Télévision

Le Conseil d'Etat a annulé la décision du CSA qui avait retiré son autorisation à la société qui exploite la chaîne Numéro 23, a-t-il annoncé le 30 mars, estimant que la «fraude» invoquée par le CSA «n'est pas démontrée». Le Conseil supérieur de l'audiovisuel avait décidé en octobre de retirer à la société Diversité TV de Pascal Houzelot son autorisation d'émettre pour sa chaîne Numéro 23, une première dans l'histoire du CSA. Dans un communiqué, Numéro 23 s'est «félicitée de la décision du Conseil d'Etat rendue ce jour, qui rétablit enfin la chaîne pleinement dans ses droits».

C'est un désaveu pour le CSA, qui le 14 octobre, dans une décision exceptionnelle, avait ordonné la fermeture de Numéro 23, arme ultime qu'il n'avait jusque-là jamais employée contre un média. Il avait bloqué en même temps son projet controversé de vente au groupe Next Radio TV (BFM TV, RMC) pour 88 millions d'euros, projet auquel la chaîne a renoncé depuis et qui avait déclenché l'intervention du CSA.

Programmes controversés

Le régulateur de l'audiovisuel avait en effet estimé que ce projet de vente, deux ans et demi seulement après le lancement de la chaîne, constituait une spéculation frauduleuse sur la fréquence publique attribuée gratuitement par l'Etat. Pour le CSA présidé par Olivier Schrameck, la démarche du PDG Pascal Houzelot, actionnaire à 70% de la société, constituait un «abus de droit entaché de fraude».

Le CSA n'avait pas été le seul dans ses critiques: le projet de vente avait déclenché un tollé chez de nombreux politiques et responsables de l'audiovisuel. Frédéric Mitterrand, ancien ministre de la Culture, avait même parlé de «braquage». Conséquence de cette indignation: un amendement fin 2015 a porté la taxe sur les reventes de chaînes de la TNT à 20%, contre 5% précédemment.

Les membres du CSA reprochaient aussi à la chaîne de ne pas respecter ses engagements sur la diversité et critiquaient ses programmes, notamment la place de ceux consacrés au tatouage (Ink Master). 

Pacte d'actionnaires

Pascal Houzelot avait reçu en 2012 du CSA (alors présidé par Michel Boyon) une fréquence pour lancer une chaîne consacrée à la diversité, avec le soutien d'hommes d'affaires comme Bernard Arnault et Xavier Niel. Il avait ensuite fait entrer fin 2013 à son capital le groupe russe UTH, à hauteur d'environ 15%, concluant un pacte d'actionnaires qui prévoyait une «cession rapide» selon le CSA. Or à l'époque il n'avait pas encore le droit de revendre sa chaîne.

Le CSA avait prononcé l'interdiction de la chaîne à compter de juin 2016, délai qui a permis à Pascal Houzelot de présenter son recours en Conseil d'Etat. Très soulagé, Pascal Houzelot a déclaré mercredi à l'AFP être «très heureux que justice soit rendue, en particulier que le Conseil d'Etat ait écarté totalement toute notion de fraude, et que la décision illégale du CSA concernant la chaîne ait été cassée».

«Le projet de cession de Numéro 23 au groupe NextRadioTV ne plaisait pas au CSA, qui a décidé d'inventer une fraude qui n'existait pas», a renchéri son avocat François Sureau.

Appel au législateur

Si un rachat n'est plus d'actualité, ces projets pourraient recevoir le soutien du groupe Next Radio TV, a déclaré son patron Alain Weill au journal Libération. «Nous pouvons réfléchir à une association, apporter des moyens financiers pour que Numéro 23 se développe. Nous n'avons pas perdu le contact, nous nous reverrons dans les semaines qui viennent», a déclaré Alain Weill.

C'est la seconde fois en un an que le Conseil d'Etat contredit le CSA: en juin 2015, il avait annulé sa décision de refuser le passage en gratuit des chaînes LCI et Paris Première. Le régulateur a depuis changé d'avis et autorisé la gratuité pour LCI, mais pas Paris Première.

Le maintien de Numéro 23 risque de décevoir ceux qui convoitaient sa fréquence, comme M6 pour Paris Première.

Réagissant à la décision d'annulation, le CSA en a appelé au législateur. Alors que sa mission est de «garantir une saine gestion des fréquences» et «faire en sorte que celles-ci soient attribuées à des opérateurs qui les utilisent conformément à leurs engagements avec rectitude et probité», «en l'état de la législation, il ne lui est pas possible de remplir pleinement sa mission en sanctionnant les comportements des chaînes contraires à ces objectifs», a indiqué le CSA.

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