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La chaîne Cinémoi, diffusée sur B Sky B, entend proposer une vision panoramique du cinéma français, au-delà de la Nouvelle Vague.

Le cinéma, disait François Truffaut, est l'art de faire faire de jolies choses à de jolies femmes. Et les réalisateurs français semblent particulièrement exceller à cet exercice si délicat. Car si le cinéma français est le premier, après l'américain, à être diffusé en langues étrangères dans les salles obscures mondiales, c'est avant tout grâce à ses actrices.

Comme le résume Julien Planté, directeur artistique de la chaîne Cinémoi consacrée au septième art hexagonal, «les stéréotypes sur le cinéma français perdurent : il est vu comme intello, sexy, voire les deux à la fois. Et cette image sulfureuse provient en bonne partie d'actrices mythiques comme Catherine Deneuve dans Belle de jour ou Anna Karina dans les films de Godard.»

 

Dans l'esprit des étrangers, le cinéma français serait donc réductible à la Nouvelle Vague ? Avec Cinémoi, lancée en mai 2009 à Londres et diffusée sur le bouquet satellitaire de Rupert Murdoch, B Sky B, Olivier Bengough et Julien Planté ambitionnent de proposer un plus large panorama.

Le premier, fervent francophile, est le propriétaire de nombreux clubs londoniens, dont la fameuse salle de concerts Koko, et l'actionnaire majoritaire de la chaîne. Le second a longtemps dirigé le Ciné Lumière, la salle de l'Institut français à Londres. «J'ai pu, au contact du public, voir quels films parlaient aux Britanniques», raconte le jeune homme, qui, fort d'un carnet d'adresses constitué lors de cette période, a attiré des parrains comme Bertrand Tavernier et Jane Birkin.

 

Un objectif de 15 000 abonnés

 

Et au box-office, les productions made in France tirent leur épingle du jeu : UnProphète, de Jacques Audiard, fait un carton en salle, tandis que Ne le dis à personne, le thriller de Guillaume Canet a fait lors de sa sortie autant d'entrées que La Môme avec Marion Cotillard, rebaptisé La Vie en rose à l'export.

Un comble pour des spectateurs qui, paradoxalement, s'intéressent peu à leur propre cinéma. Des réalisateurs comme Mike Leigh ou Ken Loach sont bien plus connus en France qu'outre-Manche...

«Lorsque Ken Loach a remporté la Palme d'or à Cannes en 2006 pour Le Vent se lève, cela avait fait très peu de bruit, à peine une colonne dans The Observer, se souvient, un rien scandalisé, Julien Planté. De manière générale, le Festival de Cannes est très peu couvert dans les médias britanniques. Ou alors, à travers le prisme people, Brad Pitt et Angelina Jolie sur le tapis rouge.»

 

Pour autant, les équipes de Cinémoi entendent débarquer en force sur la Croisette, du 12 au 23 mai. Pour l'heure, la chaîne, qui est visible trois heures par jour en clair, a séduit 4 000 abonnés. Mais Julien Planté espère que la semaine cannoise permettra de passer à la vitesse supérieure, avec un objectif de 15 000 abonnés à la fin de l'année.

«Nous avons déjà calé des interviews avec Oliver Stone et le producteur Edward R. Pressman, qui a produit le film, mais aussi le premier Wall Street,La Balade sauvage de Terrence Malick ou encore Bad Lieutenant d'Abel Ferrara. »

 

Fort bien, mais ne s'éloignerait-on pas un peu du cinéma français ? «L'idée, pendant Cannes est exceptionnellement de refléter le cinéma mondial», précise Julien Planté, qui ambitionne de lancer la chaîne aux États-Unis.

Pour l'heure, le directeur artistique planche sur une rétrospective Jeanne Moreau et espère obtenir une interview de l'impérissable interprète de La Mariée était en noir. Son regret ? Ne pas avoir réagi à la mort d'un réalisateur si typiquement français : le cinéaste des délicieux marivaudages, Éric Rohmer.

 

«Je n'avais pas assez de fonds pour acheter les droits de ses films, du coup on n'a rien fait, déplore-t-il. Mais je ne désespère pas de faire découvrir l'un de ses premiers films, Le Signe du lion, injustement méconnu du public britannique.» Et du public français...

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