Cette fois aura été la bonne. Après deux refus de passage en clair, en 2011 et en 2014, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a autorisé jeudi 17 décembre la diffusion gratuite de LCI. Il a estimé que «la chaîne n’avait plus d’avenir économique dans l’univers de la télé payante et que son accès gratuit contribuera au pluralisme et à l’intérêt du public». Sur le plateau de C à vous sur France 5, Olivier Schrameck, le président de l'instance de régulation, a déclaré qu'il avait été «sensible au désarroi des équipes rédactionnelles de LCI» et que des engagements avaient été pris pour qu'il n'y ait pas de promotions croisées entre cette chaîne d'information et TF1. Dans une interview à l'AFP, il a par ailleurs estimé qu'il y a 18 mois, «il était encore possible de penser qu'une chaîne d'information sur la TNT payante pouvait trouver sa voie» et que «que faire passer LCI en gratuit à la mi-2014 aurait fragilisé BFMTV, qui n'avait pas encore trouvé la place».

 

La précédente demande de passage en gratuit de la part de LCI avait été retoquée par le CSA le 29 juillet 2014. Cette décision avait été annulée par le Conseil d’Etat le 17 juin 2015 en raison de la publication d'une étude d'impact du marché publicitaire par le CSA effectuée en même temps que ce dernier prenait sa décision. Désavouée pour ce vice de forme, l'instance a donc été dans l’obligation de reconduire la procédure. Toutefois, durant cette période, plusieurs éléments externes ont modifié le paysage audiovisuel.

 

Olivier Schrameck a cité sur France Inter la reprise de Next Radio TV (BFMTV) par le groupe Altice ou la prise de fonction de Vincent Bolloré à Canal+ (I-Télé). Adossés à ces actionnaires puissants, les deux chaînes d'info présentes sur le gratuit ne souffriraient plus, selon lui, de l'arrivée d'un acteur dominant dans l'information et la publicité TV (où sa part de marché est estimée à 46%). Il n'y avait donc plus de raison, toujours selon le président du CSA, de ne pas laisser s'exercer la libre concurrence. L’appétence des téléspectateurs pour l’information, notamment en raison de l’actualité tragique, a aussi certainement influencé la décision des membres de l'instance.

 

LCI sur le canal 26



Le projet présenté par TF1 «n'est plus en concurrence frontale avec I-Télé et BFM TV, mais se positionne sur un créneau susceptible de préserver des revenus publicitaires pour tout le monde. Et TF1 s'est engagé à ne pas abuser de sa position dominante: pas de publicité couplées, pas de promotions croisées», a précisé Olivier Schrameck.

 

Nonce Paolini, le PDG du groupe jusque mi-février, a assuré que la chaîne gratuite LCI - dont le logo a évolué pour présenter des angles plus arrondis - commencera à émettre début janvier. Codirigée par Jean-François Mulliez et Nicolas Charbonneau, elle recevra un investissement supplémentaire de 20 millions d'euros en 2016. Elle table sur une audience qui lui permettrait d'atteindre l'équilibre «dans les plus brefs délais», en 2018 ou 2019. La directrice de l'information, Catherine Nayl, «ne s'interdit pas d'aller recruter ailleurs des talents».

 

Lors de leur audition devant le Conseil, les dirigeants de LCI ont aussi pris l'engagement de consacrer 80% de la grille aux programmes d'information, dont 30% pour les JT. Une nouvelle grille devrait être construite pour septembre 2016. «On va essayer de traiter tous les aspects de l’actualité, y compris de l’actualité de la consommation par exemple ou de la culture, et je pense qu’on aura là le moyen de donner des explications, de donner des clefs pour comprendre», a déclaré Nonce Paolini sur RTL le 18 septembre. Le patron de TF1 a également confirmé que LCI va demander à s'installer sur le canal 26, après Chérie 25, «alors que les deux chaînes info sont côte à côté sur le canal 15 et 16 sur la TNT, donc on a beaucoup de handicaps».

 

«Pressions extérieures»

 

Alain Weill, le président de Next Radio TV a affirmé de son côté que cette décision pouvait «déstabiliser profondément les deux chaînes d’information gratuites existantes». «Pour la première fois depuis la CNCL, le régulateur, en cédant aux nombreuses pressions extérieures, a choisi de renforcer un acteur historique dominant au détriment d’un nouvel entrant et de l’intérêt pour le téléspectateur», accuse un communiqué qui précise que le groupe examinera les «voies de droit qu'il va engager devant les juridictions compétentes» et qu'il présentera en début d'année «les mesures qui vont s’imposer tant en terme d’organisation que d’emplois». «Effectivement, nous allons lancer une procédure contre la décision du CSA devant le Conseil d'Etat qui est la juridiction compétente», a-t-il ajouté ce vendredi sur France Info.

 

Nonce Paolini lui a répondu vendredi en dénonçant «l'activisme forcené d'Alain Weill» avant le dernier refus de juillet 2014, parlant de «forcing» et de «bourrage de crâne». «On n'a fait pression sur personne, a-t-il déclaré, si Alain Weill a des informations, qu'il les donnent, qu'il apporte des témoins, tout cela n'est pas sérieux.»

 

Jeudi, le CSA a refusé le même changement de statut pour Planète+ (Canal+) et Paris-Première. L'éditeur de cette dernière, M6, a annoncé qu'il saisira le Conseil d'Etat pour faire annuler cette décision qui met «en péril» la chaîne. De son côté, le groupe Canal +, éditeur de Planète +, a expliqué qu'il ne renoncait pas à ce passage en clair.

 

«Avec une chaîne d’information supplémentaire sur la TNT, la France devient le pays au monde avec le plus de chaînes d’information gratuites alors que ces chaînes, en particulier I-Télé, peinent à trouver un équilibre économique sur une thématique structurellement très coûteuse et dans un marché publicitaire en décroissance. La viabilité de l’ensemble des chaînes s’en trouve menacée», estime Canal+ alors que l'hypothèse d'un lancement sur la TNT de la future chaîne d'information de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA semble se préciser pour la fin 2016.

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