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«Un journaliste est un homme qui vit d’injures, de caricatures et de calomnies», énonçait laconiquement Delphine de Girardin, écrivain et journaliste du XIXe siècle. Sans aller jusqu’à l’injure, le rapport «Fractures françaises 2014» d’Ipsos, commandé entre autres par Le Monde et France Inter, vient confirmer que, deux siècles plus tard, la méfiance est toujours de mise vis-à-vis de la profession: 74% de la population sondée considère que les journalistes sont «coupés des réalités et ne parlent pas des vrais problèmes des Français».

Ce constat, Johan Weisz-Myara l’a également fait lorsque, tout juste âgé de dix-neuf ans, il commence à faire des piges pour différents médias afin de financer ses études de gestion. Porté par la volonté de travailler sur le problème d’image dont souffrent les journalistes, accusés d’être trop peu en phase avec la réalité, il lance fin 2009 le magazine urbain et citoyen en ligne Street Press.

500 000 lecteurs mensuellement

Urbain, au sens de journalisme de terrain, car ce que prohibe le fondateur et directeur de la rédaction, c’est le «bullshit journalism». Le média s’adresse à une cible âgée de 20 à 35 ans, qui a accès à l’information en continu et, par conséquent, se désintéresse de l’actualité classique traitée par les médias traditionnels.

L’interview du groupe conspirationniste Mouvement du 14 juillet, le portrait d’un militant de l’ETA condamné ou le reportage photo sur les sans-abris de Sète font ainsi les gros titres du site, lu chaque mois par quelque 500 000 personnes. Et citoyen parce que c’est un «open journalism» que prône Street Press: «La rédaction est une boîte noire qu’on a voulu ouvrir, afin de recréer du lien entre ceux qui écrivent l’information et ceux qui la lisent», explique Johan Weisz-Myara. Et ainsi inverser les rôles, puisqu’à l’image de Rue 89 ou de Mediapart, le média ouvre ses colonnes à des contributeurs non journalistes (au nombre de 230 en 2014), qu’il accompagne dans la méthode d’investigation, la réécriture du texte et les vérifications des sources.

Formation continue

En parallèle, Street Press a mis sur pied la formation Street School qui, chaque année, forme gratuitement quinze jeunes (20 à 30 ans) sans diplôme ou expérience préalable, avec des intervenants comme Cécilia Gabizon (rédactrice en chef de Madamefigaro.fr et Lifestyle.fr), Serge Michel (directeur adjoint des rédactions du Monde) et Lucie Morillon (directrice nouveaux médias de Reporters sans frontières). L’objectif: «Faire entrer dans les rédactions des profils qu'elles n’ont pas», indique le fondateur, à savoir des personnes de tous horizons qui viennent aussi, quelquefois, compléter les rangs de Street Press.

Depuis peu, les projets de nouveaux médias y trouvent également un écho grâce au programme Media Maker qui sélectionnera d’ici à fin octobre les idées qu’il estime mériter d’être accompagnées et développées. Le tout permis par un business model fonctionnant à 80% sur la production de contenu éditorial pour des marques ou entité, tel l’Intersyndicat national des internes (Isni), pour lequel Street Press édite le magazine H. Les 20% restants de l'activité étant issus de la publicité.

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