Presse en ligne
Face aux revendications des éditeurs de presse, qui veulent pouvoir mieux vendre leurs contenus en ligne, les deux géants américains semblent prêts à assouplir leur modèle. Jusqu’où ?

L’ère du tout gratuit est bel et bien révolue. Après s’être généralisé sur les sites média, éditeurs de presse en tête, le payant devrait prochainement gagner du terrain sur les plateformes des Gafa. Google a annoncé le 2 octobre le lancement de nouveaux outils visant à aider les éditeurs à gagner des abonnés. Jusque-là, pour pouvoir être référencés, ils devaient offrir au moins trois articles par jour à l'internaute qui y accédait depuis le moteur de recherche ou depuis Google Actualités. Effet collatéral : cette politique baptisée le « premier clic gratuit » permettait aux internautes de contourner les paywalls des sites média en tapant le titre de l’article payant sur Google pour pouvoir y accéder gratuitement.

Désormais, les éditeurs peuvent offrir le nombre d’articles qu’ils veulent, voire n’en proposer aucun gratuitement sans courir le risque d’être moins bien référencés sur Google et ainsi se couper d’une source de trafic non négligeable. « Je pense vraiment que Google et les éditeurs de presse ont un intérêt commun. Nous voulons aider les éditeurs à trouver de nouveaux lecteurs et à les transformer en clients qui payent », a assuré au cours d’une conférence téléphonique Philipp Schindler, un des dirigeants du groupe.

De son côté, Facebook va déployer ces prochaines semaines un programme permettant aux éditeurs de presse de vendre des abonnements numériques directement au sein de la plateforme. Parmi la vingtaine d’éditeurs qui devraient être au lancement, le Washington Post, The Economist et des titres allemands. Selon Ken Doctor, célèbre analyste des médias aux États-Unis, Facebook ne prélèverait pas de commission sur les abonnements ainsi souscrits, mais exigerait des éditeurs qu’ils offrent dix articles par mois avant de demander aux utilisateurs d’ouvrir leur porte-monnaie.

Nouvelles audiences.

« Si les éditeurs de presse sont à ce point centrés sur la vente d’abonnements payants aujourd’hui, c’est en raison du poids pris par Google et Facebook sur le marché de la publicité digitale », rappelle Bertrand Gié, directeur des nouveaux médias au Figaro. Selon les chiffres publiés cet été par le Syndicat des régies internet (SRI), Google et Facebook ont capté à eux seuls 71 % de la publicité digitale au premier semestre, et même 96 % de la croissance enregistrée sur la période. Pour les médias, il y a urgence à récupérer une partie de la valeur.

« Nous sommes confrontés à une double problématique : d’un côté, nous sommes sur un partage de la valeur en défaveur des éditeurs ; de l’autre, ces plateformes étant massivement utilisées, nous, éditeurs, nous nous devons d’y être présents sans quoi nous allons disparaître », insiste Johan Hufnagel, directeur en charge des éditions de Libération. C’est dans cette logique que le quotidien a choisi d’aller sur Instant Articles, ce format lancé par Facebook en avril 2016 et qui permet la diffusion au sein de l’écosystème Facebook d’articles de médias partenaires en échange d’un partage des revenus publicitaires. D’emblée, un certain nombre d’éditeurs, comme Le Monde ou Le Figaro, ont fait le choix de ne pas en être, préférant rester maître, sur les plateformes, de la distribution de leurs contenus . D’autres y ont vu le moyen de toucher de nouvelles audiences et avec des recettes publicitaires additionnelles.

L’idée de Facebook est désormais de permettre la diffusion au sein d’Instant Articles de contenus payants et ainsi d’aider les éditeurs à trouver de nouveaux abonnés. « Le vrai enjeu derrière tout ça n’est pas seulement de permettre aux éditeurs de vendre des abonnements sur ces plateformes mais de les aider, avec la data, à identifier les utilisateurs qui sont potentiellement de futurs abonnés », note Emmanuel Parody, secrétaire général du Geste, le syndicat des éditeurs de contenus et de services en ligne.

Projet Nonio.

C’est dans cette logique que Google a également annoncé le 2 octobre travailler à des solutions utilisant le machine learning dans le but d’« aider les éditeurs à identifier des abonnés potentiels et à présenter la bonne offre à la bonne audience, au bon moment ». Car selon le profil de l’internaute, la conversion en abonnement peut être plus ou moins longue, voire vaine... D’où l’intérêt de pouvoir détecter parmi les millions d’utilisateurs qui se rendent chaque mois sur Google ou Facebook ceux qui seront les plus susceptibles de s’abonner.

Reste que certains éditeurs ne souhaitent pas partager leur data avec les Gafa. À l’occasion de la rencontre DIG Lisbonne, qui vient de se tenir au Portugal, les représentants des six principaux groupes média portugais ont présenté une initiative commune, Nonio, destinée à contrer Google et Facebook en mutualisant leur data. L’utilisateur, lui, utilise un identifiant unique pour se connecter à l’ensemble des sites. « Cette plateforme commune permet de mieux qualifier l’audience de ces éditeurs, ce qui rend plus facile l’identification des abonnés potentiels », rapporte Emmanuel Parody. Une initiative qui n’est pas sans rappeler l’alliance Gravity en France qui n’est pour l’instant qu’un front publicitaire anti-Google et Facebook. À quand une utilisation de Gravity à des fins marketing ?

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