur l’avenir du cinéma à l’ère du tout-numérique. De fait, Buzzfeed s’est doté en août 2014 d’un département vidéo qui s’intéresse à toutes sortes d’images, du GIF aux longs métrages.

La discussion a vite tourné autour des contenus vidéos quotidiens que produit Buzzfeed. Ces programmes courts, propres à la culture web, peuvent-ils nourrir la télé? Quels sont ceux qui peuvent nourrir des séries ou des films? «Le Hollywood traditionnel n’a pas de R&D. Mais Buzzfeed est un incroyable laboratoire d’émotions. Notre job est d’observer pourquoi leur audience partage certains types de contenus, et s’ils peuvent nourrir une histoire», explique Michael Shamberg.  

Pour Ze Frank, les formats courts peuvent aussi être un laboratoire avant de se lancer dans des investissements sur des longs métrages. D’ailleurs, Buzzfeed est venu au MIP TV avec, dans les cartons, à vendre aux diffuseurs, son programme court à succès, une «scripted webserie», Weird things all couples fight about, qui affiche en moyenne 2 millions de vues par épisode sur Youtube. Des petites tranches de vie quotidienne, de la minisérie à la Un gars une fille, mais nouvelle génération. «Ici, ce qui importe, ce n'est pas le scénario, mais le moment et les personnages. C’est juste une collection de moments, susceptibles d’être partagés sur les réseaux sociaux», estime Ze Frank. 

Awesomeness TV, «a next generation media company»

Autre cas révélateur de ces nouveaux médias digitaux, Awesomeness TV, joint-venture de Dreamworks Animation et the Hearst Corporation. Initialement diffusée sur You Tube et sur un réseau multichaîne (MCN, de l'anglais «multi-channel network»), cette société se veut «l’entreprise média de la prochaine génération, les teens, la génération Z», explique Brian Robbin, son fondateur. «Notre audience ne regarde pas, elle participe.» Awesomeness TV crée des webséries et des shows télévisés destinés à sa chaîne You Tube. A voir les extraits, cela ressemble aux séries télé d’antan qui se déroulent dans les campus, telle Beverly Hills 90 210. Mais ici, les séries You Tube sont menées tambour battant (le format 24 minutes n’existe plus).

La jeune «vloggeuse» [vidéo-blogueuse] Meg De Angelis, 19 ans, compte un peu plus de 2,3 millions d’abonnés à sa chaîne You Tube. Sa notoriété numérique a été mise à profit dans une série diffusée de Awesomeness TV, Royal crush. Autre «scripted webserie» conçue en partenariat avec la marque Royal Carabbean, tout comme le docu-série Yo Muscle Boii’s Royal Caribbean Adventure.

Maintenant, la coentreprise entre Hearst et Dreamworks cherche de nouveaux réseau de distribution... chez les vieux médias audiovisuels. C’est bien pour cela qu’elle est à Cannes, comme d’autres jeunes «médias» nés de You Tube. Awesomeness TV produit déjà le sketch TV éponyme diffusé sur Nickelodeon. Autre fait notable, le groupe a produit une sitcom, Richie Rich, «qui est diffusée sur Netflix depuis février», annonce Brian Robbin.

Mais l'homme s’intéresse aussi à la diffusion mobile de ces séries, alors que «70% de notre audience consomme des contenus sur des appareils mobiles». A ce titre, il vient de nouer un partenariat avec Verizon, un des principaux opérateurs télécoms américains, et lui a vendu 200 heures de contenus originaux. 

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