Quotidiens
Six mois après le rachat du Parisien-Aujourd’hui en France par LVMH, Francis Morel, patron des activités médias du groupe de luxe, explique la stratégie qu’il compte mettre en place ces prochains mois pour relancer le quotidien.

En quoi va consister la nouvelle formule du Parisien-Aujourd’hui en France prévue pour la rentrée?

Francis Morel. Il faut accentuer encore la proximité, la fonction d’intermédiaire du journal entre les lecteurs et leur vie quotidienne. Etre un journal de proximité est extrêmement important, c’est pourquoi nous allons augmenter les pages locales mais aussi décliner cette notion de proximité, qui n'est pas que géographique, à travers tout le journal. A la différence d’autres journaux, nous sommes proches des gens. Nous serons dans l’explication, l’assistance, la proximité avec des pages étoffées sur ce domaine. Cette nouvelle formule sera lancée le 15 septembre. Notre magazine mensuel La Parisienne va être ensuite remis à plat à la fin de l’année. L’idée n’est absolument pas de le rapprocher de Série limitée, des Echos, lequel va être tiré encore plus dans le haut de gamme, le luxe, le «how to spend it» [du nom supplément du Financial Times]

 

Le site internet du Parisien va-t-il évoluer aussi?

F.M. Oui, dès la fin juin, le site sera amélioré en termes d’expérience utilisateur, en étant plus convivial. Nous allons mettre en place une forme de paywall, différent de celui des Echos, mis en place fin 2012. Il faut des compteurs car il n’est pas illogique de vendre la qualité éditoriale. Il y aura tout un travail marketing avec du paiement à l'acte. Nous allons aller assez loin dans la gamification afin de rendre ce paywall facile, plaisant et ludique, et qu'il ne soit pas vécu comme étant un mur. Si la finalité est identique, les modalités de ce paywall seront très différentes.

 

Quels vont être les liens entre Le Parisien et Les Echos?

F.M. Nous voulons nous servir des expériences de l’un pour l’autre. Par exemple, Le Parisien a été le premier à adopter Instant articles de Facebook. Compte tenu des résultats, nous allons y aller avec Les Echos, probablement en septembre. Pour AMP de Google, nous l’avons testé sur Les Echos et nous allons maintenant voir comment nous pouvons l’adapter, avec certaines modifications, pour Le Parisien. C’est l’intérêt d’un groupe d’avoir des exemples que nous pouvons reproduire après adaptation. Il doit y avoir des échanges d’expériences. Mais le lecteur du Parisien n’est pas le même que celui des Echos. Quand j'entends certains de mes confrères qui veulent copier ce qu'ils font par ailleurs, j'estime que c'est une erreur. Les lectorats n'ont rien à voir: ils sont d'un bout à l'autre du spectre de la presse quotidienne, même si on observe en province un recouvrement sur les patrons de PME.

 

Sur le plan publicitaire, quel est l’intérêt d’avoir racheté Le Parisien?

F.M. Plus la banque de données est large, plus nous sommes riches en termes de data et plus nous pouvons vendre de choses cohérentes à nos annonceurs. C’est pour ça que nous avons proposé à L’Equipe de rejoindre notre base de données. En la matière, être isolé n’est pas une très bonne solution. A l’occasion de la nouvelle formule du Parisien à la rentrée, nous allons lancer un certain nombre de choses, que nous annoncerons en juillet, et dont certaines seront communes avec Les Echos.

 

Discutez-vous toujours avec la PQR pour décliner en région Le Parisien magazine?

F.M. Il y a eu des discussions avec des titres de PQR mais elles n’ont pas abouti. Pour poursuivre, il faut être deux, nous n’avons pas réussi à nous mettre d’accord. Le sujet reviendra peut-être un jour sur la table. Compte tenu de ce qu’est Le Parisien, c'est une idée intelligente de décliner des magazines avec la PQR, mais nous avons tous nos problèmes, nos priorités. Nous verrons en 2017.

 

Il se dit que si le Crédit mutuel venait à se désengager de la presse quotidienne régionale, LVMH pourrait regarder le dossier. Est-ce exact?

F.M. C’est totalement fantaisiste. Je ne dis pas qu’on le regardera pas mais jamais ça n’a été abordé, jamais ça n’a été envisagé. Je connais très bien Michel Lucas, j’ai de très bonnes relations avec lui; pour le moment, il ne veut pas ouvrir le dossier. De plus, je ne me vois pas aller voir mon actionnaire maintenant et lui proposer de faire un autre pari alors que nous sommes au début de la traversée avec Le Parisien-Aujourd’hui en France.

 

Quelle est votre feuille de route?

F.M. Ce que je veux surtout, c’est inverser la tendance à la baisse de la diffusion [-6,4% pour Le Parisien en 2015, -6,2% pour Aujourd’hui en France, ndlr] d’ici 2017-2018 et redonner du dynamisme et de l’attractivité au titre. Ce n’est pas Le Parisien qui va mal, mais la vente au numéro, et Le Parisien prend cela de plein fouet. Ce n’est pas pour autant qu’il faut s’en satisfaire ; il faut également aller chercher d’autres canaux de vente comme le portage.

 

Quels sont vos projets autour de la vidéo?

F.M. Nous avons d’assez gros investissements dans le groupe au niveau de la vidéo. Le Parisien est déjà très développé en la matière, plus que ne l’était Les Echos. Nous allons mettre en place ce projet vidéo dès le mois de juillet et nous irons plus loin en septembre-octobre.

 

Avez-vous regardé le dossier d'une chaîne d'info?

F.M. Dans le cas de LCI comme d'I-Télé, les pertes sont très élevées et personne ne sait comment transformer ces pertes en bénéfices. Donc oui, nous pouvons être attirés par le concept en se disant que c’est intéressant de compléter ce que nous avons sur le quotidien avec de la télé, mais c’est beaucoup de pertes.

 

Quel regard portez-vous sur la convergence médias-télécoms?

F.M. Cette complémentarité que veut mettre en place Altice entre des médias de presse écrite d’information, radio et télé, est vraiment intéressante, même si, derrière, la mise en musique n’est pas simple. Pour nous, c’est une interrogation et peut-être une menace. Quand on a la puissance de frappe de la presse écrite, de la radio et de la télé réunis, on est évidemment plus puissant que quand on n’a que de la presse.

 

Quelles sont les relations que doivent avoir les journalistes des Echos ou du Parisien avec le groupe LVMH?

F.M. C’est un acteur de l’économie comme les autres, qui est traité comme les autres, pas différemment, et ça se passe très bien comme ça.

 

Au Parisien, les journalistes disent s’être autocensurés sur le film Merci patron. Qu’en pensez-vous ?

F.M. Je ne suis pas de cet avis. Je crois qu’ils ne se sont pas autocensurés. En revanche, au moment du lancement, c’était quelque chose de très marginal, avec 18 salles en France seulement. Ensuite, c’est devenu un phénomène politique. Est-ce qu’on est là pour se faire l’écho d’un mouvement politique ? Maintenant, c’est Nuit debout et on en parle.

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