Dossier Marketing sportif
L’opposition entre le FC Barcelone et le Real Madrid va bien au-delà du football, voire du sport. Elle a permis aux deux clubs d’être les deux plus puissantes équipes du monde.

Cent millions! Fin mars, les deux géants du football mondial, les clubs espagnols du FC Barcelone et du Real Madrid, se sont livrés à une lutte acharnée sur les réseaux sociaux. D’un côté on promettait des maillots dédicacés de Lionel Messi, de l’autre de Cristiano Ronaldo. L’objectif? Etre le premier à atteindre les 100 millions de fans sur Facebook. C’est Madrid qui a gagné ce classico digital. Samedi 1er avril, le club se vantait d’être «la première marque du monde à atteindre ce total historique»… juste une poignée de minutes avant que son rival catalan franchise cette barre symbolique.

«Cette lutte à mort a coûté plusieurs millions d’euros et est vraiment symptomatique de la concurrence que se livrent les deux clubs, commente Gilles Dumas, coprésident de Sportlab. Nous sommes dans une opposition qui peut prendre des propositions hallucinantes.» Bien au-delà du simple fait sportif et des classico, comme celui de dimanche 23 avril (où le Barça s'est imposé sur le terrain du Real). «Il n’existe pas de grands champions sans grandes oppositions, explique Vincent Chaudel, expert sport du cabinet Wavestone. Real/Barça, c’est le club symbole du roi d’Espagne, le Real Madrid, face à la résistance catalane du FC Barcelone, qui se bat contre le pouvoir politique de la capitale.»

«Beaucoup d’éléments les rapprochent, notamment le système des socios [supporters actionnaires], observe Gilles Dumas. Mais c’est l’expression identitaire et politique qui les sépare, comme celle qui oppose, avec la violence en plus, les deux clubs argentins de Buenos Aires, Boca Juniors et River Plate.» Des rivalités qui n’ont rien de comparable avec notre affrontement national, PSG/OM, né dans les années 1990 avec l’aide de Canal+.

Des valeurs différentes

Pour autant, les deux clubs espagnols sont très proches côté business. Selon le dernier classement annuel dressé par le cabinet britannique d'audit Deloitte, ils affichent un volume d’activité quasiment identique, à un peu plus de 620 millions d’euros pour l’année 2016. Seul le club anglais Manchester United fait mieux, avec 689 millions d’euros. Si le Real Madrid engrange un peu plus de droits TV (227,7 millions d’euros contre 202,7 millions), le FC Barcelone prend de l’avance en marketing (296,1 millions d’euros contre 263,4 millions). Le duo, encore un point commun, affiche une compagnie aérienne du Moyen-Orient comme partenaire principal: Qatar Airways pour le Barça, Emirates pour le Real.

En revanche, la confrontation entre les deux marques sportives s'intensifie concernant les équipementiers. L’institutionnel Adidas, sponsor des grandes compétitions internationales, est associé au Real Madrid. Le transgressif Nike, lui, vient de prolonger pour dix ans avec Barcelone, pour 150 millions d’euros par saison. De quoi échauffer les dirigeants du club madrilène dont le contrat avec Adidas, qui arrive à échéance en 2020, ne leur rapporte que 40 millions annuellement. Début 2016, le quotidien sportif espagnol Marca évoquait un nouvel accord à 140 millions. Qui n’a, à ce jour, pas encore été officialisé.

Dans son rapport 2016, l’agence de notation Brand Finance a classé le FC Barcelone comme la plus puissante des marques de football. Les Catalans bénéficient d’un score BSI (Brand Strength Index) de 95,2 sur 100 et de la cote maximale AAA+, tout comme le Real Madrid, distancé par son concurrent… d’un dixième de point. «Les deux marques ont une puissance identique, mais elles n’ont pas les mêmes valeurs, assure Michael Tapiro, président de Sport Management School. Madrid, c’est le club des stars, celui des Galactiques de Cristiano Ronaldo ou Gareth Bale. Barcelone est reconnu pour son style de jeu et des joueurs recrutés jeunes, comme Lionel Messi ou Neymar. Toutefois, les deux marques sont clairement universelles.»

Pérenniser les ressources

Car cette opposition nationale, qui remonte à l’après-guerre, se joue depuis quelques années à l’échelle planétaire. Début avril, le FC Barcelone a signé avec son cinquième partenaire chinois, la société immobilière Shimao Group, dans l’espoir d’implanter dans le pays des centres de formation estampillés Barça. Le Real n’est pas en reste. Début 2017, le club était à Pékin pour y dénicher de nouveaux sponsors.

Dans ce contexte, une bataille de chiffonniers pour atteindre les 100 millions de fans sur Facebook prend toute son importance. «Ce n’est pas qu’un concours d’ego, confirme Vincent Chaudel, de Wavestone. Les clubs travaillent à leur survie, notamment à dix ans, quand le football se regardera peut-être sur les réseaux sociaux et que la relation avec le consommateur final sera directe.» De quoi trouver des ressources pérennes dans un contexte sportif où, même si l’on s’appelle Barcelone ou Real Madrid, on ne gagne pas la Ligue des champions tous les ans.

Le classico

FC Barcelone.

Revenus: 620,2 millions d’euros. Facebook: 101,3 millions de fans. Instagram: 48,9 millions. Twitter: 20,8 millions. Equipementier: Nike (150 millions d'euros par an). Sponsor principal: Qatar Airways (40 millions d'euros par an).Real Madrid.

Revenus: 620,1 millions d’euros. Facebook: 101,4 millions de fans. Instagram: 47,9 millions. Twitter 23 millions. Equipementier: Adidas (40 millions d'euros par an). Sponsor principal: Emirates (35 millions d'euros par an). 

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