Attentats du 13 novembre
Opérations de solidarité sur les réseaux sociaux, tirages et éditions spéciales de la presse écrite comme audiovisuelle... Les médias et le monde de la communication français se sont mobilisés de façon exceptionnelle après le 13 novembre.

Les réseaux sociaux
Bouton «safety check» sur Facebook, opérations #portesouvertes, #Noussommestousunis» ou #PrayforParis sur Twitter, hangouts gratuits de Google… Les grandes plateformes internet ont déployé de nombreux outils ou moyens pour venir en aide aux Parisiens après les attentats. Des manifestations de solidarité qui ont montré la puissance de ces réseaux: 5,4 millions de personnes ont ainsi utilisé le bouton d’urgence de Facebook qui permet d'envoyer le message «Je suis en sécurité» à tous ses contacts. Lundi, 360 millions de personnes avaient ainsi été avisées. Le hashtag #portesouvertes a déclenché, lui, un vaste mouvement d'entraide afin d’héberger pour la nuit les passants bloqués à l'extérieur par les attentats ou ne pouvant rentrer chez eux. Pour lutter contre les fausses rumeurs, Twitter proposait aussi de se rendre sur le compte de la Préfecture de Paris.
Un tel mouvement n’a pas empêché des critiques. Safety check, estime Lily Hay Newman sur Slate «ajoute un nouveau degré d’intimité à la relation entre les réseaux et leurs utilisateurs» en posant «une des questions les plus fondamentales de la vie». Et un attentat au Liban n’entraîne pas son déclenchement. «Nous avons décidé d'activer le “Safety Check” pour plus de catastrophes humaines», a décidé Mark Zuckerberg dimanche. Enfin, Matthieu Lietaert, sur le Huffington Post, dénonce «l’incohérence totale au niveau éditorial» d’un réseau «qui ne veut pas retirer des vidéos virales qui aident à semer la peur et la haine». Un double visage que le sociologue Jean-Marie Charon perçoit aussi comme «extrêmement lourd» et qu’il appelle à dénoncer: «Les réseaux ne sont pas que des moyens de transport, dit-il, quand leurs algorithmes bloquent la nudité. Ils sont liés à des valeurs.»
 
Les médias audiovisuels
A propos de la couverture des événements par les médias audiovisuels, une porte-parole du CSA a observé «un comportement plutôt vertueux». Le sociologue Jean-Marie Charon y décèle aussi «une tonalité générale beaucoup plus réfléchie et distanciée», comme si les attentats de janvier, qui avaient valu aux radios et aux chaînes de télévision 21 mises en demeure de la part du CSA, avaient servi de leçon. Au cours d’éditions spéciales, les dérapages majeurs semblent avoir été évités. BFMTV et I-Télé se sont abstenues pendant plusieurs heures de donner le nom du premier kamikaze identifié, du fait des perquisitions en cours. TF1 a fait le choix de ne pas informer ses téléspectateurs en plein match, afin d'éviter de déclencher une panique au Stade de France. L’absence d’images simultanées lors de l’intervention du Raid au Bataclan a aussi empêché que les médias ne concourent à la mise en danger de la vie d’autrui. «I-Télé a cessé le direct pendant 1 minute 45, pour ne pas effrayer les familles des otages», a confié aux Echos Guillaume Zeller, d’I-Télé. «Pas plus que nous n’avons évoqué le mode opératoire ou l’itinéraire des terroristes.» Toutes les chaînes ont-elles observé le même différé au moment crucial? Ce sera à un groupe de travail de quinze personnes du CSA de l’apprécier. Il lui reviendra aussi de voir s’il n’y a pas eu d’atteinte à la dignité de la personne, notamment lors des images de cadavres et de blessés. «Il ne faut pas d’identification possible des corps et considérer que devant une caméra, une personne en position fragile peut voir son jugement altéré», rappelle le CSA. Faut-il comme le demande le ministère de l’Intérieur, respecter le floutage des policiers ou mettre en cause des images douloureuses prises sur le vif pour 66 Minutes (M6)? «La famille Erignac s’était retournée contre des photos portant atteinte à sa dignité, mais les médias se sont défendus en disant que ce n’était pas tous les jours qu’on assassinait un préfet, rappelle Jean-Marie Charon. Ils se doivent de marquer l’importance de l’événement.»


Les journaux et magazines
Dans les kiosques, les quotidiens ont aussi multiplié les éditions spéciales. Libération est sorti exceptionnellement dimanche avec une «une» noire. Le Parisien a doublé son tirage samedi et dimanche, et publié une édition spéciale tirée à 100 000 exemplaires. Le 8 janvier, au lendemain de l'attaque contre Charlie Hebdo, la PQN avait vu ses ventes en kiosque bondir de 600 000 à 1 million d’exemplaires. L'Express («Comment gagner la guerre»), Le Point («Notre guerre»), Marianne («Nous serons toujours debout»), Paris Match et L'Obs se sont aussi mobilisés pour avancer leur publication et être présents en kiosque dès lundi. On n’y trouve pas de photos sanglantes du Bataclan comme dans les tabloïds britanniques. La vidéo du Monde sur la fuite hors de la salle de spectacles a été vue près de 17 millions de fois sur Dailymotion le 17 novembre. Jean-Marie-Charon salue aussi l’effort d’enquête et de fact checking de nombreux sites de presse, notamment les Décodeurs du Monde. «C’est là que les médias peuvent marquer leur différence et leurs spécificité». Un seul regret: «En plein déroulement de l’événement, on devait attendre les pubs pour accéder au contenu. C’est un manque de cohérence par rapport à l’info.»

 

L'événementiel

Que ce soit par solidarité, par respect ou par deuil, beaucoup d’événements ont été annulés ou reportés. Le monde des médias ou de la communication tourne au ralenti. Publicis, touché directement par ces attaques, a décalé sa finale du Start-Up Elevator. TF1, de son côté, a annulé son événement les «Ateliers», à propos de l’engagement radio. Beaucoup de présentations presse sont, elles aussi, reportées. Le cœur n’est pas à la nouveauté, mais aux souvenirs: Genius, Kaporal, le site Houzz ou les nouveaux programmes de France 3 Région ont ainsi choisi de ne pas prendre la parole. Les rassemblements publics sont également évités: c’est le cas pour l’enregistrement public de l’émission Répliques sur France Culture, ou les concerts Paris in Live de Virgin Radio. Enfin, avec des cœurs en berne, les événements purement festifs se voient, eux aussi, décalés. Comme le soixante-dixième anniversaire du magazine Elle, la soirée des hommes de l’année GQ, les trophées de l’environnement Europe 1 ou encore la soirée Médiamétrie qui était consacrée à la nouvelle version de son site Touch By Médiamétrie. Les lancements sont eux-aussi retirés du calendrier: l’avant-première du film Legend, organisé par Vivendi à l’Olympia, le renouveau du restaurant La Coupole ou encore la présentation de la nouvelle série réalisée par Golden Moustache en partenariat avec Dailymotion, Le Trône des Frogz, ont aussi été annulés. Certains ont préféré maintenir leur manifestation «pour continuer à avancer, la tête haute», comme les Prix Effie.

 

 

 


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