Audiovisuel
Trois ans après son arrivée à la tête de France Médias Monde, Marie-Christine Saragosse défend ses projets dans un contexte budgétaire compliqué. Et dessine, aux côtés de France Télévisions, Radio France et l’INA, les contours de la future chaîne publique d’information.

Quelle sera la contribution de France 24 à la future chaîne publique d’information, portée par la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, et par Mathieu Gallet, patron de Radio France?

Marie-Christine Saragosse. Je pense que le projet de chaîne publique d’information est là pour mobiliser tout le savoir-faire du service public, et qu’il est donc porté aussi par France Médias Monde, qui est membre du comité de pilotage aux côtés de Radio France et de France Télévisions. France Télévisions a la chance d’avoir un enracinement très fort en France avec France 3 et le réseau 1ère. Cette connaissance fine du pays sera l’atout d’une chaîne qui sera nationale et qui va s’adresser prioritairement à la France, aux Français, aux enjeux franco-français, mais avec une nécessaire ouverture sur le monde grâce à l’apport de France 24. Nous avons proposé d’assurer la tranche de nuit, et d’autres tranches d’offres complémentaires, sur le modèle de ce qui se fait au Royaume-Uni avec BBC World News. Nous proposons également de fournir des sujets, d’assurer des duplex, de mettre à disposition les contributions de notre réseau de correspondants… Côté France 24, cette future chaîne pourrait nous permettre de montrer notre savoir-faire en France, où nous sommes moins connus que dans certains pays à l’étranger. Mais nous pesons seulement pour 7% dans le budget de l’audiovisuel public, pour faire trois chaînes de télévision, une radio (RFI) en 14 langues et une radio arabophone, MCD. Nous ne pourrons donner à cette nouvelle chaîne que ce que nous avons.

 

Où en êtes-vous du projet de contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Médias Monde, qui fixera les grandes orientations du groupe pour la période 2016-2020?

M.-C.S. Avant de s’intéresser au prochain COM, commençons par nous demander si nous avons réalisé notre COM actuel: et oui, nous l’aurons réalisé à 100% pour ce qui dépend de notre propre maîtrise. Nous avons singularisé nos antennes, renforcé nos langues étrangères, lancé RFI en mandingue, revisité toutes nos offres numériques, accru de 50% la distribution de France 24 et augmenté fortement l’ensemble de nos audiences… Il reste encore à signer l’accord d’entreprise, ce qui, je l’espère, aboutira avant le 31 décembre. En revanche, le développement de notre présence radio en France, qui ne dépend pas de nous, ne sera pas réalisé, ce que je regrette dans la démarche de cohésion sociale qui, plus que jamais après le 13 novembre, doit être la nôtre. Malgré le succès de l’expérience de RFI à Marseille avec Monte Carlo Doualiya en décrochage, nous ne sommes toujours pas dans cette ville, et en Ile-de-France, MCD et les langues étrangères de RFI ne sont pas présentes sur la radio numérique terrestre.

 

Et pour le COM 2016-2020?

M.-C.S. Nous avons rendu notre projet début mai et nous attendons les arbitrages de la tutelle. Pour l’instant, nous ne connaissons que le budget 2016, et celui-ci ne permet pas de lancer France 24 en espagnol. Le reste de notre projet est le prolongement de notre stratégie actuelle, avec tout d’abord la priorité donnée aux contenus, dans une démarche de cohésion sociale et de compréhension de nos valeurs et de notre art de vivre à la française à l'étranger, puis la poursuite de notre stratégie numérique en misant sur la mobilité et les réseaux sociaux. Cela passe notamment par les nouvelles écritures, d’où l’accord de France 24 avec le site Mashable en français, dont nous serons le responsable éditorial et qui sera lancé début 2016. Enfin, la télé et la radio se consomment encore beaucoup sur les supports traditionnels et donc nous avons des enjeux autour de la TNT en Afrique et de la HD dans certaines zones. Pour RFI, nous voulons également poursuivre le développement de nos langues. Pour tout le groupe enfin, il s’agit de communiquer davantage, car faire sans faire savoir n’est que ruine de l’art!

 

Après les attentats qui ont frappé Paris et Saint-Denis le 13 novembre dernier, quel doit être le rôle de RFI et France 24?

M.-C.S. Les chaînes de RFI en français et en langues étrangères ont toutes réalisé des éditions spéciales. Il est important pour nous que la planète entière, dans ses langues maternelles, soit nourrie au plus près de ce qu’il se passe, avec une information très rigoureuse et soucieuse de l’équilibre des points de vue. Il en va de même pour France 24. Notre mission est aussi de raconter le monde à la France. Notre dimension mondiale nous expose plus que d’autres médias aux invectives et aux menaces. C’était plus violent encore en janvier avec Charlie Hebdo car la notion de blasphème était en cause. Et notre rôle face à tout cela, c’est d’une certaine façon la lutte contre l’ignorance, les stéréotypes et la bêtise.

 

Vous étiez le 19 novembre à Bucarest pour célébrer les 25 ans de RFI Romania. Quel était l’objectif de cette journée d’émissions spéciales?

M.-C.S. Nous avions d’abord envie de saluer les équipes de RFI Romania, qui depuis vingt-cinq ans font un travail formidable, permettant à la station de devenir la première radio pour les cadres dirigeants roumains. Cette journée est aussi une façon pour nous de mettre un coup de projecteur sur la radio car il ne faut jamais oublier de se faire connaître davantage et d’aller chercher d’autres publics. Nous avons enfin un enjeu de distribution sur la Roumanie. Nous avons quatre fréquences, plus une en Moldavie, et nous trouvons dommage de ne pas avoir une couverture plus large. Cela limite notre audience alors que nous sommes une radio d’ouverture sur l’Europe et sur le monde.

 

Vous achevez votre mandat dans deux ans. Serez-vous candidate à un deuxième mandat?

M.-C.S. J’ai été élevée dans le culte d’Albert Camus, puisque je suis née comme lui en Algérie, et j’ai fait mienne sa devise: «La générosité envers l’avenir, c’est de tout donner au présent.» Toute ma vie, je ne me suis jamais posé la question de ce que j’allais faire après. Et d’ailleurs, quand je me suis interrogée sur l’opportunité de faire telle ou telle chose, ce n’est pas forcément ce qui m’a le plus réussi! [Marie-Christine Saragosse a été candidate à la présidente de France Télévisions en début d'année]

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