Mobile
Datas, ciblage, géolocalisation... Les marques s’intéressent de plus en plus à ce nouveau canal relationnel que les médias et les réseaux sociaux ont largement défriché et que le développement des objets connectés va amplifier.

Certaines se font entendre par un vrombissement, d'autres par un discret tintement de verre. Elles s’affichent sur l’écran du smartphone, sans qu'on ait à le déverrouiller. Les «push notifications» attirent toujours plus l’attention et le regard du mobinaute vers l’écran de son téléphone ou de sa tablette. Elles sont devenues une des fonctions clés des applications mobiles, auxquelles elles sont liées, même si celles-ci sont fermées. Et elles trouveront sans doute leur avènement sur les toutes nouvelles Apple Watch, commercialisées depuis le 23 avril.

Sur leurs «app stores», les constructeurs ont tôt fait de lancer des plateformes de notifications en «push», permettant aux développeurs d’y greffer des alertes liées aux applications, pour interpeller les utilisateurs. Apple lançait sa première plateforme dès 2009, suivi par Android en 2011. Progressivement, les réseaux sociaux (Facebook, Twitter) les ont adoptées. Ils ont été rejoints par les services de messagerie mobiles (Whatsapp, Snapchat), pour signaler l’arrivée d’un nouveau message ou une mention du mobinaute. Puis, par les médias pour la dimension «alerte» d'actualité.

Lorsque la notification s’affiche, en l’effleurant du doigt sur son écran, le mobinaute va directement sur l’application mobile de la marque émettrice. Des nouveaux usages sont apparus: des «glancable interactions» (interactions en coup d’œil avec sa montre connectée), des micro-moments mobiles. Un bruit ou une lumière captent l’attention. «Le push est le contenu lui-même», précise Laurence Allard, maître de conférences à l'université Lille 3 et chercheuse à l'Ircav-Paris 3.

Engouement des marques

Les marques s’intéressent de près au phénomène. En mars, la Mobile Marketing Association France (MMAF) dévoilait son «Guide Push notification 2015». Au menu, des conseils pratiques sur les usages, les formats de push à utiliser, le seuil considéré comme intrusif par les mobinautes. Désormais, le mobile représente 35% du temps passé devant un écran. Et 85% de ce temps est consacré aux applis, d’après une étude de l’institut Flurry pour la MMAF.

Chez Apple, la push notification suppose le consentement préalable de l'utilisateur («opt-in»). A chaque installation d’une application mobile, le mobinaute accepte ou non de recevoir des notifications. Cela en fait un formidable outil de ciblage. A l'inverse, sur Android, les notifications sont  sous le régime de l'«opt-out», autrement dit activées par défaut. «Là, le mobinaute doit accepter en bloc les conditions d’usage quand il installe une nouvelle application, précise Jérôme Stioui, directeur général d’Accengage. Il doit aller dans son menu pour désactiver les notifications de telle ou telle appli. Mais nous conseillons aux éditeurs d’installer, comme chez Apple, une fonction permettant de refuser ou d'accepter les notifications à l’installation.» 

Ce nouveau format suscite le même engouement que les SMS ou les e-mails à leurs débuts, les marques en raffolent. Encore faut-il qu'elles ne reproduisent pas les mêmes erreurs d’envois de spam… Cruelle désillusion de certains textos qui renvoyaient, par le passé, vers un numéro d’appel surtaxé après la promesse d'une confidence: «Quelqu’un vous aime en secret!»

Avec les campagnes de notifications, à priori, aucun risque. «Le protocole est très encadré: il faut avoir un certificat Apple ou Google pour délivrer des push notifications», précise Martin Jaglier, directeur général de l’agence Ocito et vice-président de la MMAF. «Pour les premières campagnes de SMS, on pouvait louer des bases de clients pour mener des campagnes d’acquisition. Les notifications s’adressent à une base de clients déjà connus», insiste Jérôme Stioui, en vieux routier du marketing mobile. Résultat, les mobinautes acceptant de recevoir des notifications sont très prisés: «Ce sont pour nous les meilleurs clients. Il y a un ciblage de fait», expliquait Florence Vatoux, responsable marketing et CRM de Vente privée, lors d’une conférence organisée par la MMAF.

Géolocalisation

Ce nouvel outil de marketing mobile sert aussi les entreprises qui y greffent des services cohérents avec leurs univers, par exemple la RATP, qui propose des push notifications par lignes de RER, métro ou tramway, et par créneaux horaires. De son côté, la Fnac teste ce format depuis le lancement de sa nouvelle appli mobile, en septembre 2014. «On y crée de l’engagement relationnel. On y fait du teasing pour promouvoir le jour J des sorties de produits ou services», résume Katia Hersard, directrice e-commerce et marketing du disctributeur. Parmi les pushs qui ont le mieux marché, «Tu me manques», pour promouvoir le best-seller d’Arlan Coben, ou «Il est beau, il est séduisant, devinez…» pour la sortie du récent tome de la BD Largo Winch.

Vente-privee.com revendique une dimension plus commerciale: «Nous l'utilisons pour signaler le début de certaines ventes aux clients, après leur avoir proposé de s’inscrire pour recevoir des alertes sur des marques. Les notifications nous servent aussi à faire revenir le client sur son panier d’achat, 5 minutes avant qu’il n’expire», explique Florence Vatoux. Un canal crucial pour le site: «Nous réalisons 55% de notre trafic sur mobile et près de 50% de notre chiffre d’affaires», détaille-t-elle.

Les banques, elles, ont développé des fonctions d’alerte plus liées aux services: relevé bancaire, virement reçu, prélèvement, situation du compte, etc. «Nous avons diversifié les services autour de ce canal de relation client. L’idée est d’alerter ce dernier sur la vie de son compte. Nous voulons faire de la notification le coach du budget pour le client», résume Julie Lambertod responsable marketing digital experience d'Hello Bank, la banque en ligne de BNP Paribas. Le groupe bancaire est fort d’une dizaine d’applis mobiles.

Un autre Eldorado s’ouvre pour les marques: les push notifications géolocalisées. Car l’utilisateur peut se voir notifier des éléments qui font appel au GPS s’il a accepté d’être géolocalisé en installant son application mobile. «Dans une mise à jour de notre appli, lancée ces prochaines semaines, nous pourrons géolocaliser les push de service – météo, transports, etc., qui peuvent être utiles à certains internautes dans des zones géographiques», précise Ophélie Wallaert, rédactrice en chef à Europe1.fr. Pour cela, le média utilise l’outil Captain Pass, développé par Carving Labs, qui permet de géolocaliser et de segmenter les notifications.

Objets connectés

Les push notifs, comme on dit dans la profession, seront assurément un des formats d’affichage privilégiés sur les objets connectés, en raison de la spécificité de la taille de l’écran et de la proximité corporelle. Avec l'Apple Watch, commercialisée depuis le 24 avril, s'ouvre le marché des montres connectées, véritable extension du téléphone. «L’heure de gloire pour les push notifications est à venir. L’Apple Watch fonctionne comme un écran déporté du smartphone», souligne Martin Jaglier, d'Ocito.  

Les médias, tels Le Monde, Le Figaro, L’Express, Europe 1, NRJ ou encore BFM TV, ont été parmi les premiers à recourir aux push notifications sur les montres connectées. Un des usages premiers passe par du teasing et de l’alerte. Sur leur montre, les «Applewatchers» peuvent voir le titre d’un article, sa photo, voire son résumé. Ils devront aller sur leur Iphone ou mettre l’article en favori pour lire ce dernier.

Prochain enjeu: la monétisation. Pourquoi ne pas imaginer des systèmes d’abonnement à des fils précis de push notification? Du côté des médias, la bascule est en cours. «Nous avons aussi monté un service d’abonnement autour d’alertes. Un fan d’un club de foot, par exemple, peut s’abonner et recevoir les résultats du PSG et de l'OM. Nous comptons plus de 100 000 abonnés sur chacune de ces offres», précisait devant la MMAF Emmanuel Alix, en charge des projets et services digitaux à L’Equipe. Au total, 3,5 millions de personnes se sont inscrits aux push notifications de l'appli du quotidien.

Le Monde aussi s’intéresse à ce système de push par abonnement. Il en prend compte avec des alertes par thème (sport, politique…), réservée aux abonnés. Sur sa toute nouvelle application, La Matinale du Monde, il propose depuis le 11 mai «un suivi de l'actualité par push, sur des sujets précis, aux abonnés et inscrits au Monde.fr», précise Edouard Andrieu, directeur des nouveaux écrans du site.

Des consommateurs tout-puissants

Mais les marques ne seront-elles pas tentées d’abuser de ce nouveau format différenciant? «Les notifications sont jugées agressives par des usagers, pour qui elles sont une nouvelle forme d’accaparement par la machine, et utiles par d’autres, qui ont incorporé le smartphone sur tout ce qui est alertes, rendez-vous et autres contenus externalisés au smartphone», estime Laurence Allard (Lille 3 et Ircav-Paris 3).

Aux marques de savoir s’autodiscipliner et inscrire ce format dans leur plan global de marketing mobile, estime la MMAF. De toute façon, c’est bien le consommateur qui a le dernier mot: «Les notifications sont un des seuls médias où le consommateur est tout-puissant dans sa relation avec la marque: il peut choisir de désinstaller l’application mobile», précise Martin Jaglier.

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