Télévision
Pour émerger dans le marché toujours plus concurrentiel du dessin animé, producteurs et diffuseurs travaillent à la construction de véritables marques-programmes. Au cœur de leur stratégie, les nouveaux canaux de diffusion qu’offre le numérique et la diversification.

Qui seront les prochains Trotro, Peppa Pig ou Dora l’exploratrice, ces séries d’animation devenues les dessins animés préférés des enfants, des produits d’appel pour les chaînes qui les diffusent et même des cash machines pour leurs producteurs? Il y a quelques semaines, à Toulouse, au Cartoon Forum 2015, pas moins de 900 producteurs, investisseurs et distributeurs se sont réunis pour tenter de les détecter parmi 91 projets présentés.

Ce forum de coproduction consacré aux séries d'animation européennes a notamment mis en évidence Animanimals, une série allemande pour jeunes enfants, qui met en scène des animaux confrontés à des situations absurdes. La série n’arrivera peut-être sur nos écrans que dans deux ans mais déjà son producteur, Studio Film Bilder, a présenté aux investisseurs et diffuseurs présents dans la salle les produits dérivés qui pourraient en être tirés, comme des livres, des cartes à collectionner et des applications mobiles.

«Nous essayons de faire d’Animanimals une marque car c’est plus difficile qu’avant de financer une série d’animation uniquement par la télévision, y compris pour ceux qui ont déjà vendu leur programme dans plus de cent pays», justifie Thomas Meyer-Hermann, fondateur de Studio Film Bilder.

Mais ne devient pas Peppa Pig qui veut. «Pour qu’un programme original devienne une marque, c’est plus long et difficile qu’avant», estime Jean-François Tosti, l’un des trois fondateurs de la société TAT Production, qui s’est fait connaître grâce à la série d’animation Les As de la jungle, dont la deuxième saison sera prochainement diffusée sur France 3. «Une seule saison n’est plus suffisante. Le programme de licence arrive souvent avec le lancement de la deuxième saison», remarque-t-il.

Ce que confirme Tiphaine de Raguenel, directrice des activités jeunesse de France Télévisions et directrice des programmes de France 4. «La diversification ne fonctionne pas si un lien n’a pas d’abord été créé à l’antenne entre les enfants et l’univers du dessin animé. D’où l’importance de la stratégie de lancement, que nous travaillons comme si la série était déjà une marque-programme. Du succès de cette première étape découlera le reste», insiste-t-elle.

 

Des experts en jouet

 

Pour accélérer ce processus, certains n’hésitent pas à associer à la conception de la série un «toy master» (un expert en jouet), qui pourra, très en amont, influer sur le scénario et les choix artistiques en fonction de leur potentiel marketing. «Cela fait deux ans environ que des toy masters sont régulièrement associés à la conception de créations originales. Ils donnent leur avis sur la série en fonction du potentiel de licencing», explique Emmanuelle Baril, directrice des coproductions et du développement animation et fictions au pôle TV de Lagardère active.

 

Dans le cas de la série Zak Storm, pirate des sept mers par exemple, qui narre les aventures d’un jeune garçon contraint de se battre pour libérer ses amis, et qui sera diffusée en 2016 sur Canal J, ses concepteurs ont fait d’une épée magique l’un des éléments-clés de la série, le scénario idéal pour en vendre ensuite des millions dans les magasins de jouet du monde entier. «Les toy masters ne s’intéressent qu’aux séries d’action ou d’aventure et non aux comédies, car ce n’est pas ce type de programmes qui va déclencher des ventes de jouets», tempère Emmanuelle Baril.

 

 

 

Autre axe important pour faire d’une série d’animation une marque-programme, le numérique. Sites internet, applications mobiles mais aussi replay, VOD, ou encore chaînes You Tube: jamais les programmes n’ont disposé d’autant de fenêtres d’exposition. «Les différents supports disponibles, qu’ils soient linéaires ou numériques, facilitent la capacité à développer la notoriété et l’attachement sur tel ou tel programme. Dans cette phase de construction, la télévision reste un point de passage important mais elle n’est pas l’élément unique de notre stratégie de diffusion», souligne Tiphaine de Raguenel.

«Les nouveaux écrans sont aujourd’hui intégrés dans la demande des chaînes, ce qui nous encourage à développer des déclinaisons pour les supports numériques», note Luc Camilli, producteur chez Xbo Films. Sa série d’animation Kiwi, qui propose aux jeunes enfants de découvrir l’anglais en s’amusant et dont la deuxième saison sera prochainement diffusée sur France 5, se décline aussi en version multimédia.

 

«Pour les marques existantes, le numérique représente une opportunité pour se développer ailleurs qu’en télévision et ainsi pour davantage sortir du lot. L’étape d’après, c’est d’accrocher le public par ces nouveaux écrans, voire de penser des projets globaux dont la série serait une des composantes mais pas forcément le point de départ», projette Luc Camilli. Dans l'animation, la marque-programmme se pense aujourd'hui en famille...

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